Un médecin aisé, sa femme et leur fils reçoivent un jour une mystérieuse cage avec, à l’intérieur, paisiblement assise, une morte vivante. Elle est accompagnée d’une note d’instructions précisant « ne pas lui donner de viande - peut devenir violente » et d’un pistolet au cas où la créature s’en prendrait aux humains. Frottant et nettoyant sans relâche, Miss Zombie devient rapidement la servante docile de cette maison, entraînant au sein de la famille une succession d’événements malheureux et inattendus, causés par la fascination qu’elle exerce sur le jeune fils comme par l’attirance que le père éprouve pour elle.
Sabu, de son vrai nom Hiroyuki Tanaka (Postman Blues, Monday) nous revient avec sa Miss Zombie dont je me méfiais comme de la peste. Pire que bubonique, la zombie nique ? Voilà un jeu de mot de très mauvais goût qui ne doit en rien nuire à cet excellent film. Il apporte une belle pierre au mythe du zomblard ainsi qu'à la terrasse que notre morte-vivante domestique doit récurer sans cesse. Contrairement à ce que son titre peut laisser croire, on se trouve bien loin d'une folie à la Sushi Typhoon. Le pitch évoque davantage la série suédoise Real Humans, avec une zombie en lieu et place d’un robot pour faire le ménage et titiller la libido des mâles environnants. Sur ce sujet casse-gueule (Fido et d'autres sont aussi passés par là), le réalisateur s'en sort avec un sacré brio. Il prend le temps, laisse ses personnages et l'intrigue évoluer doucement mais inexorablement vers le traditionnel bain de sang. La lenteur de la narration prend sens avec les mouvements évolutifs de la créature, le scénario est servi par une mise en scène belle à en pleurer, aidée d'un montage au diapason, d'un noir et blanc somptueux, et pour qui aime quand le zombi apporte des réflexions sur la vie, la mort etc, il sera servi. La notion de temps, celui de reflet, les attentes de l'homme par rapport à la femme, la lutte des classes, les paradoxes du champs de l'emprise dominant/dominé, tout cela est évoqué avec une humanité bouleversante, non dénuée d'un humour noir léger mais bienvenu. Je suis certain qu'il plairait à papi Romero, ce film-là ! D'autant que tout fana aimant à dessouder du zomblard virtuel à l'occasion – j'en suis - en prend pour son grade. Tout défouloir a son prix, même s'il semble inoffensif. Hormis quelques fautes de goût sur la fin, c'est du tout bon. J'espère qu'elle remportera le Grand prix, la miss, parce qu'il y a aussi du Onibaba dans cette histoire...
L'autre événement de la journée fut la conférence de presse donnée par Kim Jee-won (cf. photo ci-dessus, une rare puisqu'il y sourit un peu). Comme beaucoup, je n'ai pas pu bénéficier d'une interview en tête-à-tête – ce sera ma grosse déception - mais l'échange n'en était pas moins intéressant. J'ai posé une question, j'en avais tout un tas sous le coude : elles y resteront. Quoi que cette position n'étant pas très confortable, rangeons-les plutôt là, dans ce tiroir. Sait-on jamais. Retranscription ici.
Enfin, pour conclure cette journée notons que le film anglais The Machine, maladroit dans sa narration et trop bavard, propose néanmoins une belle série d'emprunts à l'univers robotique dont quelques belles scènes inspirées par le Ghost in the Shell de Mamoru Oshii. La gestuelle guerrière du robot féminin, nue, et qui vaque, est équivoque.
Je compte agir contre la contagion du contingent ! J'espère que ce journal vous aidera à éviter les pièges dans lesquels je suis tombé. J'en sais trop sur les coins d'ombres de ce monde, la folie me guette, les films tourbillonnent dans ma caboche : danger !
Tales from the Dark 1 est un triptyque plutôt léger qui permet de varier les plaisirs, plutôt répétitifs du côté de l'occident.
Stolen Goods (Simon Yam). Fraîchement licencié, un homme décide à contrecœur de dérober des urnes funéraires, espérant en tirer profit auprès des héritiers qui voudraient bien les réclamer.
Simon Yam (A Day without Policemen) s'en sort honorablement à la réalisation sur un premier segment bien écrit - c'est tiré de bouquins de Lillian Lee (Green Snake, Rouge...) -, et bien joué. Il y est terrible en pauvre gars perdu, survivant dans une HK sans aucune pitié pour ceux qui échouent. Marche ou crève ! Evoquer ces kidnappeurs d'urnes funéraires – ça existe – qui exigent une rançon en retour des cendres d'un être décédé est un excellent postulat. Et ça parle en cantonais de la ville de HK donc ça me parle.
