Un mélange de style réussi !
C'est un film qui oscille entre les catégories très différentes que sont la comédie, l'anime, le thriller et le drame. Les acteurs principaux incarnent leur personnage en y accentuant les traits, ce qui n'est pas sans rajouter un petit côté amateur qui colle bien à l'ambiance du film.
Vraiment léger, "Space Travelers" se regarde avec plaisir. Cependant, il aurait quand même pu être beaucoup mieux pensé, l'histoire n'est pas vraiment aboutie. J'ai aussi préféré la première moitié du film au reste, surtout que la fin traîne en longueur...
Sur le cul.
Les films de braquages sont un peu comme les films de prétoire; on en a vu tellement que même si le genre plait facilement, il est devenu difficile de surprendre le spectateur un tant soit peu exigeant.
Souvent, on rend la chose comique, pour lui conférer l'originalité fantasmée. Ce n'est pas assez, mais si c'est drôle, ça peut passer.
Ca commence tout en rythme, comme pas mal de comédies japonaises mais tout en rythme, avec trois anti-héros charismatiques (Ikeuchi Hiroyuki en jette comme d'habitude, Masanobu Ando est parfait en jeunôt largué et Kaneshiro fait du Kaneshiro) et un Watanabe Ken dont on se doute qu'il ne va pas jouer que l'ôtage de service. Les gags font plus ou moins mouche, et même si la scène d'exposition dure un peu trop, le tout est assez bien monté pour ne pas ennuyer et intriguer le spectateur par un agencement de situations dont on se demande bien ce que va donner le résultat lors dudit "braquage".
Les choses se passent mal comme prévu - il faut bien ça, et il faut dire que c'est assez marrant. On continue tout de même de se demander où on nous emmène. Mais Fukatsu Eri est très mignonne, on laisse passer.
Puis, fort d'un panel de personnages bien pensés et portés par des seconds couteaux impeccables, l'IDEE du film survient: les "otages principaux", réalisant que nos trois braqueurs sont tout sauf de dangereux criminels, et conseillés par un terroriste international présent par hasard (!), décident de jouer le jeu et de les aider. Une idée trop naïve pour que quiconque l'ait osée, mais si belle que tout le monde l'a rêvé. Vous l'avez rêvé, les japonais l'ont fait.
Qui de mieux qu'eux auraient pu le faire? "Space Travelers", par là-même, boucle la boucle amorcée par son titre intriguant: il n'est pas un film de braquage; il est un film d'otaku. Mais pas dans le mauvais sens: dans le sens où l'otaku désire vivre ailleurs que dans le monde pourri qui l'a marginalisé. Car chacun des otages, en jouant le jeu et en s'y prenant peu à peu, le désire, plus ou moins. Naïf, comme son approche du personnage du terroriste, très japonais dans son message, mais remarquablement bien ammené.
Et terriblement jubilatoire. Les flics sont plutôt ridicules, les scènes comiques à partir de là prennent totalement leur envol, bien qu'en filigrane réside un sérieux - dans le sens que ce n'est pas un total délire sans cohérence - et une sorte d'évolution morale de chaque personnage propre aux séries animées jap, chacun se découvrant/rédécouvrant l'autre.
Une historiette d'amour se profile, on imagine comme toujours des dizaines de scénarios à l'avance, car dans l'atmosphère de l'action, le dénouement ne pourra être que léger et original. On pense à ces comédies innocentes de HK. On aime bien.
Mais discrètement, les séquences d'extérieur, mettant en scène la flicaille tout en noir, laissent s'immiscer par une réalisation douée et plus pesante, la menace d'un drame, ou du moins de quelque chose de moins peinard. La mécanique du scénario de "Space Travelers" est imparable: on nous a présenté des personnages, on les a placés dans un contexte de comédie naïve, on s'y est habitué comme à des héros d'anime, ceux à qui l'on se réferre tout le long du film. Puis la fin survient. Bluffante, poignante, loin d'être décevante comme certains le suggèrent, au contraire très belle, mais totalement, très intelligement, bluffante.
****SPOILER****
Le plan sur Ikeuchi Hiroyuki se prenant sa balle imparable rompt court à toute l'ambiance innocente développée 1h45 durant, rompt court aux idées d'évasion que l'esprit du pauvre spectateur aura généré, croyant avoir affaire là au "Hold-Up" de Arcady. Parce qu'on est pas dans du Arcady, là. On est dans un film japonais. Et le cinéma japonais ne nous a t-il pas habitué à nous prendre par derrière, là où les canons immuables de nos cinémas de blanc ne nous avaient jamais pris?
