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Le Premier souffle du printemps

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Xavier Chanoine 3 Récit touchant malgré quelques lourdeurs
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Récit touchant malgré quelques lourdeurs

Second film de Gu Changwei, plus connu en tant que chef opérateur chez Chen Kaige, Jiang Wen ou Zhang Yimou et ayant connu une courte expérience à Hollywood notamment pour Robert Altman dont il signa aussi la photographie, And the Spring Comes est une belle fable sur l'opéra, la condition de l'Homme, l'art en général doublé d'un vrai mélodrame. Wang Tsai-Ling est une femme d'allure un peu pataude, perdue entre ses envies d'entrer à l'Opéra de Pékin et sa situation difficile dans sa petite bourgade de Chine populaire. Elle rêve d'entrer dans cette prestigieuse académie mais ses premières tentatives se soldent toutes par un échec. On l'entend bien ça et là à la radio mais le succès ne lui permet pas de vivre encore décemment, jusqu'au jour où deux hommes vont faire sa rencontre, l'un est conducteur de poids lourds l'autre travaille dans une aciérie. Yu, le premier, souhaite à tout prix recevoir des cours de chant de la part de Tsai-Ling parce qu'il a été bluffé par sa chanson entendue à la radio mais cette dernière manque de motivation, perdue dans les sentiments qu'elle éprouve pour Si-Bao, le meilleur ami de Yu, ouvrier mais aussi artiste peintre qui n'a pas encore trouvé sa muse. Il manque en effet à son actif le chef d'oeuvre. Malheureusement Tsai-Ling ne sait pas que Si-Bao ne ressent rien pour elle si ce n'est de l'intérêt pour son propre orgueil : il l'attisera afin qu'elle pose nue pour lui. Après avoir essuyé cette première déception, Tsai-Ling décide de tout plaquer et s'enfuit à Pékin à l'abris des déceptions d'antan : objectif, tenter coûte que coûte le rêve de l'Opéra de Pékin, un objectif de plus en plus à sa portée lorsqu'elle va faire la rencontre d'un danseur classique conspué par la population locale. Gu Changwei pointe du doigt les préjugés et les gens laissés de côté et constate par la même occasion ce nombre incroyable de gens qui n'arrivent pas à surpasser la simple idée du rêve : Tsai-Ling dispose d'un potentiel vocal remarquable mais rien n'y fait, Si-Bao possède un potentiel tout aussi fort dans le domaine de la peinture mais son addiction à l'alcool et son manque d'ambition l'empêchent d'être autre chose qu'un simple ouvrier. Hu JinQian est quant à lui un professeur de danse classique mais le rejet total de la population envers sa discipline le rendra fou, la dernière séquence dans laquelle nous le verrons sera en cellule de prison, ce dernier ayant tenté de violer l'une de ses élèves lors d'un excès de rage inexpliqué. Pourtant rien n'explique cette folie, le personnage étant d'allure noble, précieuse. Mais la demande en mariage refusée par Tsai-Ling lui fera perdre toute motivation. Traités de "freaks", la voix de l'une et la danse de l'autre n'intéressant personne à Pékin, le mariage était l'occasion de lier deux personnes là aussi liées par leur échec. Gu Changwei ne compte pas non plus faire l'état des lieux des loosers et avec une belle dose de rebondissements comme cette rencontre avec une mère et sa fille (cette dernière mentira sur sa santé afin de rencontrer Tsai-Ling) ou cet enfant arrivé par malheur (chance?), démontre qu'il est possible d'arriver à ses fins avec du courage et de l'abnégation.

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L'opéra est aussi le grand fil conducteur du film et l'actrice incarnant Wang Tsai-Ling (qui n'est autre que la femme du réalisateur) en est la digne ambassadrice malgré le rejet de la population locale qui n'en a que faire de cet art populaire en occident mais boudé ici face aux coutumes artistiques locales. L'art n'est pas non plus ici synonyme de fatalité puisqu'il poussera Tsai-Ling à se battre comme pas deux, et cette dernière pourra passer de la rue à la scène du moment que la motivation perdure. Celui qui donna la "lumière" à Adieu ma Concubine n'est pas ici au même poste, mais le cadrage suffisamment bien fait et la belle gestion des lumières évoquent une certaine idée du cinéma de Gu Changwei. La caméra très souvent stable ne bascule pas dans l'auteurisant facile et ne joue pas de ses mouvements sur épaule pour accentuer la malchance de Tsai-Ling et pour faire tomber And the Spring Comes dans la fiction documentaire, dépeignant la triste condition de ceux qui se foutent en l'air lorsque le rêve n'est pas réalisable. Mais attention à ne pas trop souligner le film d'une certaine lourdeur dans l'exécution de certaines séquences : Tsai-Ling chante bien, mais son morceau peut finir par agacer du fait de son utilisation parfois excessive, de même que le film n'est pas souvent loin de tomber dans le misérabilisme un peu simpliste. Mais Gu Changwei prouve qu'il est un réalisateur à suivre en dépit de quelques maladresses (comme cette séquence où tout Pékin s'illumine d'un rayon de soleil lorsque Tsai-Ling touche à son but). Bilan positif pour ce second essai concluant.



24 juin 2008
par Xavier Chanoine


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