Un roman fleuve magistral.
Iwai réalise là un film épique avec son actrice fétiche, Chara. Il est quasi-impossible à résumer, sans oublier une part importante de l'histoire, tant celle-ci est foisonnante et anti-linéaire.
Si le début décrit Yentown et ses habitants, un univers crade, mal famé, différent du Japon brillant, alors que l'on s'attend à une dénonciation du Japon social à la manière d'un Kamikaze Taxi , la suite vire langoureusement vers une version nettement plus rock n' roll, avec des tueurs à gages, des codes secrets, des nettoyeurs à la solde du gouvernement, des gunfights, des explosions, des courses-poursuites, ...
Mais attention, il ne s'agit pas là d'un actionner pur et dur. Iwai s'attache à ses personnages et passe beaucoup de temps sur chacun d'entre eux, à décrire leurs préoccupations. De la chanteuse, au chef des malfrats, de la petite Ageha au loser abandonné, tous les personnages sont sublimement décrits. Même Ren, un type dont on ne sait quasiment rien - sauf qu'il est ultra-doué pour les gunfights - est un personnage passionnant (dont on aimerait en savoir plus).
Il s'agit en fait d'un feuilleton, avec des côtés soap très marqués, des situations impossibles (le truand ayant un code secret greffé dans le foie !), des séquences rock très puissantes (jamais "My Way" n'a été interprété de manière si sublime), des personnages solides, des personnages non pas secondaires mais tertiaires très graphiques (le tueur yakuza, la tank girl sexy, ...).
Du point de vue formel, le film regorge de trouvailles étonnantes : la séquence onirique avec l'excellent Mickey Curtis est d'une beauté à pleurer et pourrait annoncer ce que sera le cinéma de demain !
Le film échappe ainsi à toute tentative de classification, il est également assez difficile à rapprocher d'une autre oeuvre, tant celle-ci est riche, novatrice, foisonnante et surtout passionnante. Culte au Japon, on espère qu'il sera un jour distribué en dehors de ces frontières. On espère également que Shunji Iwai retourne vers des projets aussi ambitieux...
01 février 2001
par
Chris
Gigantesque
Fabuleux ; grande fresque imaginaire sur une ville qui l'est tout autant. Shunji Iwai monte de toute pièce une ville, dans l'esprit de la ruée vers l'or du 19ème siècle aux Etats-Unis : une ville, Yentown, où des immigrants viennent par milliers pour acquérir une fortune imaginaire, mais finisse dans des ghettos, n'ayant même pas les moyens de rentrer chez eux, et toujours aveuglé par un possible miracle. Alternant entre fatalisme et optimisme, Swallowtail Butterfly se focalise particulièrement sur un petit groupe d'exclus qui vont parvenir accomplir leur rêve, pour être rattrapés par une réalité qu'il ne peuvent éviter.
Sordide mais pas trop, Shunji Iwai nous épargne le pire de ce que l'on pourrait trouver dans une telle ville ; il nous livre tout de même un aperçu avec le passage dans la rue de l'opium, une scène glaucque qui reflète très bien ce penchant extrémiste de la population exclue. Pour un film si long, il est rudement bien mené ; le scénario ne s'égare pas et accroche toujours raisonnablement près de la trame principale, autour d'Ageha, Glico et Fei-Hong ; et même lorsqu'ils suivent chacun leurs propre chemins, on ne se sent pas écartelé entre les ficelles.
Le niveau linguistique de Swallowtail Butterfly est également assez étonnant. Au début du film, on se surprend à avoir du mal à distinguer les différentes langues, entre l'anglais, le chinois et le japonais. Même cela donne l'impression qu'au sein de ce ghettos pluri-culturel, une sorte de croisement s'est opéré, créant une langue hybride personnalisant cette communauté. Belle trouvaille de Shunji Iwai, car même si chaque personnage ne comprend pas forcément toutes les langues, toutes ont leur place ici et sont omniprésentes ; et à l'instar d'Ageha, pour une question de survie, chaque « paria » finit par se faire comprendre par tout le monde.
Encore une fois, un film de Shunji Iwai qui me surprend ; à mon goût son meilleur film, tourné sans doute très difficilement dans un univers pluri-langues éprouvant, avec une troupe d'acteurs fabuleux et une histoire magnifiquement traitée, sans jamais se perdre dans des longueurs, malgré ses grosses 2h30.
