Xavier Chanoine | 3.75 | Un chambara d'exception |
Ordell Robbie | 4 | Chambara noirissime |
El Topo | 4.5 | Un chef d'oeuvre qui en annonce bien d'autres... |
drélium | 3.75 | |
Arno Ching-wan | 3.75 | Pas de fioritures!! |
C'est une bonne surprise de voir qu'Hideo Gosha en avait déjà sous la patte pour sa première réalisation. Non pas que ces futurs bébés soient mauvaises, loin de là, mais Trois Samouraïs hors-la-loi est tellement exemplaire en bien des points qu'on se demande comment le père Gosha a pu faire mieux. Surfant sur la vague des Ronin-eiga initiés par Kurosawa en 62 avec l'excellent Yojimbo, Hideo Gosha reprend de toute pièce le mythe du samouraï solitaire (à comprendre sans Maître), vagabond et hors-la-loi. Sakon Shiba est un mercenaire à la recherche d'un toit et d'un peu d'hospitalité. En chemin il croise trois paysans en proie à de hauts samouraïs, en effet ces derniers détiennent la fille du chef des samouraïs dans une grange et menacent de la tuer si le haut placé ne cède pas aux revendications des paysans. Shiba décide alors d'apporter son aide à ses pauvres paysans.
Trois samouraïs hors-la-loi suit le schéma classique des films de genre des années 60, à savoir un étalage de gueules peu fréquentables, les services d'un homme avec en retour de la nourriture et un toit et la rencontre de personnages bis en complément d'aide. Gosha nous gratifie alors d'un chambara d'exception non sans rappeler ce que produisaient les grands maîtres tels Kurosawa ou Sergio Leone. Pourquoi je cite ces noms, simplement parce que ce sont eux qui ont inspiré Gosha pour ses réalisations. On retrouve du Kurosawa pour l'humanisme des personnages, mettant tout en leur pouvoir pour aider des paysans inconnus (l'injustice des pauvres face aux puissants), pour le traitement du Ronin (caractère, posture, classe, force au combat) et pour la réalisation générale. On y trouve aussi du Leone pour la qualité exceptionnelle de la mise en scène, proposant des cadres rythmés, formellement très réussis. De même pour la galerie croustillante de personnage avec son lot de gueules guère recommandables, pleine de sueur et de sable tranchant aussi vite que dégainait Clint.
A la fois chambara élégant et léger, Trois samouraïs hors-la-loi mettra aussi tout le monde d'accord sur son effroyable ambiance, glaciale, presque ténébreuse. On passe sans broncher d'un plan rigolo, presque burlesque, à un autre terriblement plus difficile. C'est simple, il n 'y a de pitié pour personne, les opprimés mourront à la pelle tandis que les hauts placés rigoleront. C'est la loi.
Esthétique : 5/5 Musique : 2.5/5 Interprétation : 4.5/5 Scénario : 4.5/5
Trois Samourais hors la loi est le film coup d'essai/coup de maitre qui permit à Gosha Hideo de se faire une place très particulière dans le paysage chambara de son époque: si Kurosawa avait introduit avec Le Garde du corps la figure du samourai mercenaire, il le faisait dans un désir avoué de parodie et de décalage. Alors que la vision du ronin chez Gosha est bien plus désespérée, faisant écho au Hara Kiri primé à Cannes l'année précédente.
Au travers du récit d'un enlèvement d'une femme noble par des paysans désespérés auxquels se joindra un ronin errant, Gosha constate d'abord de façon désabusée la disparition du code d'honneur non plus seulement chez les samourais mais dans la féodalité japonaise. Pour essayer de délivrer la jeune femme noble, les seigneurs vont en effet faire appel à des samourais déclassés sortis de prison spécialement pour l'occasion. Quant au sacrifice du ronin errant (accepter d'etre torturé pour que ses collègues paysans aient la vie sauve), il se révèlera vain: les seigneurs ont oublié la valeur d'une promesse faite entre deux samourais et les paysans seront malgré tout exécutés (et un de ses collègues au service de la noblesse raillera la vanité de son effort). Certes, quelques personnages croient encore à une certaine idée de la morale: le film exalte en particulier la détermination de certaines femmes malgré leur condition aisée (alors qu'une femme de basse condition y sera prete à se sacrifier moyennant finances), ce sont les femmes qui vont se plaindre des traitements infligés au jeune ronin, c'est l'une d'elles qui aidera le jeune ronin à s'évader, c'est encore la fille du magistrat qui s'interpose pour sauver son père lors du final vengeur. Mais s'il exalte des personnages épris d'honneur et de morale dans une époque où elle a disparue, Gosha semble néanmoins fataliste durant tout le film et malgré une fin heureuse en apparence la condition des personnages n'est pas meilleure qu'au début du film. Le pessimisme de Gosha transparait dans sa peinture tout le long du film des rapports de classe. Là où l'homme sans nom kurosawaien était un grand cynique derrière sa décontraction affichée, les héros de Gosha n'hésitent pas à compatir et à prendre parti pour un peuple souffrant parce qu'il appartient comme eux à un monde regardé avec mépris par les puissants: les paysans se battent pour un morceau de nourriture (la jeune femme enlevée comprend d'ailleurs leurs souffrances), vivent dans un misérable moulin, l'aristocratie use contre eux d'un pouvoir absolu fait de terreur (et de l'utilisation à son propre profit d'etres qu'elle voués aux gémonies en leur faisant miroiter une condition financière meilleure). S'ils semblent au début vouloir se révolter contre cet état de faits, le final révèle leur lacheté et leur résignation à mille lieues de la vision idéalisée du paysan chez Kurosawa.
