Elise | 2.75 | Encore des nouvelles idees apres Down To Hell |
Xavier Chanoine | 3 | Un peu vain au final, mais loin d'être déplaisant |
Deuxième court-métrage après Down To Hell, Heat After Dark montre cette fois ci le savoir faire de Kitamura dans les fusillades. Donc autre aspect du cinéma dit autre mise en scène. Cette fois ci, le rythme est plus lent et le suspens est de mise ; on commence avec deux amis qui doivent abandonner un corps dans la montagne, mais celui ci n'est finalement pas mort et s'échappe ; il appelle son gang qui vient l'aider à liquider les deux hommes. Tout cela se passe dans une sorte d'école désafectée et on a le droit à des plans plutot efficaces qui donnent un suspens bien ressenti ; malheureusement la grosse déception vient du fond sonore où on a pendant un long moment droit à un râle glaucque et profond plus agacant que réellement utile, qui gâche vraiment les scènes où la pression est censée monter entre les protagonistes. Comme dans le précédent film, la photo est quasiment inéxistante, laissant plutôt tout passer en lumiere naturelle, ce qui a pour effet d'etre peu pratique dans les zones sombres. Donc pour ce film, l'accent est porté sur les fusillades et le suspens malgré une ambiance musicale plutot ratée.
Tout au long de ces 50 minutes prometteuses, Kitamura aura offert un spectacle noir stylisé. Encore loin des artifices de son film de référence auprès des fans, Versus, Kitamura prend le temps d’installer son intrigue au sein d’un refuge délabré rappelant la froideur moite d’un des chefs d’œuvre de Ishii Takashi, Gonin, réalisé un an plus tôt. Dans ce qui s’apparente à une série B caricaturale, Kitamura en tire son essence la plus comique avec une galerie de personnages renvoyant aux polars stylisés des années 70, où les yakuza braillards portent des chemises à long col sous leurs vestes d’un noir impeccable, sans pour autant paraître ridicules. Ils sont simplement en dehors du temps, gros malins maladroits lorsqu’on leur offre une arme pour faire joujou, ils sont en quelque sorte les clowns d’un spectacle qu’ils mettent en scène eux-mêmes, à travers bavures et règlements de compte sous fond de trafic d’armes. Pourtant, pourquoi la sauce fonctionne-t-elle bien mieux que son futur et premier long métrage, Versus ? Tout simplement parce que Kitamura laisse ici de côté les pages de dialogues interminables et le sens du rythme inexistant de son Versus qui le fit connaître dans le monde entier, mais en revanche la frime et la pose totales sont déjà présentes, dès l’introduction lorgnant du côté de Tarantino : la caméra filme en plan-séquence les jambes des deux héros principaux, héros qui discutent de tout et de rien alors qu’ils ont un –supposé- cadavre juste à côté d’eux, soit une tentative de créer le décalage, de masquer l’identité des deux personnes et de préserver un certain mystère sur ce qu’il se passe, mystère immédiatement désamorcé le plan d’après.
D’où un procédé gratuit en guise de mise en bouche. Pourtant, à la différence d’un Versus, ce sens de la pose n’est pas désagréable puisque le film se repose sur ces accès de frime imagés par une posture, une manière de parler ou encore une dégaine bien moins brouillonnes que ce que l’on voit dans son chambara SF fauché. Ainsi, le casting est une belle réussite de présentation de gueules improbables : duo de beaux gosses, profile de gangster que n’aurait pas renié un Takenaka Naoto, yakuza sorti des seventies ou affublé d’une coupe –improbable- digne du vilain du Cinquième élément de Besson, armoire à glace increvable et policier raté forment ainsi une équipe du tonnerre privilégiant un cocktail de tons explosifs, entre humour burlesque (la rencontre entre le policier et un des yakuza en dehors du repère) et claustrophobie totale, dont les seuls jets de lumière venant de l’extérieur semblent indiquer une issue possible. Au final, s’il s’éternise un peu trop seulement en fin de métrage (une performance en soit), Heat After Dark est une bonne surprise venant d’un clippeur qui soigne ici son montage et sa photographie bleutée. Un brouillon de son œuvre à venir, mais, paradoxalement, moins « brouillonne » que ses films les plus affirmés et réputés.