Le Solitaire
Sans être ce que le yakuza eiga a offert de mieux durant les années 90, Another Lonely Hitman est un film noir donnant son sens plein au terme de série B. Son économie de moyens est autant celle de son budget modeste que celle de ses parti pris esthétiques. Soit une certaine lenteur mélancolique associée à des clichés visuels du film noir (la récurrence des grands angles) ou de la série B seventies (certains passages filmés dans un style caméra à l'épaule très sec). Ce rapport très premier degré aux passages obligés du genre, on le retrouve dans cette voix off du début évoquant les tourments du héros pour avoir tiré sur une civile. Mais pour Mochizuki emprunter les routes balisées du genre ne signifie pas pour autant répéter ce qui a été déjà fait. Ces routes? Celle du yakuza sortant de prison pour découvrir que le code d'honneur n'a plus de sens mais dont la croyance au code n'a pas disparu. Celle aussi du tueur éternel solitaire dans l'ame incapable d'etre vraiment soumis à son clan. Mais le thème usé de la disparition du code d'honneur est ici adapté au Japon en récession économique des années 90 semblant lui avoir donné le coup de grace. Tandis que Mochizuki n'hésite déjà pas à prendre les chemins de traverse de l'histoire d'amour entre un Tachibana yakuza las et usé et une jeune prostituée.
Mais ici la relation est moins idyllique qu'elle ne le sera dans Onibi le démon. Chacune des deux parties a des désirs pas vraiment compatibles qui le deviendront avec le temps. D'un coté un homme désireux de mettre de l'ordre dans le monde gangstérien comme de remettre la femme aimée dans le droit chemin (la leçon de morale qu'il lui donne en ex-junkie cherchant à lui éviter d'etre dépendante de la drogue). De l'autre une femme désireuse de calme et de sexualité que ne peut satisfaire son homme. Et ces différences vont susciter le clash voire la violence entre eux. Le calme ne s'obtient que dans la violence, le clash dans le couple comme avec le clan. Et le choix de l'amour contre la vie de yakuza qui en sera l'aboutissement distingue Tachibana des yakuzas des années 60 qui n'auraient jamais fait cela. Sauf que sur la fin Mochizuki rappellera les gangsters au tragique de leur condition après avoir offert à ses héros un répit amoureux. On peut néanmoins reprocher au film la caractère de gadget scénaristique de la caméra vidéo comme ses audaces visuelles gadget: les plans subjectifs du point de vue de la caméra vidéo, l'usage de gros plans ou de changement de style d'éclairage pour refléter l'état du drogué. Pour le reste, le talent d'Ishibashi Ryo et un score à la mélancolie jazzy portent ce qui est une série B de bonne facture.