Avorton
"Jejak Darah" est une œuvre curieusement schizophrène…et un cas à part dans la récente filmographie indonésienne d'horreur…
En fait, "Jejak Darah" est à l'origine un livre de Chris X, dont la société de production "Conquest Prod" s'empresse d'acquérir les droits pour en tirer une adaptation cinématographique. Rapidement, des divergents artistiques font, que l'auteur prend ses distances et laisse au scénariste Maruska Bath l'entier soin de réadapter la nouvelle d'origine, qui va subir des profonds changements pour les besoins de l'adaptation. En premier lieu, la relation que lie Jessica à Mischa sera totalement réécrite, de même que l'intrigue modifiée et des personnages disparaître totalement…
Mais même le tournage n'est pas de tout repos, les producteurs n'arrêtant pas de s'immiscer dans le travail du réalisateur Nur Hidayayt, cadreur notamment sur "Kuldesak" et "Jamila et le président". Selon les producteurs, le film que réalise Hidayat est beaucoup trop extrême pour espérer passer la censure et ils l'obligent de revoir le côté graphique à la baisse avant de totalement écarter le metteur en scène des bancs de montage, de tout modifier et même de laisser re-tourner certaines scènes…Tout cela résulte en un tournage chaotique et houleux, qui fait largement dépasser les délais (et le budget) de production et attire mauvaise presse.
Le film est tout à l'image de ce tournage houleux: démarrant sur une séquence d'ouverture d'une rare violence, semblant s'être échappée d'un torture porn movie japonais, la séquence d'après tranche carrément avec les deux interprètes principaux d'une rare niaiserie, qui s'expliquent d'une voix mal assurée, position horriblement figée, comme pétrifiés de peur devant la caméra qui tourne devant le décor d'un lac faisant toc et un hideux coucher de soleil. On embraye sur la séquence d'avortement dans la clinique privée avec un nouveau changement de ton donnant dans le thriller à suspense aux couleurs beaucoup plus grises et blafardes. Premier élément totalement raté avec le curieux personnage d'une concierge bossue, dont on ne sait pas très bien, s'il faut la prendre au premier ou au centième degré…
On retrouvera exactement ce même défaut dans toute la séquence finale, qui aurait pu donner quelque chose d'incroyablement glauque, s'il n'y avait la maladresse de la mise en scène totalement à côté de la plaque, des rebondissements invraisemblables et des interprètes cabotins…Le héro devra ainsi se battre contre une assistante hystérique affublée d'une grosse épée avant de l'empoigner de manière tout sauf réaliste et l'empaler sur un tuyau…On ne parlera même pas du sort réservé au grand méchant hypra cabotin…mais je vous mets au défi de lancer une telle bougie sans qu'elle s'éteint et qu'elle fasse ce qu'elle fait (bref….regardez au moins cette dernière séquence pour juger du ridicule).
Toute la partie centrale, elle, accumule l'ensemble des scènes faisant les beaux jours des films de fantômes et autres dérivés de la J-Horror depuis la seconde moitié des années 1990s, entre apparitions subites, inscriptions inquiétantes sur fond de bué de la douche, scène de douche et même une télé, dont on s'attend à voir une Sadako sortir (ce sera presque ça).
Et pourtant il y a ce je-ne-sais-quoi, qui fait qu'on tienne jusqu'au bout, à l'instar de cet ultime plan-séquence, fort sympathique et ces quelques rebondissements réussis ou tellement mauvais, que cela pousse à voir le film jusqu'au bout…Et puis, c'est l'un des rares films indonésiens à ne PAS montrer l'esquisse de seins, ni à faire intervenir des personnages affligeants censés être drôles…Et rien que ça, ça fait du bien !!
