Plutôt que de pratiquer le kung-fu traditionnel, alors très en vogue à l’époque à Hong-Kong, Bruce a choisi de développer SON art, sa propre technique de combat. On touche ici à un des premiers points importants liés à la légende de Bruce Lee : son côté anticonformiste.
Bruce s'était déjà fait remarqué en enseignant le kung-fu à des non-chinois, et en faisant payer ses cours. Cela lui avait valu un certain antipathisme de la part de la communauté chinoise de Seattle. Et voici qu'il décide en plus de modifier l'art ancestral du kung-fu. Il ne voulait pas faire des films de kung-fu traditonnels. Il ne voulait pas pratiquer le kung-fu traditionnel. Il commence à rédiger les bases de son art alors qu'une blessure l'immobilise pour de longs mois. Cet art martial, appelé Jeet Kune Do ("Voix du poing qui intercepte"), est basé sur le Kung-Fu, mais moins esthétique, plus violent, plus direct, plus efficace.
Cette base de kung-fu traditionnel, Bruce l'épure, la simplifie. Il y ajoute des éléments d'autres arts martiaux, et même de baseball et d'escrime. Sacrilège pour les maîtres, voie de progrès pour Bruce. Comme son nom l'indique, la base du Jeet Kune Do, son arme principale, est le poing. Le but de cet art est de défendre sa vie, pas de faire belle impression dans un film ou une démonstration. Bruce a donc développé un art très porté sur la défense, comme le montre le choix très précis de la position du corps lors de tous les mouvements. Les attaques elles-mêmes sont courtes, très violentes, de manière à peu se découvrir. Lee introduit une fausse garde assez surprenante. Il prone en effet d'utiliser sa main la plus rapide à l'avant, et de l'utiliser pour des coups courts et très rapides. Son art entier est basé sur cette vitesse qui lui permet de contre-attaquer très rapidement (d'où le nom de "poing qui intercepte").
On est également loin de tous les sports de combat, puisque Bruce prone l'attaque de tous les points vitaux du corps humain : les yeux, la gorge, l'aine, le plexus. De plus, chaque coup n'est pas censé porter sur la surface du corps, mais pénétrer le corps avec le maximum d'impact. Et cela même avec des coups très courts et très brusques. Le meilleur exemple était son "one inch punch", un coup de poing porté avec 3 cm d'élan sur la poitrine de l'adversaire. Grâce à l'utilisation d'une rotation de la hanche, Bruce parvenait à décoler son adversaire du sol pour l'envoyer un mètre derrière. Je ne l'aurais pas cru si je n'avais pas vu des photos d'exhibition ni entendu un champion de judo des Etats-Unis racontant comment Bruce l'avait envoyé deux mètres derrière contre un mur avec ce coup.
Pour faire la différence entre le Jeet Kune Do et une art plus classique, il suffit de regarder La Fureur du Dragon (où tout est fait pour montrer la différence à l'avantage du Jeet bien sûr...). Alors que les autres combattants, que ce soit des karatékas ou de pratiquants de kung-fu, semblent aussi faibles que des enfants de 4 ans, Lee dégage une puissance impressionnante.
Même si le Jeet est considéré comme un art martial, je pense qu'il serait plus judicieux de le définir comme la voie pour se batîr son propre art et donc être parfaitement en adéquation avec sa propre personnalité. D'ailleurs, le Jeet en lui-même est basé sur le kung-fu, il n'en est qu'une évolution basé sur les travaux de Bruce. Et d'ailleurs Bruce lui-même avait fini par ne plus croire aux styles, et avait fermé ses écoles. Il ne pouvait enseigner le Jeet en tant que tel, car il s'agissait de sa propre évolution du kung-fu. Le processus de construction de cet art est aussi important que le résultat. Comme le disait Bruce, "garde ce qui est utile, supprime ce qui est inutile et ajoute tes propres améliorations". Le Jeet est en fait un outil afin de se construire son propre art, un art qui n'est pas fixe et n'impose aucune règle ou tradition comme les autres arts. "Quand l'adversaire s'étend, je me contracte. Quand il se contracte, je m'étends. Et quand il y a une opportunité... je ne frappe pas ! Le coup part de lui-même". Cette adaptativité énoncée dans Opération Dragon est également valable pour l'art, toujours en mouvement, s'adaptant à son détenteur pour former un tout en harmonie entre le corps et l'esprit.
Si vous voulez en savoir plus, jetez vous sur "Bruce Lee - Ma méthode de combat" ainsi que sur le Tao du Jeet Kune Do, tous deux disponibles en France. Le premier est un livre contenant énormément de photos et toute la technique du Jeet Kune Do. Le second contient tous les principes de l'art, avec beaucoup de croquis de Bruce sur la position du corps et tous les mouvements.