Xavier Chanoine | 2.25 | Pas d'un grand intérêt pour les habitués |
Le premier film de Iwata Yuki est ce que l'on peut appeler l'archétype même du drama avec des adolescents pour les adolescents. C'est comme ça qu'elle travaille la machine, pompe à fric est la première ambition de The Graduates, qui même s'il s'avère correctement exécuté et interprété par une brochette d'adolescents timides au possible, l'oeuvre ne déroge à aucune règle établie du drama nippon de base, fait vérifié dès son introduction et ses plans fixes sensés imager la retenue des protagonistes, leur peur et leur timidité qui virent parfois à l'exécrable tant ils s'avèrent tous coincés sans exception dans une espèce de bulle hermétique des sentiments. Jeunes lycéens propres sur eux, sailor fuku de mise (la tradition), petite famille au rabais pour certains reflétant le comportement même des enfants. L'exemple le plus remarquable est celui de Kei, personnage aux attitudes balisées depuis belle lurette dans l'univers du manga et du drama, sorte de fan de j-rock complètement repliée sur elle-même, doutant de ses capacités d'écriture et de connaissance dans l'univers de la musique, boostée par la venue d'un meneur d'un groupe de rock, lequel la fera tomber -presque- amoureuse le temps d'un plan bref. Parallèlement, l'histoire entre Kayoko, Tomizo et Takumi est moins intéressante mais leurs personnages semblent avoir plus de consistance : l'hésitation est le moteur du film, et ce qu'ils n'arrivent pas à se dire en face, ils n'arriveront toujours pas à se le dire en fin de métrage d'où cette frustration totale pour le spectateur qui attendait un énorme feu d'artifice, au pire une orgie mémorable avec gros plans floutés. Point de cela, juste un timide "prend soin de toi" au moment où le train pour Tokyo se met en marche. The Graduates évoque donc sans folie les aléas de la vie étudiante, les échecs qui empêchent deux amis, deux amoureux de continuer leur vie ensemble, l'une étant obligée de poursuivre ses études bien loin de cette campagne trop terne pour eux deux. L'autre continuera à errer avec sa bicyclette dans le patelin fleuri sans grand objectif dans la vie. On a tous connus dans notre vie des déchirements, la douleur qu'ils imposent sans prévenir : dans The Graduates tout est bien trop calculé et retenu pour paraître sincère, malgré l'évidente différence de culture entre nos deux pays et la forme de retenue que l'on connaît au Japon. Mais infliger au spectateur des moments de cinéma aussi plats n'est pas une excuse pour faire passer la pilule des différences, qu'importe ce qui se déroule sous nos yeux.
A titre d'exemple, le concert "Never Forget" organisé au lycée durant la foire Subaru aurait pu être un moment sympathique permettant aux acteurs de se lâcher et de tout se dire en face, il faudra pourtant attendre encore pour voir la flamme grandir : à peine un "merci" adressé à Kazuya par Kei, laquelle a enfin reconnu son petit talent plume à la main, et leur relation ne restera qu'au stade de simple amitié (lancée par l'amusante séquence des aveux qui virent aux pétards mouillés, le haut d'une colline) étant donné que Iwata zappera purement et simplement ces deux personnages pour déboucher sur un final lacrymal un peu surfait et longuet. La discrétion des protagonistes empêche donc The Graduates d'atteindre la folie des grands films d'adolescents bariolés chez SOOMAI Shinji ou OBAYASHI Nobuhiko , qui même en surfant sur la même thématique, apportaient tout deux un vent nihiliste chez l'un et SF chez l'autre, véritables marques de fabrique que l'on ne trouve pas ici. On ne demande pas non plus un excès dans la folie pure et dure, l'exemple de SHIOTA Akihiko pourrait aussi être pris en considération malgré son penchant pour le casse-gueule et la souffrance, mais suivre des aventures -plates- pour ne déboucher sur rien de bien concret fait tout droit penser à la perte de temps. Néanmoins, outre la bouille toute mignonne de Eikura Nana (star de drama et actrice convaincante dans le beau mais interminable My Sister, My Love) qui illumine le film par son sourire le temps de quelques petites séquences, pas grand chose à redire côté acteur : le boulot est fait correctement, mais rien de plus à l'heure où le drama -télé ou ciné- a déjà donné en quantité. Voilà le deal, The Graduates est à réserver uniquement aux amateurs d'histoires amoureuses entre adolescents, les autres sont prévenus, ils n'y trouveront que clichés accumulés à la vitesse de l'éclair, étranges hommages (le thème de Princesse Mononoké joué par la troupe musicale du lycée, la bicyclette de Emoto Tasuku que l'on avait vu chez WAKAMATSU Koji dans Cycling Chronicles) et devront faire face à un rythme qui pousse à l'endormissement. Quelques beaux moments que seuls les "teenagers" peuvent nous offrir, mais pas de quoi réveiller un mort.