Elise | 3.5 | Trop long mais très intéressant |
Ordell Robbie | 3.5 | Entre Polar HK, telenovelas, pittoresque à la KUSTURICA et tintamarre musical. |
Yann K | 3.75 | Ah, le beau mélo populaire! |
Premier film philippin que j'ai l'occasion de voir, et je dois dire que je suis plutôt convaincu, même si le film souffre de grosses lacunes. Tout d'abord, le film à l'avantage de donner un aspect assez différent de ce que l'on peut voir dans les autres films parlant de la misère. Ici, on voit une communauté assez soudée où malgré les gros problèmes financiers, les deux personnages principaux sont empreints d'optimismes et cherchent à se sortir de leur misère. Il y a évidemment les cotés sombres du film, comme le problème des maladies et les malfrats qui veulent un peu régner sur la communauté. On sent également un grand écart entre les très riches et les très pauvres, qui cependant se côtoient chaque jour sans se remarquer. Le film sort agréablement du fatalisme récurrent dans ce genre de situation et finalement nous dépeint un tableau un peu à la manière des films brésiliens.
Mais coté mise en scène, ce n'est pas toujours réellement bien amené. Tout d'abord, concernant l'ouverture du film, il faut bien avouer que c'est totalement confus ; on ne comprend pas bien ce qui se passe ; des gens se tuent, mais on ne sait pas pourquoi ; plein de séquences se succèdent à une vitesse telle qu'on a l'impression de voir un résumé de Scarface, et au final, comme on a rien compris, on oublie tout et on passe à la suite. Certes, quelques indices reviennent un peu plus tard qui sont censés nous rappeler le début, mais comme on a malheureusement tout oublié ou presque, il faudrait le revoir une deuxième fois pour assimiler le début en fonction du film, mais ce n'est pas très correct. En outre, le film pêche sur ses longueurs ; le sujet est certes très intéressant, mais au bout d'un moment on en a quand même un peu marre de regarder les mêmes scènes repasser, puisque finalement, leur vie n'est pas très originale et c'est toujours le méchant qui gagne, donc on est assez pressé de voir le tout conclure.
Sinon on peut quand même saluer le travail impressionnant de l'actrice principale qui est formidable, toujours dans son contexte, et qui donne la vraie touche de réalisme au film. Au final, le film rapporte un sujet très intéressant qu'on a du plaisir à suivre au début mais qui finit par peiner à cause de ses longueurs et ses références à une ouverture trop bordélique.
Après une vingtaine de films, dont quelques daubes abandonnées au milieu et des pensums auteuristes, le festivalier cannois se dit : « tiens, un mélo philippin ». Il entre dans la salle de la Quinzaine des Réalisateurs, et c’est le bonheur. Le film a eu une des plus belles ovations du festival. Un film tout simple (le pauvre aime la belle prostituée) mais réalisé avec un luxe surprenant de moyens côté machinerie pour un cinéma que l’on s’imaginait cheap. Ce Mario O’Hara, metteur en scène de théatre et réalisateur d’une dizaine de films, est un vrai bon réalisateur. Woman of Breakwater est un drôle d’hybride, comme un soap brésilien sublimé par une mise en scène classique à l’américaine, mâtinée de néoréalisme italien, monté façon Hong-Kong, avec des trouées lyriques étonnantes et quelques bizarreries dans la narration. D’ailleurs quelques détails nous ont échappé, mais le principal du film, c’est ELLE : Katherine Luna, 18 ans, vendue comme une starlette de série Z du Marché du film. Elle semble jouer plusieurs rôles, de la mère universelle à l’enfant perdue, avec une belle (sacrément belle) énergie.
L’autre héroïne, c’est Manille et ses pauvres. A plusieurs reprises, Mario O’hara ne filme que des visages, des trognes façonnées au sel et au gaz d’échappement. Une maladie de la pauvreté gangrène les corps, les ordures flottent au bord de la plage, c’est pas la baie de Cannes... Il ne faut vraiment pas craindre de se plonger dans ce film inconnu. Quand défile le générique de fin, on se dit que ce petit retour à la base de ce qu’est le cinéma (de la beauté, des larmes, un couple mythique...), a fait du bien. Et dans ce générique, le chanteur qui accompagne le film sort une fabuleuse réplique anti-hollywoodienne : «Le héros de ce film, ce n’est pas moi, ce n’est pas vous non plus, vous n'avez pas la gueule pour. Le héros, c’est celui qui meurt».