04 octobre 2005
par
Elise
Papillon charmant mais s'égarant souvent
Sorti à peu près à la même époque et sur le même thème (l'immigration) que Kamikaze Taxi, Swallowtail Butterfly est un autre témoignage du renouveau du cinéma japonais et de son talent pour mélanger les genres: on commence comme un film social pour bifurquer sur la trajectoire d'un groupe de rock et revenir à du cinéma de yakuza. On a surnommé Iwai le Wong Kar Wai japonais. Mais sa photographie est moins stylisée: la stylisation passe chez lui par le coloriage criard, le look des personnages (un yakuza looké corsaire), l'utilisation de la caméra portée pour donner un côté heurté, documentaire. Par contre, My Way joue le même rôle que les chansons des films de WKW: elle exprime l'idée de choisir sa propre voie pour arriver à son but, de ne pas le regretter, exactement ce que font des héros qui volent des billets pour avoir de quoi s'acheter un club ou tuent pour retrouver la cassette de My Way justement. Elle pourrait résumer le film à elle toute seule. L'autre force du film est la capacité d'Iwai à retranscrire sur le vif le bouillonnement créatif du Tokyo alternatif, la description de la récupération de cette agitation par des producteurs véreux. La volonté du cinéaste d'essayer d'approfondir tous ses personnages, la dispersion du récit entrainent quelques longueurs et font partir parfois le film dans tous les sens mais il faut remercier Iwai d'avoir respecté tous ses personnages et d'avoir fait un film sans véritable héros: Ageha ne joue que le rôle d'une passeuse. La mise en scène et le montage sont loin d'etre irréprochables -ils sombrent parfois dans la gros brouillon- mais l'énergie que dégage le film et ses acteurs lui font emporter le morceau.
A la limite du film parfait
ce film est presque indescriptible tant il mélange les genres, les styles, les tons et les émotions. toujours surprenant on prend un plaisir immense à suivre ces personnages à travers des petites scènes magnifiquement mises en scènes, subtiles et réfléchies. sur le moment on se dit que c'est le chef d'oeuvre par excellence mais malheureusement l'impact post visionnage est moins fort que l'impression instantanée: ceci car le film est un peu décousu. malgré cela les multiples qualités du film en font une oeuvre à voir absolument
Un film qui a autant de visages...
... que de personnages secondaires
et ceux ci pulullent... on passe d'un bonhomme parlant anglais à un autre qui cause cantonais ou encore un occidental qui parle japonais mieux qu'un natif de Tokyo etc ...
vraiment interressant, à plus d'un titre.
Le scenario est d'une grande originalité, les acteurs sont très bons, en prime on a CHara qui nous chante quelques très jolis titres (dont la chanson principale du film : sublime) et quelques grosses pointures comme Watabe Atsuro. Alors j'ai du mal à parler du film ... car il est d'une grande richesse, d'une belle complexité dans les rapports des personnages entre eux. OUi j'ai du mal à en parler en le résumant sommairement... je ne peux que vous conseiller de le voir (à tête reposée ça vaut mieux) et d'apprécier les multiples pérégrinations des personnages luttant pour un idéal.
the butterfly that got squashed
Peut-être moins parfait que peut l'être
All about Lily Chou-Chou du même réalisateur,
Swallowtail Butterfly n'en reste pas moins un film merveilleux que je ne me lasse pas de revoir.
Malgré peut-être une entame laborieuse due à une réalisation qui se fait parfois brouillonne, le film prend vite son envol. Tout d'abord par un scénario riche et foisonnant, mais qui malgré l'abondance de personnages secondaires et de sous-intrigues ne se perd jamais en chemin - et qui malgré son sujet ne tombe pas dans le plaidoyer lourdingue pour la vie de bohême. Ensuite grâce à des acteurs fantastiques ;
Chara bien sûr qui prête sa voix si particulière à Glico, mais aussi la toute jeune
Ayumi Ito qui montrait déjà qu'elle avait du talent à revendre. Et enfin un
Shunji Iwai qui finit par se décoincer et donner le meilleur de lui même sur la dernière heure et demi.
Ah oui... et une bande originale à tomber, mais ça c'était sous-entendu.
OFNI !!
L'histoire comme ainsi : "Once upon a time, when the yen was the most powerful force in the world, the city overflowed with immigrants. They came in search of yen, and the immigrants called the city Yentown."
Ce film est un vrai OFNI (objet filmé non identifié), qui parle d'immigration, de deux communauté qui vivent ensemble mais ne se croisent quasiment, seulement quand l'un des deux a besoin des services de l'autre et vice versa. Un univers glauque où la réussite et les rêves de chaque immigré sont vite balayés par la réalité, et pourtant, nul besoin de millions de yen pour etre heureux, quoique... Glauque, drole, triste, raffiné... En bref, un OFNI !!
Un monument à ne pas rater.
Deuxième réalisation de Shunji Iwai avec Chara (le premier étant "Picnic" que je vous conseille également), Swallowtail Butterfly est une référence en matière de cinéma Japonais contemporain.
