NINJAOËL 2008 - Chapitre 2
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Au programme de ce deuxième épisode :
Alex Fong en Jet-Pack se penche dans le détail sur le film expérimental
Carnet de Ninja de
OSHIMA Nagisa tandis que
Leo Ho-Tep préfère, lui, se fendre d'une petite nouvelle bienvenue sur le sujet. Au milieu, quoi de mieux qu'une citation en anglais non sous-titré d'un épisode de
How I met your mother par notre ami
Lesamouarifou ? Comment ça, ça n'a rien à voir !? Si madame, complètement.
Photo sur votre droite : statue à l'extérieur du musée Ninja d'Iga-ryu (Japon). Le Festival annuel de Ninja se tient début avril à Iga-Ueno, berceau des ninjas et principale ville de province de la préfecture de Mie, à moins de 500 km de Tokyo. Quelques photos de cet évènement servent d'intermèdes à ce deuxième chapitre.
Le mystère du manuscrit bouddhiste (par Leo Ho-Tep)
- Glacial frisson qui me poignarde,
Le chevalier est bien seul face à sa lame
Quand tous les cadavres qu’il a piétinés il regarde.
La lune seule me fait espérer,
Je m’enivre de son doux parfum
Alors que le chaland insiste pour marchander
Seul le souffle de l’infini me fait espérer.
Je m’apaise au bord de l’eau, mais déjà le vent vient troubler ma quiétude.
N’existe-t-il donc aucun moment de paix ?
- Chu Liu-xiang est d’humeur poétique ce soir ! Quels vers magnifiques, sensibles et aérés ! Me ferez-vous l’honneur de me conter vos dernières péripéties ?
- Mais avec joie mon cher Liang Tai-lung. Il se trouve justement que je reviens d’une mission des plus périlleuses. Mes assistantes et moi étions sur la piste d’un cannibale hermaphrodite aux dents pointues. Un ancien moine bouddhiste mi-homme mi-cheval avait rédigé un texte menant à sa cachette et révélant son identité. Une nymphe défigurée par un sorcier schizophrène nous avait effectivement envoyés dans un monastère caché derrière une grotte protégée par des statues d’argile magiques.
Après avoir affronté les statues, nous arrivâmes dans un immense jardin rempli de petits ponts et vases majestueux. Nous nous dirigions d’un pas confiant vers une immense porte lorsqu’un bruit sourd me fit me retourner : mes assistantes avaient été assommées ! Pourtant, je ne voyais nulle trace de l’agresseur. Soudain un tourbillon s’échappa d’un des vases : un ninja s’y était caché et s’apprêtait à fondre sur moi. Sans la cotte magique en or que m’avait confiée la nymphe, je n’aurais certainement pas survécu à son attaque. Ne me laissant aucun répit, il bondit jusqu’à un arbre avant de disparaître dans les feuilles.
Je dégainai alors mon éventail afin de me défendre. J’eu à peine le temps de plonger sur le côté pour esquiver un jet d’étoiles mortelles. J’étais certain qu’Il s’agissait d’un autre adversaire puisque le tir venait de la direction opposée à celle où j’avais vu fuir le premier ninja. C’est du moins ce que je croyais… C’est alors que je remarquai un bambou qui dépassait de l’eau. Comprenant qu’il permettait au ninja de respirer, j’y engouffrai plusieurs petits cailloux.
Lorsque mon adversaire refit surface, je m’élançai sur lui afin de le terrasser. Mais alors que je me préparais à frapper, il disparut dans une fumée noirâtre à l’odeur repoussante. Je n’eu que le temps de me laisser tomber en arrière pour esquiver son coup de katana. Par chance, son sabre était trop long et il se planta dans un tronc d’arbre. J’en profitai alors pour me relever d’un flip avant tout en lui assenant un coup de pied dans l’estomac. Il s’élança alors vers l’arbre et y grimpa comme un koala à l’aide de ses griffes d’escalade.
Anticipant son mouvement, je lui lançai un poignard volant qui lui fit perdre l’équilibre, mais il ne se laissa pas décontenancer et déroula une cape qui lui permit de planer au loin. Cette technique lui aurait permis de me semer si entre-temps mes assistantes n’avaient pas eu la présence d’esprit d’aller chercher notre bateau. Nous le suivîmes donc jusqu’à son repaire sans qu’il ne s’en rende compte.
Le ninja pénétra alors dans un vieux temple abandonné. En y rentrant à mon tour, je fus stupéfait de voir qu’il n’y avait rien d’autre que de la poussière et des statues. Le ninja se tenait devant l’une d’elle. Soudain, il cogna ses talons l’un contre l’autre trois fois de suite avant de faire un tour sur lui-même. Je m’attendais à ce que l’endroit ne se change en repaire secret, mais il n’en fut rien. Le ninja poussa un cri et s’effondra.
