drélium | 4.25 | Une claque ! |
El Topo | 4 | Merci Monsieur Dionnet... |
Ghost Dog | 3.25 | Ames catholiques sensibles s’abstenir |
Ordell Robbie | 3.5 | Visuellement intéréssant, simpliste dans son discours anticlérical |
Le cadre, un couvent de nonnes à priori interdit aux hommes (et quelques escapades en boîte de nuit délurée), une jeune femme parfaitement émancipée y entre pour découvrir le secret de la mort de sa mère. Elle y découvrira avec nous, des pratiques lesbiennes, des abus de pouvoir et sexuels, des tortures (au fouet principalement), du sadisme, du masochisme et de superbes japonaises qui cachent (pas pour longtemps) de non moins superbes poitrines dénudées, une galerie de nonnes qui ont toutes beaucoup à cacher et qui se révèlent bien moins coincées que l'on ne le pense...
Direct, hautement insolent et blasphématoire pour tout bon catholique fervent qui se respecte, "Le Couvent..." n'est jamais vulgaire, il est même d'une beauté ahurissante, Norifumi installant une ambiance surréaliste entre gothique et baroque qui se mêle à merveille à l'esthétisme érotique plus traditionnel du genre : beauté, sainteté, chasteté et perversité, tout un programme. Je suis tombé sous le charme définitivement, en particulier de notre héroïne et sa compagne de galère toutes deux immensément belles et charismatiques. Une qualité générale et un esthétisme propre à l'exploitation japonaise sans commune mesure avec les réalisations européennes du même genre et un supplément de mysticisme et de psychologie des personnages qui en font une réussite majeure de l'exploitation.Après une dernière journée passée à croquer à pleines dents dans les plaisirs de l’existence, Takigawa Maya entre dans les ordres et intègre un couvent de bonnes sœurs dans lequel règnent discipline et foi, mais aussi perversions et cruauté (quand il s’agit de redresser la route de brebis égarées loin du droit chemin). Entre une mère supérieure tortionnaire et un révérend lubrique, les obstacles sont nombreux pour Maya qui est bien décidée à élucider le mystère de ses origines troubles qui, semble-t-il, prend racines dans ce couvent de jeunes filles…
Dans la pure tradition du Roman-Porno 70s de la Nikkatsu (même si il s’agit d’un des rares films du genre produits par la Toei) Le Couvent de la Bête Sacrée de Suzuki Norifumi se propose de montrer le plus grand nombre de scènes de nu possible, en une heure et demi d’enquêtes dans un univers plus ou moins interlope. Bien sûr le film reste conforme aux règles d’éthique fixées par l’Eirin (l’organisme de censure japonais pour le cinéma) c'est-à-dire qu’on n’y voit n’y pilosités pubiennes, ni parties génitales et encore moins de scènes de pénétration (rappelons que la seule exception à ce règlement, l’Empire des Sens de Oshima Nagisa est considéré comme un film étranger au Japon). Ces contraintes amènent donc souvent les réalisateurs de films érotiques à compenser l’absence de scènes « hardcore » par une large exploration d’un grand nombre de perversions, notamment sado-masochistes (comme on peut le voir par exemple chez Ishii Teruo dont les films n’ont parfois rien à envier au plus trash de Miike Takashi ce qu’on a tendance à oublier quand il s’agit de vilipender l’« extrémisme » du cinéma de ce dernier). Ainsi Le Couvent de la Bête Sacrée contient son lot de viols, de lesbianisme ou encore de scènes de flagellation, soit autant de passages obligés des films de « nun-exploitation ».
Pour parvenir à ses fins, Maya (interprétée avec talent par la sublime Tagikawa Yumi) doit donc passer par mille supplices que lui font subir ses congénères dont l’inhumanité n’a d’égal que l’intransigeance…quand il s’agit des autres, car l’on voit dans le film de nombreux personnages faire preuve du sadisme le plus atroce vis-à-vis de « pauvres pécheresses » mais se substituer à leurs responsabilités quand ils se sont eux-mêmes éloigner des règles que leur impose leur habit. Cette hostilité à l’égard de la religion catholique (très minoritaire au pays du soleil levant) et la récupération de la Sainte-Cène à des fins critiques font écho à toute une tradition de films anticléricaux dont le chef de file est le sublime Viridiana de Luis Bunuel. Et c’est entre autres cet investissement idéologique du réalisateur qui confère au film tous son intérêt.