Dés le départ nous sommes plongés dans un lieu nommé Yentown (sorte de bidonville pour tout les exclus), où nous suivons les tribulations d'Agueha, jeune orpheline "receuillie" par Glico (prostitué de son état) ainsi que tout ses nouveaux amis. Durant les 2h30 de ce monument, nous accompagnons tout ce petit monde dans diverses combines, et surtout dans une envie frénétique de vivre en accomplissant leurs rêves. Polyglote nous passerons du Chinois, Japonnais ou bien Anglais constemment.
En gros ce film est si vaste qu'il est difficile d'en expliquer plus, et passer à côté serait une grosse erreur
Il ne faut pas être effrayé par la durée du film (cela n'est pas un défaut), car au fil du scénario on s'attache aux personnages, et regrette même que celui ci ait une fin.
Butterfly, murder...
Swallowtail butterfly c'est le film rock n'roll par excellence, une décharge d'énergie pure, un magnifique fourre-tout mixant, sans que le spectateur ne soit jamais perdu, des genres aussi divers et variés que la chronique sociale intimiste, le film de gangsters fun et classe (@!#$ la scène du "mexican stand-off" revisité ! ), le film musical (l'émouvante reprise de My way) et même, lors d'une scène mémorable, le gore le plus craspec (si, si je vous assure !)...Sans oublier un petit côté "fable naive" des plus touchants.
Durant près de 2H30 on est plongé dans cette ville imaginaire, Yentown, rien au monde ne pourrait nous en sortir, on aime ces nombreux personnages, ces laissés pour compte dont le destin évolue au rythme de My way (véritable leitmotiv du film au même titre que California dreaming dans Chungking express) ...Bref, ces 2H30 on les vit avec eux ! On pleure même lorsque l'un d'entre eux vient à mourir...L'implication du spectateur (en tout cas c'est comme ça que je l'ai ressenti) est totale, viscérale. La véritable audace tant visuelle (voire la fameuse -et magnifique- scène du papillon, travaillée à la palette graphique) que narrative (les changements de ton incéssants) nous font faire des "Ohhhh" et des "Ahhhh" d'émerveillement, comme si on découvrait le cinéma pour la première fois...Je ne sais trop comment finir cette bafouille un tantinet maladroite si ce n'est en disant qu'en plus d'être un des films les plus classes de l'univers (le tueur maquillé, le roi des Riuman, la scène du bazooka etc...), Swallowtail butterfly est juste une claque émotionelle totale, un condensé de cinoche pur (qui contient tout ce qui me fait aimer le cinéma), le genre de film qui redonnerait goût au cinéma aux cinéphiles les plus aigris...Un des plus beaux films du monde quoi.
Vous devez voir Swallowtail butterfly !
Bordel mégalo et paradoxalement pseudo-humaniste raté, à voir uniquement pour Chara, et quelques bonnes idées.
Quelle déception!
En grand fan de Iwai (voir mes critiques de "Love Letter",
"Undo" et "April Story"), je me suis précipité sur "Swallowtail Butterfly", le film que certains prétendent être LE chef d'oeuvre du cinéaste. Quelle beauté que le libre arbitre!
L'histoire: dans un Japon d'anticipation où des immigrants avides d'idéaux se sont pris la réalité en pleine gueule (cette réalisé ayant pris la forme d'une ville en désolation, Yentown), Ageha, jeune japonaise, perd sa mère. Elle est pauvre. Alors elle est recueillie chez les putes. Les pute sont d'abord très méchantes, puis finissent par se montrer très gentilles avec la pauvre enfant. Une d'elle veut s'en sortir. Elle l'emmène dans un monde de misère où des taïwanais et des indiens s'amusent à faire sauter les pneus des voitures qui passent. Dans leur bidonville, les gens dansent, les enfants jouent dans le sable, un black ancien boxeur (que c'est original tout ça!) se rémémore son succès passé et un type avec une casquette noire leur montre comment faire des faux-billets. Peinard! il deviennent riches. Mais le boxeur black a tué un yakuza sans faire exprès, et lorsqu'il l'a enterré avec le niack et l'indien, ils ont trouvé une mystérieuse cassette dans son foie. Sur cette cassette, on peut entendre "My Way". Le groupe de joyeux Yentowns (oui, les habitants de Yentown) doivent alors dealer entre les Yakuzas aux abois, un fatal chinois aux cheveux encore plus longs que ceux du guitariste de X Japan, et leur réussite soudaine...