Ignorant le danger, je m’élançai vers lui, pour constater qu’il ne respirait plus. Les ninjas pouvant facilement déplacer leurs points vitaux et bloquer leur respiration pendant des heures, je m’emparai de son sabre et commençai à le découper en morceaux très fins. Je ne m’arrêtai que lorsque la lame se brisa sur quelque chose de dur : un parchemin enroulé. Je commençai alors à le lire, espérant qu’il révélait l’identité et la cachette du cannibale…
« journal de Hiroyuki.
Cher journal, cela fait maintenant des mois que je suis un ninja. Mon père ayant été assassiné par un vil seigneur de guerre, j’espérais être formé pour le venger. Mais mes maîtres surveillent mes moindres faits et gestes. Ils refusent que je fasse autre chose que remplir des missions toutes plus idiotes les unes que les autres.
L’entraînement est dur et je n’aime pas tuer. Quand j’aurais trouvé l’assassin de mon père, je cesserai d’être un ninja. J’ai tellement d’autres passions ! Mes poèmes pourraient me rendre célèbre, mais toute activité individuelle est proscrite. Dès que je réclame un peu de temps pour moi, on me répond qu’il faut travailler plus pour gagner plus, et quand je réplique que je ne suis pas payé, ils me disent que le fait de ne pas m’avoir laissé mourir comme le misérable ver que je suis est une salaire en soi.
Je n’en peux plus. De plus, je crois qu’un de mes voisins de chambre m’a dérobé mon inhalateur et mon asthme me fait souffrir ces derniers temps. »
Je compris alors que le pauvre garçon était mort de son asthme. C’était vraiment regrettable car il ne m’avait pas ouvert la voie vers son repaire.
- Tu n’as donc pas trouvé le cannibale hermaphrodite aux dents pointues ?
- Et bien si, il se trouve que nous sommes tombés nez à nez avec un commis de cuisine qui sortait de la cachette pour aller faire les courses et il t’a balancé, scélérat !
A suivre….
Festival annuel de Ninja d'Iga-Ueno
Ci-dessus une maman ninja prend le bus en abandonnant ses enfants ninjas dans la rue (pô bieeen).
How I met a ninja (par Lesamouraifou)
Je ne sais pas trop comment commencer cette petite digression sur les ninjas. Pourquoi ne pas commencer sur une citation d’un épisode de
How I met your mother. Saison 3 episode 15 :
-So I'm working on this report Called "using 23-b-3 spurious class action precedent based on a lack of commonality, numerosity..."
-Dude, you lost us. Can't you just call it something cool like "the ninja report"?
-Okay. Yeah, fine, whatever. Um, so I'm supposed to turn in "the ninja report" yesterday.
-Awesome. -wow. Cool.
C’est pas faux finalement. On sait tous qu’au fond ils étaient des espèces de tueurs à gages avec des identités plus ou moins cachées (enfin c’est surtout mon point de vue), en gros ils étaient les services secrets de l’époque du japon féodal. Et pourtant comme on le voit ci-dessus on les trouve cool.
Ça doit en partie être dû à l’image que je me fais d’eux après avoir lu
Naruto de
Masashi Kishimoto, ou bien vu
Shinobi de
Ten Shimoyama, le film live de
Basilisk dans lesquels les ninjas sont assez hors du commun et possèdent des pouvoirs plus qu’extraordinaires. Finalement on imagine encore et toujours, mais leur vie était tellement secrète, qu’on ne saura peut-être jamais de quoi elle était faite.
Enfin, on peut tout aussi bien rire d’eux comme dans les tomes 5 et 6 de
Dragon ball de
Akira Toriyama dans lesquels le ninja violet utilise des techniques toutes plus étranges et farfelues les une que les autres. Ce sont les points positifs dont je préfère me souvenir personnellement; il vaut peut-être mieux garder cette image d’eux, plutôt que de s’imaginer qu’ils étaient la police politique de l’ombre, à leur époque.
Festival annuel de Ninja d'Iga-Ueno
Agression caractérisée de bébés ninjas à Iga-Ueno ! A leur droite : affiche du Festival 2004.
Aux armes ! (par Alex Fong en Jet-Pack)
Si l’on connait l’aptitude de
OSHIMA Nagisa à sonder la psyché torturée de la société japonaise contemporaine, son exploration du film historique reste plus méconnue. Conçues comme des reflets allégoriques et intemporels de la thématique révolutionnaire, ces œuvres se focalisent sur les figures fortes d’agitateurs se rebellant contre le système féodal rigide. Dans Le révolté (1962), le personnage historique de Shiro Amakusa s’illustre en chef de file de la révolte d’une communauté chrétienne persécutée. A l’occasion de
Carnets secrets de ninja, le cinéaste adapte une épopée manga de Sanpei Shirato, seize volumes parus entre 1959-62, où l’on retrouve la lutte vitale d’une communauté paysanne dans un Japon ravagé par les incessantes guerres menées par les seigneurs locaux, dont Oda Nobunaga qui deviendra un des premiers unificateurs du Japon féodal. Carnets secrets de ninja constitue une saga dense conçue comme une exaltation des figures rebelles qui trouva un fort écho chez les étudiants radicaux de l’époque. Ancré dans la province d’Iga dont l’indépendance représentait un défi à l’autorité de Nobunaga, le manga illustre une longue et impitoyable lutte armée qui sera finalement soumise devant les moyens colossaux mis en œuvre par le régent.
