Les Sœurs Papaye du 881 de Royston Tan me posent un véritable cas de conscience. Outre le fait que derrière son apparence de comédie dramatique fauchée tournée au caméscope (merci aux projections dvd) se cache une comédie musicale aussi kitsch que jouissive, l’entreprise d’alléger la trame principale (une fille chassée de chez elle, une autre atteinte par la maladie) par une succession de chansons rappelant l’univers édulcoré et synthétique de la soupe musicale thaï est une bonne chose, sans doute la meilleure du film, mais le fait que l’ensemble de cette joie procurée tout du long soit évincée par un dernier acte à l’hôpital proprement insupportable, reste la seule véritable erreur du cinéaste. Un petit bouleversement de taille, bien que l’on connaissait déjà les problèmes de santé d’une des deux sœurs, mais qui occupe une place trop importante malgré sa relative faible durée. Il est pourtant question d’un plan, terminal, la petite s’éteint à petit feux, perd ses cheveux par lambeaux entiers, mis en scène autour d’un effet de caméra à 360° histoire d’appuyer, s’il était encore nécessaire, son impuissance face à la maladie et toute la détresse que cela va produire au sein de cette petite troupe.
Les Sœurs Papaye, duo de chanteuses de variété se battant pour exister face à la concurrence déloyale, se produisant sur le plus de scènes possibles pour rendre hommage aux morts selon la tradition. Le groupe est coaché par la tante Ling, personnage qu’on aurait cru sortir tout droit de Hongkong par ses braillements intempestifs et son énorme énergie. Elle n’aura néanmoins pas manqué de faire quitter des grappes de spectateurs de leurs sièges par son timbre de voix rapidement agaçant si l’on n’est pas habitué à pareille charge sonore pour, au final, pas grand-chose. Car le plus difficile dans 881, c’est de comprendre les lourdes mécaniques du film, son explosion d’étincelles, ses personnages, costumes et perruques colorés à l’extrême qui peuvent rapidement provoquer la nausée en particulier si l’on ne se sent pas d’attaque à prendre de plein fouet une avalanche de chansons racontant la vie, l’amour et la mort avec la même gaité. Aussi particulier que la variété musicale thaï et aussi effrénée que pouvait l’être le récent cinéma comique de Wisit Sartsanatieng , 881 nous vient pourtant de Singapour. Reste que son énergie communicative aura du mal à faire adhérer le spectateur à sa cause, le niveau des émotions étant aussi régulier que les courbes d’une montagne russe.
Trop de couleurs, trop de musique, trop de costumes, trop de mamas qui braillent... oui le fan d'Eraserhead en sera pour ses frais devant ce film. M'enfin rien qu'a l'affiche, la couleur etait clairement annoncee, ce qui est d'ailleurs de plus en plus rare ces temps ci. La partie dramatique est assez dure elle aussi, mais devoilee des la premiere minute (certes l'affiche ne le laissait pas figurer...) et avec un compte a rebours tout le long de l'histoire. Le film arrive donc a vehiculer des emotions fortes sur une trame simple et efficace. Royston Tan a reussit un film comme la Thailande en a produit, et souvent rate, des dizaines (voir les critiques d'Happy qui en perd son latin lorsqu'il doit temoigner de la serie In Country Melody :p).
881 est clairement plus accessible que le précédent 4:30, néanmoins il me semble qu'il y a trop d'éléments culturels et de jeux de mots pour un non-local. Je n'ai pas trouvé le film très drôle, il y a bien quelques blagues sympas mais ça s'essouffle et le nombre de chansons m'a fait predre le fil et la concentration. Le final ne m'a donc absolument pas ému, et le tout fait un peu téléfilm. Evidemment c'est totu de même sympa, mais le fait d'avoir vu des critiques dithyrambiques me laissait présager un film plus marquant.
Ecrit en à peine deux semaines et tourné en 22 jours pour un budget rikikiki de 3 millions de dollars, voici venir le dernier affront de "l'enfant terrible" de Singapour, Royston Tan. Une comédie, bien dans l'esprit des meilleures comédies chinoises, joutes "mo lai tau" et gags de bas étage (ou – plutôt – basse cour) incluses. C'est que son film a failli une nouvelle fois ne jamais voir le jour; non pas pour une violence exacerbée comme dans son premier "15", mais pour avoir "osé" intégrer 80% de dialogues en "hokkien" local au lieu des 30% généralement permises. La sortie tient à un miracle bienvenu, le film ayant explosé le box-office local (dépassant même les recettes de l'incontournable "Just follow the law" de Jack Neo) et occupant actuellement la troisième place du meilleur score de tous les temps. Oubliées les rancunes du gouvernement, qui a même choisi de soumettre "881" (un jeu de mots avec le mot chinois de "Papaya" pour perpétuer la tradition des titres "à chiffres" après les précédents "15" et "4:30" de Tan) à la sélection du meilleur film étranger aux Oscars.
Accessoirement, Tan a également (re-)lancé un véritable engouement pour la musique traditionnelle du "getai", rappelé au bon vieux souvenir d'une ancienne génération, retournant au cinéma pour – parfois – la première fois en 30 ans et remise au goût du jour d'une génération plus récente, qui réserve aux quelques artistes encore en activité un véritable triomphe.
Ce n'es pourtant pas la moindre des qualités de cette excellente comédie. Le scénario, basique, ne sert qu'à une accumulation de chansons getai, entonnées jusque dans les moments les plus improbables. A la différence de certains répertoires de l'opéra chinois, ces compositions sont pourtant nettement soutenables et toutes dynamisées par des nombreuses blagues (à fond le coq!), situations pittoresques et costumes étincelants.
Le petit budget et la rapidité de tournage n'assurent pas la réussite de tous les plans et les très longues prises ne sont pas toujours très bien cadrées ou éclairées (une première dans l'entière filmographie ultra chiadée de l'auteur), mais qu'importe, la folie de l'ensemble remporte la mise et pardonne également la relative facilité du scénario. En revanche, la plupart des gags font mouche et la fin est des plus inattendues, donnant envie de se repasser la film une seconde fois pour retrouver tous les personnages.
Mention spéciale au casting, des vrais artistes getai (la tante, géniale), présentatrices stars de MTV Singapour ou d'un acteur populaire pour ses rôles bavards et qui interprète dans le film…un sourd muet.
La fin, un brin trop longue, réussit pourtant à susciter le meilleur de l'émotion, comme seul Tan en a le secret. Magique!!