Si la réalisation du film est plus classique que celle de Goyokin, l'or du Shogun, ce dernier comporte des effets de mise en scène très intéréssants: un usage retenu du zoom, une profusion des cadrages penchés pour refléter le chaos ambiant, l'utilisation très frappante des ombres dans les duels au sabre comme pour nous dire que s'y trouvent des enjeux plus puissants que ceux d'un duel d'homme à homme. La sécheresse des combats au sabre impliquant parfois une dizaine d'assaillants est symbolique de l'évolution du chambara durant les années 60. Lors des scènes de torture, la violence est suggérée par de brusques coupes ou par l'usage des ombres qui rendent encore plus atroces les souffrances du jeune ronin et confirment que Gosha n'est pas un cinéaste nihiliste mais un moraliste désabusé avec un vrai discours sur la violence. Qui plus est, Gosha démontre déjà un vrai sens du cadre en Scope qui se confirmera par la suite.
Là où un Goyokin sera divertissant, Trois Samourais Hors la Loi annonce déjà par sa vision pessimiste de l'humanité le regard noir sur le monde de Portrait d'un Criminel. Et son désespoir irriguera progressivement tout le chambara de la seconde moitié des années 60. Outre qu'il avait révélé un grand cinéaste, le film fait dès lors date.
Trois rônins prennent le parti de défendre les droits de paysans écrasés par un despote local. L’objectif : faire baisser les taxes par un seigneur en visite quelques jours plus tard. Malheureusement, les obstacles sont nombreux et le magistrat qui les tyrannise ne semble pas décidé à les laisser faire…
Three Outlaw Samurai, le premier film de Gosha Hideo, est la transposition d’une série télévisuelle très populaire et déjà réalisée par ce dernier pour la toute jeune chaîne Fuji TV. Devenu le premier réalisateur de télévision nippon à s’attaquer au grand écran sans passer par l’assistanat, le futur auteur des chefs-d’œuvre que sont Goyokin, Tenchu ! ou encore Hunter in the Dark signait là une merveille de ken-geki qui allait le révéler comme un des plus grands réalisateurs japonais de l’histoire du chambara.
Tout en faisant lointainement écho au Yojimbo (Le garde du corps) de Kurosawa Akira, Three Outlaw Samurai est parfaitement représentatif de l’œuvre à venir de Gosha Hideo. On y retrouve tous ce qui allait faire la prodigieuse essence de ses futures réalisations : les scènes de sabre magnifiquement chorégraphiées, un sens du cadre inouï, de magnifiques mouvements d’appareils, une direction d’acteurs plus que solide et ce pessimisme teinté d’une certaine mélancolie qui semble toujours le rattraper… En effet, au-delà de ses indéniables qualités techniques, de l’excellente performance de ses acteurs (Immense Tamba Tetsuro) et de sa trame frayée de main de maître, le film est avant tout une réflexion très sombre autour de la condition du samouraï, les rapports figés entre les classes, et l’incapacité des masses enchaînées à prendre leur destin en main. Comme il le fera plus tard dans Tenchu ! notamment, Gosha s’attache aussi à donner sa vision d’un monde où les petits ne cessent de se heurter au Réel sans jamais bénéficier d’une quelconque justice. Naturellement ici ce sont les tenants de la bonne cause qui finissent par l’emporter sur les opprimants mais personne hormis l’imagerie mythologique du samouraï, ne sort véritablement grandi de ce duel manichéen. La misanthropie et le pessimisme qui caractérisent Gosha font effet et le spectateur d’abord subjugué par la qualité de l’objet filmique en tant que spectacle est bien obligé d’en arriver à l’évidence : par le jeu des rapports de force, les vainqueurs du combat qui vient de se livrer avaient déjà perdu avant même que les sabres ne soient dégainés et qu’ait retenti le premier « cham-bara-bara » de la carrière de Gosha Hideo sur grand écran…