Anel | 4 | |
drélium | 3.75 | Noir, réaliste, culte et précurseur mais pas forcément facile d 'accès. |
Ordell Robbie | 3.5 | Singulier à défaut d'avoir l'étoffe des grands polars. |
Man on the brink choisit un traitement réaliste typiquement Nouvelle Vague HK : social, sec, râpeux et brut de décoffrage. La photo y est inexistante et la caméra, souvent à l’épaule, remuante comme il faut, ne cache pas le manque de moyens flagrants. Sa violence brutale et surtout sa noirceur pesante s'insinuent dans un quotidien plein d'espoir. Ainsi, même si la femme du héros et sa famille apportent un peu de douceur, le film s’en va tout droit vers le pessimisme total et le réalisme cru le plus perturbant. Man on the brink n’est donc pas un polar d’action hyper stylisé et démonstratif. La préparation et le déroulement des braquages sont rapidement troussés, débarquent comme sur un coup de tête, ce qui ajoute beaucoup au réalisme.
Pour son deuxième film après le presque similaire Cops and Robbers, Alex CHEUNG ne rigole toujours pas et installe avant tout une ambiance dramatique cuisinée maison. On suit la petite bande dans ce que leur vie a de plus simple, vivre dans des cages à lapins, faire la fête, lever des poulettes, s’énerver pour un rien, préparer des casses très impulsifs. De l’arrivée du flic aux brouilles internes de la bande en passant par la copine qui s’interroge, crise de ne plus être considérée par son mari métamorphosé, revient chez ses parents puis décide de changer totalement d’air alors que son mari semble perdre les pédales, le principal est le relationnel et le choc social entre les protagonistes qui sont tous très tourmentés ou le deviennent au fil de la mission.
La mise en scène sans aucun chichi mais efficace saisit bien l’urgence des vies à l’écran et sait être probante et dynamique dans l'action. Les acteurs sont impliqués jusqu’au cou, intenses et nuancés, surprenants même, surtout comparés à une avalanche de film HK de l’époque tellement caricaturaux. Eddie CHAN en particulier, l'interprète principal, maîtrise de belle manière le lent glissement de son personnage vers une certaine anarchie de l’esprit et sa transformation physique tout au long du film ajoute encore à la crédibilité du personnage.
Pour autant, le personnage n’oublie jamais ses vraies origines. Il sait qu’il n’est pas fait pour cette vie et c’est toute cette dualité qui rend son interprétation et le film crédibles. Et finalement l’histoire au relief dramatique indéniable tranche net avec la grande majorité des films d’action environnant, et se place dans la même lignée qu'un "enfer des armes", c'est à dire en avance sur son temps. Quoique tente le jeune policier, au lieu de gravir les échelons des triades et par extension gravir les grades de police et accéder à un statut social privilégié, tout l'ammène, le tire inconsciemment vers le bas alors qu'il semble très conscient de sa situation mais qu'elle lui échappe néanmoins irrémédiablement.
Plus subjectivement maintenant, j’avoue ne pas avoir totalement accroché, certainement avant tout parce que je suis très difficile en polar. Il manque encore une dose de scènes significatives, à l’image de son final et de quelques autres (une scène à la Reservoir Dogs bien puissante notamment), pour que Man on the brink explose son carcan de film noir à l'histoire bien connue. L'ensemble est aussi volontairement assez désorganisé et saute parfois d’une scène à l’autre pour des raisons chaotiques qui collent au parcours du héros mais véhicule une errance assez destabilisante.
Man on the brink n’est donc pas forcément facilement abordable mais de beaux moments tendus, notamment son excellent final, son drame étoffé et ses thématiques radicales raviront l’amateur de polar social noir et réaliste.