Xavier Chanoine | 0.5 | My left eye sees rubbish |
A croire qu’il est parfois bon de se faire du mal, d’endurer le pire, pour s’apercevoir à quel point Dennis Law est de cette génération de réalisateurs tâcherons qui, même partant d’un matériau de base d’un goût fort douteux, arrivent toujours à se vautrer. Et avec talent. Très peu de bâtons d’encens ont dû être brûlés avant le tournage étant donné le ratage sensationnel que représente Womb Ghosts, énième ersatz pas bien intelligent mais jamais fulgurant, même dans la nullité, d’un The Grudge auquel le cinéaste ne se prive pas d’en piquer les gamins. Dennis Law à la production, à la réalisation et au scénario, une habitude pour ce pilleur d’idées professionnel qui ne réussit jamais à apporter du sang neuf à ce qu’il s’approprie. On l’a encore vu dernièrement avec un Bad Blood qui, en dehors de ses séquences d’action bien troussées, réussissait tout de même à échouer dans tous ses autres compartiments. Le problème est que Dennis Law ne peut pas s’appuyer sur les acrobaties d’une Jiang Luxia pour sauver son film du naufrage puisque Womb Ghosts n’a rien de furieux. Par contre, il partage avec son grand frère son idiotie, sa faculté à faire partir son intrigue dans tous les sens dans le but de créer le plus de rebondissements possibles. Mais qui pour y croire ?
Une employée d’hôpital est en proie aux hallucinations et aux malaises depuis quelques temps, est-ce dû à sa récente fausse couche ? La légende raconte que l’esprit d’un fœtus mort dans le ventre de sa mère serait démoniaque et impitoyable, Zoe (Chrissie Chau) en ferait-elle les frais ? Et lorsque l’entourage de la jeune femme dégénère, tout s’effondre. Si Dennis Law part sur un matériau intéressant, très Cat III dans l’âme, il ne sait jamais trop quoi en faire, multipliant les personnages sans intérêt, les scènes crades, les instants de pure frousse toujours exécutés de la même manière, comme si le cinéaste était dans l’incapacité de renouveler le genre, trop concentré à faire son propre film de fantômes sans se soucier du reste. Le résultat ne compte pas, l’essentiel est d’avoir réalisé. L’essentiel est d’avoir fait défiler pendant 88mn les belles gueules d’actrices et d’acteurs jamais convaincants (on cherche encore LA scream girl d’Hongkong), contraints à se dépatouiller des situations jamais crédibles, parfois farfelues, souvent compromettantes, très Cat III dans l’âme (alors que le film ne bénéficie que d’une interdiction Cat IIB) : fœtus fraichement avorté, manipulé et ensorcelé par un Lam Suet adepte du placenta fertilisant pour arbre magique, saignées d’entre-jambes, vomi et régurgitation, et cette caméra, toujours là pour filmer au plus près, comme si le spectateur n’avait pas bien compris ce qui se passait. Mais surtout, cette désagréable sensation d’avoir affaire à un film d’épouvante de plus, dont l’image recouverte de zones d’ombre inesthétiques au possible, étale sa « froideur clinique » en HD à chaque plan. Comment exprimer la peur avec une image si froide et une musique pareille ?
Jusque dans son plan final d’un ridicule achevé, Womb Ghosts aura démontré une nouvelle fois le manque de talent évident de Dennis Law dans le registre du film d’horreur. Incapable de créer la moindre ambiance inquiétante par son refus d’aller plus loin que la démonstration crade, encore moins à l’aise, le cinéaste n’est pas non plus au point sur la technique : les effets spéciaux concoctés par une équipe thaïlandaise s’avèrent peu convaincants, les esprits des enfants errants ressemblant davantage à des poupées de chiffons suspendues qu’à de réels fantômes bien décidés à se venger de leurs bourreaux. Les amateurs de cabotinage trouveront leur compte avec un Lam Suet en totale roue libre, génial de crétinerie, et dans cette espèce de retenue hypocrite laissant à penser que Dennis Law aurait voulu en montrer plus, ce dernier étant trop souvent bien calé entre le crade repoussant et le désespérément soft. A un moment, il faut choisir.