Faire mourir les trois héros... osé. Visuellement et musicalement somptueuse, la scène finale de la banque, révélant tout le potentiel lyrique de la réalisation de Motohiro Katsuyuki, fout sur le cul tant le contrepied qu'elle représente charge chaque plan en émotion. A ce titre, les deux derniers montrant Hiroyuki et Kaneshiro traversant les effets des fumigènes pour braver la horde de flics de faux flingues à la main, sont magnifiques. Cet hommage revendiqué à "Butch Cassidy & the Sundance Kid", non content de ne pas dénoter avec le reste du film, s'inscrit dans la continuité du parallèle qu'établit "Space Travelers" entre la réalité et la fiction, l'héroïsme légendaire/fantasmé et celui des faits.
Prendre ainsi à revers le spectateur est un art décidemment bien développé dans le cinéma asiatique. Les acteurs, tous bons, aidant beaucoup: Kaneshiro, hurlant sourdement le cadavre de Hiroyuki, ouvre le bal d'un premier degré grave marquant les vraies bases de ce faux-film de braquage, de ce faux-film d'otaku, de ce vrai-film moraliste. Dans un autre cas, le terme "moraliste" aurait quelque chose de ronflant et de terriblement commun. Ici, le degré de naïveté qu'il atteint, en plus de forcer le respect, lui fait gagner un autre galon: celui d'humanisme dont la sincérité de la démonstration ne peut que laisser K.O. Presque rien ne s'est passé dans cette banque quasi-vide; aucune action héroïque n'a été accomplie; et pourtant des vies ont été changées; et lorsque trois vies s'éteignent, on a soudain envie de cesser de jouer. C'est facile comme manipulation, mais ce n'est pas gratuit; c'est nécessaire.
Le final, montrant l'héroïne, quelques temps plus tard, pleurer au milieu d'une foule de Noël devant la bande-annonce de la série animée citée tout le long du film, sur une musique héroïsante jusqu'à l'os, achève l'opération "bluffage dans les grandes lignes": les plans sont fluides et vraiment très, très beaux, et elle, pleurant, semblant pleurer après coup - et pour la première fois, symbolise la fureur de vivre dont "Space Travelers", mine de rien, sous ses aspects inoffensifs (qui aurait cru se prendre ça dans la gueule jusqu'aux 30 dernières minutes?), chante les louanges de son premier à son dernier plan.
****FIN SPOILER****
Le message final, prégénérique de fin, fait penser au "Qu'est-ce que tu veux vraiment?" du parfait "Swimming With Sharks" de George Huang. C'est terriblement simple et tout le monde y a pensé des milliers de fois; mais là, c'est après une illustration forte. Ca a beau ne rien changer à la vie de 99% des spectateurs, parce que ça fonctionnera chez 1% d'entre eux, c'est nécessaire. Un peu comme le "Moment Of Romance" de Benny Chan... qui donne envie de laisser tomber une seconde dans une vie, avant d'évanouir ces fantasmes inutiles, le cynisme blasé que la société nous a inculqué. En cela, "Space Travelers" est un film des années 80.
Fort au final, remarquablement fichu, porté par un casting efficace et des personnages plutôt réussis, "Space Travelers" est loin d'être parfait, comporte pas mal de petits défauts et de zones d'ombre par ci-par là (notamment donc dans son traitement trop léger du personnage du terroriste international pourtant seul "mauvais" personnage du film, sujet qui mérite débat), mais réussit si bien son effet, et plutôt durablement, qu'il donne envie d'y aller à fond, comme ses anti-héros sacrifiés sur l'autel des Héros.
Du coup, allez: note maximale.
Etonnant, très étonnant!
Space Travelers est un film formidable. Il décrit trés bien ce qu'est un otaku (au détail prés qu'un otaku est rarement beau comme Masanobu Ando ^_^)
L'histoire est on ne peut plus déjentée, pleine de rebondissements, et complètement absurde... De plus les personnages sont tous bien débiles mais extrêment attachants.
Le mélange d'un aspect de film "faussement action" (ils sont armés jusqu'au dent mais rien ne se passe!) et "faussement comique" (par son dénouement dramatique), rend cette oeuvre on ne peut plus originale.
La seule chose qui m'a déplu est que la fin est assez floue... On en redemande... Un Space Travelers 2!!!!