A World in the Palm (Lee Chi-Ngai ). Une medium reçoit la visite d’une femme enceinte qui prétend être possédée par un esprit, et d’une adolescente suivie d'un filet d’eau. Elle réalise bientôt que la jeune fille s’est noyée quelques jours auparavant.
En milieu de film, Lee Chi Ngai (Lost and Found) nous offre un jeu en roue libre de Tony Leung KF et Kelly Chen, qui en médiums locaux s'éclatent à chasser du fantôme. Surtout elle, lui s'en fout, il voit des esprits tous les jours aussi les libérer de leur malédiction fait gentiment partie d'une routine dont il se passerait bien. Trop léger mais jubilatoire pour un fana. Et puis ça parle en cantonais de la ville de HK donc ça me parle.
Jing Zhe (Fruit Chan). Une chasseuse de villain, l’équivalent en Chine des exorcistes, rencontre une belle jeune fille d’une vingtaine d’année qui la somme de jeter un sort sur quatre personnes. Le sort provoquera la mort et révélera un secret insoutenable.
On finit en beauté avec le très beau – et profond – tronçon de Fruit Chan, dont on attend son The Midnight After avec d'autant plus d'impatience. Il aborde l'exorcisme quotidien - on y va comme on va acheter son poisson au marché - à base d 'éclatage de chaussure sur la photo d'une personne à qui l'ont souhaite du mal. En effet, ça finit mal. Bien joué, doté d'une très belle photo nocturne, pas con, ce sketch cause aussi en cantonais de la ville de HK donc ça me parle (déjà dit ?). Tale from the Dark 2 est parait-il meilleur : ce sera pour dimanche soir. Chaque horreur indicible en son temps.
Séance photo du jury devant le lac. De gauche à droite : Juan Solanas, Vahina Giocante, Jan Kounen, Roxane Mesquida, Alain Damasio, Kim Chapiron.
Dans l'excellent V/H/S 2, qui une fois n'est pas coutume joue très bien des codes pourtant balourds du found footage, la partie de Gareth Evans et de ses potos indonésiens est, il est vrai, bien dégueulasse.
Larry est un détective privé peu à cheval sur l’éthique qui filme toutes les étapes de ses investigations. Avec sa collègue et petite amie Ayesha, il est engagé par une femme pour enquêter sur la disparition de Kyle, le fils de cette dernière qui n’a plus donné signe de vie depuis une semaine. Quand Larry et Ayesha pénètrent dans la maison visiblement laissée à l’abandon de l’étudiant, ils n’y trouvent rien d’autre qu’une pile de cassettes vidéo, et un ordinateur portable. Pendant que Larry fouille les lieux à la recherche d’indices, Ayesha commence à visionner les cassettes. Toutes font la preuve en images d’une série d’événements surnaturels...
Ceci n'est pas "que" mon sang.
Entre deux coups de machette, notre réalisateur bourrin (The Raid 1 et bientôt 2, sans Bruce Willis, faut pas confondre, la gériatrie c'est l'étage du dessus) a trouvé le temps de glisser un peu beaucoup d’Indonésie dans son excellent segment Safe Haven. Il pose son ambiance malsaine autour de la découverte d'une secte de tarés d'obédience lovecraftienne, balance du gore bien craspec sans aucune once d'humour – la salle ne fait pas la fière et moi non plus – jusqu'à sa conclusion et sa bonne grosse blague qui permet à tout le monde de respirer un peu. Impressionnant.
Aujourd'hui, dans le cadre de notre séminaire "téléphone sourire", appuyez sur le bouton !
Hors sujet : toujours dans V/H/S2, on peut voir un formidable segment nous racontant la zombification d'un cycliste en pleine forêt par le biais de sa GoPro, perchée sur son front. Bonne poilade mémorable.
On finit la tête à l'envers avec la nuit fantastique. Sharnado et ses milliers de requins pris dans une tornade entament les hostilités, tuant des californiens dans la joie et la bonne humeur. Les productions ricaine The Asylum rivalisent pas mal rayon connerie avec les Sushi Typhoon japonais, absents cette année. C'est ballot, je comptais sur le festival pour me montrer un petit Toilet of the Dead ou autre mais soit.
Le miroir du plafond du hall de L'Espace Lac continue, année après année, d'aspirer les âmes damnées des spectateurs qui s'aventurent en son dessous...