Alors que les personnages conflictuels sont généralement incarnés par des samouraïs impétueux, les leaders prennent ici le visage des personnages de ninja, dont le charismatique et mystérieux Kagemaru. Au contraire des samouraïs inféodés aux seigneurs locaux, les ninjas n’étaient pas subordonnés aux grandes familles et jouissaient d’une liberté d’action dans leurs luttes et exactions, leur non-affiliation au bushido autorisant des méthodes de guérillas non-orthodoxes. Ces figures troubles et ambigües nappées d’une aura mystique trouvent dans cette saga une incarnation particulière. Un clivage net est ici établi entre la société corrompue et le monde mystérieux des ninjas ; le manga inscrivant ces derniers comme des personnifications mythologiques affiliées aux forces indépassables de la Nature, vue ici comme l’allégorie d’une puissance juste et équitable régulant les destinées humaines, la conclusion de la saga étant à ce titre sans équivoque.
Au prix de pertes humaines colossales et des sacrifices humains tragiques, la survivance de rebelles sera toujours effective pour mener à bien une lutte incessante contre l’injustice, Shirato offrant une réflexion ouverte sur la persistance de ces personnages vitaux dans notre société actuelle. Dans sa note d’intention, Oshima évoque clairement l’attrait de ce parallèle : « Le thème de ‘Carnets secrets de ninja’ est la révolution. Quel est l’esprit de cette révolution ? Dans notre societé stable, les gens ont oublié que l’histoire est encore en marche. Les thèmes révolutionnaires ne sont pas considérés convenables au cinéma, pourtant les récents changements sociaux démontrent bien l’actualité et l’importance de ce sujet ». Le spectateur aura tout de même du mal à y percevoir une véritable œuvre didactique de propagande, Carnets secrets de ninja restant avant tout une fresque épique et foisonnante, ode à l’action cinétique et évocation fascinée des figures de ninjas évoluant dans un monde brassant implications rationnelles et ressorts mythologiques. En résulte une adaptation convoquant le sérieux littéraire des productions Daiei (la série
Shinobi no mono) et les digressions fantastico-ludiques propres au studio de la Toei.
Loin d’être une déclinaison classique, le particularisme premier de Carnets secrets de ninja tient dans sa nature plurielle. Manga difficilement adaptable sans moyens financiers conséquents et astuces techniques novatrices (importance fondamentale des effets spéciaux), la patte Oshima se manifeste par une approche inédite et expérimentale. Reprenant directement les planches originales du manga, il articule un défilement subjectif du récit en enchainant une multitude d’images fixes agrémentées de voix-off (narrateur et personnages), de bande-sonore (bruitages, musiques) et d’effets de caméras dynamiques (zoom, panoramiques). En cela, le cinéaste reprend ce qu’il nomme ‘la méthode Yunbogi no nikki’, du nom de son précédent film offrant un procédé documentaire original superposant des photographies à une lecture de journaux intimes.
Condensant les seize volumes en deux heures, Carnets secrets de ninja souffre de son exhaustivité, offrant un montage ‘mitraillette’ proprement infernal. La présence omniprésente d’un narrateur volubile et d’une focalisation constante sur l’action achevant d’en faire une expérience radicale. Centré sur les personnages de Jutaro Yuki (fils d’un seigneur assassiné) et Kagemaru (chef spirituel de la révolte paysanne), le ‘film’ illustre une période violente de l’histoire du Japon où conflits, vengeances et trahisons agitent les hautes sphères pendant que le bas-peuple souffre d’une famine durable. Récit initiatique où Jutaro Yuki versera du coté du peuple et viendra peupler l’imaginaire collectif des héros rebelles, on y retiendra finalement plus l’évocation d’un monde déréglé mêlant barbarie discontinue et fulgurances ‘fantastiques’
(...)
Les deux derniers paragraphes de cet article sont à lire sur le site de leur auteur : Eigagogo.free.fr (le lien mène à l'article en question).
Festival annuel de Ninja d'Iga-Ueno
A gauche, encore des ninjas kawaï ! A droite, un combat de ninjas. L'un dit qu'il est le père du petit noir et que l'autre est le père des petites rouges. L'autre en question n'est pas d'accord : "Non, mon mien c'est le p'tit qu'est en noir ! T'awar ta tronche toi!". D'où : combat de ninjas qui se continue et se termine sur les deux extraits vidéos ci-dessous, piochés sur YouTube :
Prochainement : ne ratez pas le Chapitre 3 ! Du sang, des révélations, des cascades mortelles, du ralenti ridicule et, peut-être enfin, le nom du coupable se cachant depuis le début derrière sa cagoule noire !...
Sources (photos et commentaires) sur le Festival annuel de Ninja de Iga-Ueno : rage-attitude.com, Guillaumevares.blog.lemonde.fr