En effet, on est a mille lieux du tout venant de la production érotique des seventies nippones. Suzuki Norifumi a des choses à dire et il n’hésite pas à mettre le médium cinématographique au service de son propos. Celui qui collaborera plus tard avec Sonny Chiba pour des chambara kitschs expose une vision acerbe du christianisme à travers la vie de ce couvent où la plupart des jeunes filles ne pensent qu’à transgresser les règles. Bien sûr on est bien loin d’être en présence d’un véritable film d’auteur (dans l'acception académique du terme) mais cette délicieuse série B, perverse, sensuelle et réalisée de main de maître par Suzuki (ce qui ne gâche rien) confirme (s’il est encore besoin) que tous les genres peuvent offrir de véritables pépites filmiques, surtout quand un réalisateur nippon se trouve derrière la caméra.
Passée la surprise de voir des bonnes sœurs aux yeux bridés, le film de Suzuki s’avère être une œuvre aussi provocante qu’esthétiquement belle, exploitant avec brio le filon du fantasme sexuel masculin (comme féminin d’ailleurs) concernant les représentant(e)s de la religion catholique. Egalement exploité en France (Justine de Sade) ou en Italie, il atteint ici un niveau de qualité sans commune mesure, et suscite l’admiration, celle d’être allé aussi loin dans l’imaginaire barbare de l’inconscient humain tout en bafouant sans limites un culte certes mineur au Japon mais majeur à l’échelle de la planète. Difficile de songer aujourd’hui au quart de la moitié d’un tel film en Occident sur le catholicisme et encore moins sur l’islam, qui dénonce sans langue de bois les excès d’une religion qui retient des jeunes filles dans une prison déguisée aussi bien physique que mentale, en prônant une morale vertueuse tout en punissant de manière cruelle et perverse celles qui transgresseraient les lois. Evidemment, les fantasmes vont bon train, mais il n’y a pas de fumée sans feu et certains comportements déviants de notables religieux n’infléchiront pas la tendance…
Ce qui pourrait n’être qu’une vulgaire série B mal ficelée étonne par la qualité de sa mise en scène (le passage en revue des sœurs est un modèle du genre), la beauté de ses couleurs et la maîtrise des cadrages. Ainsi, les scènes les plus atroces de fouettages, de rétention d’urine, d’accouchements par pendaison ou de viols apparaissent à l’écran de manière fascinante, bien relayées en cela par l’actrice principale dont le regard est enivrant. Et même si le scénario n’est pas toujours crédible, la dénonciation reste efficace et le plaisir présent. Amateurs de bizarreries cinématographiques et de chair fraîche, jetez-vous sur le DVD Studio Canal !
Le Couvent de la Bete Sacrée est très supérieur cinématographiquement rayon "film de tortures" aux films d'un Ishii Teruo (mieux cadré, mieux interprété). Pour autant, il peine à totalement convaincre parce que son discours anticlérical est bien moins élaboré que celui des chefs d'oeuvre de Luis Bunuel dont il est en somme l'héritier bisseux. Passons rapidement sur le manque de subtilité évident de cette dénonciation de l'église, après tout le film revendique sa dimension pamphlétaire. Reste néanmoins que le film n'évite pas par moments un exçès de surlignage dans sa façon de mettre à mal les contradictions entre principes religieux et réalité de la vie au couvent: les tortures qui sont identiques à celles subies par les chrétiens sous le Shogun, la pénétration par un homme déguisé en nonne qui réalise le fantasme d'une pensionnaire, les soeurs lesbiennes qui remplissent à la fois l'objectif de satisfaction des fantasmes du spectateur masculin et les objectifs pamphlétaires du film -on peut au moins reconnaitre à Suzuki de détourner en cinéaste de contrebande le cahier des charges du film de nonnes-.... Toujours au rayon du discours du film, l'intrusion subite d'un speech sur l'absence de Dieu lorsque la bombe atomique a frappé le Japon fait partie des points malheureusement pas développés par le film qui aurait pu avoir un discours un peu plus complexe en soulignant le doute des religieux vis à vis de Dieu et en introduisant le traumatisme japonais vis à vis de la bombe atomique. Le cinéaste se borne juste à souligner le contraste hypocrisie de l'église/libération des moeurs affichée du monde extérieur (avec les scènes de boite évoquant le Japon pop des films de Suzuki Seijun). Au final, le discours anticlérical du film demeure trop simpliste. Reste qu'en tant que revenge movie stylisé le film convainc plus. La recherche de l'audace visuelle offre ainsi au film une belle variété stylistique même si tous les parti pris formels de Suzuki ne fonctionnent pas. D'où un film surclassant bien des films d'exploitation nippons de l'époque, une oeuvre emblématique du désir transgressif du cinéma seventies, du niveau technique du cinéma d'exploitation nippon très supérieur aux productions occidentales du meme genre.