Un peu plus tôt, l'anglais The Last Days on Mars, sous-Alien de plus dans l'espâââce, nous a proposé en mode conduite assistée les déboires d'astronautes sur - roulements de tambours - Mars, en conflit avec un parasite (martien) qui - Ô originalité, où es-tu ? - transforme ses victimes en zombis. La chose n'est pas trop mal fichu mais sans intérêt, contrairement au The Station autrichien. Sur ce même concept, ce dernier part dans un délire bisseux bienvenu. Si le scénario y pompe gentiment The Thing, son traitement bis mais premier degré, avec un second degré à aller chercher soi-même dans des rebondissements bien fun, assure un succès festivalier pour l'objet, très aidé par une ministre de l'écologie - croisement fictionnel entre notre Eva Joly et l'allemande Angela Merkel - qui ne manque pas de ressources dans l'action. Final mi fandard mi sérieux étonnant. Péloche sympa. Le très bon The Babadook australien, lui, risque bien de remporter le Grand Prix. Même s'il fait clairement doublon avec la Mama de l'année précédente, il est mieux construit, contient plus de sens, montre moins sa bête - budget oblige et c'est tant mieux - et, cerise sur le gâteau, est réalisé par une femme. Ca donne du cachez-vous, ils arrivent ! NOOOOOON !
Pendant ce temps, sur le lac...
Coin, coin ! Viens Ghislaine, on va chercher le pain.
Pillow (Gordon Chan). Une jeune femme, insomniaque depuis la disparition de son petit ami, achète un oreiller qui dégage une odeur agréable. Son acquisition lui permet rapidement de retrouver le sommeil, mais elle ignore encore le secret qu’elle renferme…
Gordon Chan (2000 AD) nous revient en grande forme par la grâce du court-métrage. Le sien, Pillow, stimule les sens avec sa bien belle héroïne qui se voit possédée dans tous les sens du terme - pillownée ? - par son oreiller. L'oreiller l'a crevée, elle a dû rêver trop fort. Erotique, léché, caressé et bien mis en scène, l'objet fait plaisir à voir. Ca change notre ami Gordon Chan du Wu Xia pseudo gothique, on sent que là il se fait plaisir et nous aussi.
Hide and Seek (Lawrence Law). 8 personnes se retrouvent dans la cour de récréation de leur ancienne école pour s’amuser comme au bon vieux temps. En pleine partie de cache-cache, ils sont rejoints, sans le savoir, par de nouveaux joueurs…
Le second sketch s'amuse et nous aussi de ses gamins s'en allant jouer à cache-cache dans une école fermée, hantée par des fantômes victimes du SRAS. Le conte est cruel, jubilatoire, les comptes fatals in fine mais le tout s'avère finalement plus fun que véritablement effrayant.
Black Umbrella (Teddy Robin). Un homme d’âge mur à l’apparence irréprochable et à l’attitude chevaleresque, se sent de plus en plus déconnecté du monde, perverti par la culture moderne. Abusé une fois de trop à cause de sa naïveté, ses démons intérieurs commencent à briser leurs chaînes…
On termine avec un feu d'artifice, le bien trash Black Umbrella dans lequel le tout petit Teddy Robin (Hong Kong Graffiti) filme et joue à la perfection cette magnifique histoire basée sur un folklore sacrément passionnant, aidé comme tous les autres d'une partition efficace de Kenji Kawai. Il ne faut point trop en dire sur ce bijou, noir comme le fond d'une impasse à Hong-Kong, la nuit...
Hors sujet : The Sacrament de Ti West reprend en mode found footage le concept du sketch - également en ff - de Gareth Evans dans V/H/S 2 pour en faire une réflexion pertinente sur les sectes. Le film, réussi, repose sur l'écriture et la prestation charismatique du Père, incarné par l'impressionnant Gene Jones, qui aide à comprendre le tourbillon de folie dans lequel on sombre lorsque qu'on entre dans ce type d'univers. D'utilité publique, bien joué.
Laissons le mot de la fin à Miss Zombie.
J'aimerais remercier toute l'équipe, sans qui rien n'aurait été possible. Je m'excuse encore auprès de la famille du preneur de son. Il est mort, il a beaucoup souffert, c'est de ma faute. J'avais un peu faim, pardon. Merci au réalisateur, Sabu, de m'avoir permis d'exister. Et de montrer que la mort envahit parfois les vivants lorsqu'ils se laissent aller à dépérir mentalement, tout simplement. Merci encore, vraiment.
La vie est parfois si truelle.
Merci à l'équipe du Public Système pour son accueil.
Je tiens à dédier ce CR à Yves, un très bon ami qui s'est un peu beaucoup suicidé en juin dernier. En sa toujours excellente compagnie, j'avais fait mon 1er festival de ciné, à Cognac, en 1998. Y furent projetés cette année là Le syndicat du crime 3, Once a Thief, The Replacement Killer, Final Option, Beyond Hypothermia, Shanghai Grand, Perfect Blue, Full Alert.