Bon. Première chose frappante dans ce ratage: il ne raconte absolument rien. Ou plutôt: il veut tout raconter, et comme il est loin d'être génial, ne raconte au final que très peu de choses. La branlette constante qu'affiche le film de Iwai est en total désaccord avec la pauvreté de son script. Le soi-disant univers d'anticipation ne ressemble à rien d'autre qu'au décor pourri d'un documentaire sur Jakarta (mon dieu, les immigrants ne réussissent pas dans un pays, quel putain de scoop!). L'aspect polyglotte rend l'oeuvre encore plus putassière et racoleuse, enlevant un peu plus au film de sa personnalité. Ca dure 2h30 (on a parlé sur le site de film-fleuve... c'est une blague? à moins que ce ne soit parce qu'il est tellement pénible...), et pendant tout ce temps, qu'est-ce qu'on a? rien. Pas UNE histoire approfondie; pas un terrain familier; pas une "bonne" idée exploitée (Ryo Ranki est complètement zappé, sa relation avec sa soeur est elle aussi éludée; dès que Glico/Chara se met à réussir, on l'oublie pour se concentrer sur autre chose; l'histoire des billets est un foutage de gueule effrayant). Ca se veut original et symbolique, mais l'idée de base n'a absolument RIEN de novateur. Tout est monochrome, vidé de substance. Tout a déjà été vu ailleurs, en mieux.
Les personnages, en grande partie foirés, y sont pour beaucoup: Ageha, le personnage principal, n'a rien d'intéressant, mais c'est l'oeil du spectateur, soit; Fei-Hung, le chinois, est bien sympathique mais insipide (même quand il lui arrive les pires horreurs, sa gueule de second rôle lui colle à la peau); le mystérieux homme-casquette qui se la joue n'est qu'un artifice en carton-pâte destiné à faire passer quelques idées funs; les deux seuls caractères intéressants sont Chara, très jolie, très vivante, et Ryo Ranki, doué d'une certaine profondeur (cela dit, l'idée du grand méchant qui va sauver l'héroïne a déjà été vu). Mais les deux gogos sont zappés en cours de route, au profit de seconds rôles aussi originaux et graphiques que des pneus (l'homme de main maquillé et guignol en tête), donc encore une fois les quelques éléments interessants (Mickey Curtis & l'américain japonais) sont sous-employés.
Que dire du message humaniste, dénué de la moindre notion de subtilité (que c'est beaaau, cette scène où ils jettent tous les billets au feu, et cette scène où ils déchirent ensemble les billets, signe de l'importance de l'amitié et de la beauté de l'amour épuré!). Il porte à bout-de-bras son tank philosophe plombé par un manque de choses à dire effarant, et il le porte avec tant d'acharnement que c'est parfois attendrissant.
La faute à Iwai: frappé par le syndrôme du 1er carton (dont Shyamalan et Kwyung-Taek font partie des malheureuses victimes), il filme avec une assurance meurtrière, sûr de lui comme un con; complètement aveuglé par son ambition justifiée, il n'a plus rien à foutre de rien, et filme comme n'importe quoi (aaah il est parti, le temps des émois, des incertitudes et de la passion torride des premières réa!). La seule erreur de réalisation que j'avais notée dans "Love Letter" (couper la musique au changement d'une scène, une des pires figures de style du cinéma) se retrouve multiplié par 4 ou 5; et la musique originale de Takeshi Kobayashi est complètement submergée par le bordel ambiant; à ce propos, celle-ci manque cruellement d'unité, et quasiment aucun score n'est mémorable. Le montage est très bon, puisque c'est lui qui a monté comme pour tous ses autres films; mais il n'empêche pas le bateau artistique de couler.
C'est exécrable. Toute l'entreprise est exécrable. Elle l'est d'autant plus qu'elle est parcemée de fulgurances techniques
et de scènes somptueuses, ci et là: la scène où Chara chante "My Way" pour la première fois au YenTown Club est magistrale (en elle-même, grâce à Chara, ainsi que dans la reprise de la chanson, absolument étonnante); celle du flash-back onirique de l'enfance de Ageha tandis que Curtis lui fait son tatouage, idem. C'est parfois grand, c'est parfois beau, comme ce qu'un Iwai sait faire à l'accoutumée.
Les acteurs n'y sont pour rien: d'ailleurs, Chara, icône sublime de l'anarchie optimiste et misérabiliste du monde de "Swallowtail Butterfly", est une révélation. Somptueuse sans être un canon, elle transmet au spectateur à elle seule l'incertitude et les espoirs de la génération que filme Iwai; malheureusement, le reste du casting, à l'exception de Ayumi Ito, un peu mono-expressive, est largué par le script. Tout bon qu'ils sont, ils ne peuvent pas lutter.
"Swallowtail Butterfly" est un produit manchot, assassiné par sa propre mégalomanie. Il est lourd, hybride, sans âme, et ses rêves de grandeur palpables au moindre recoin de pellicule finissent de le rendre antipathique, malgré toute la bonté qu'il tente de véhiculer.
Iwai a réalisé là son moins bon film, assurément. Espérons que "Lili Shushu No Subete" sera plus dans la veine de ce qu'il sait le mieux filmer: les histoires d'amours... intimistes. Car il n'a ni le talent ni le génie pour en signer une pour le monde entier.