Parfois, Oshii mine
Oshii arrête de se prendre la tête, Oshii veut divertir, Oshii comprend le sens du mot divertissement, assimile bien le concept du jeu vidéo qui, comme une drogue procure artificiellement de la satisfaction : il va nous en mettre plein les mirettes ! Mais Oshii n’a pas le budget de Sucker Punch (les effets spéciaux sont honteux), pas de temps (60mn !), est un peu fatigué et n’a pas de chef op’ ( ?)… Il aurait dû, par exemple, embaucher un Morten Soborg (le Valhalla Rising du danois Refn) pour mieux mettre le grand vide en valeur. Oshii peine aussi avec un casting à l’ouest – dommage au pays du soleil levant - , des jolies pépés à peine dignes de figurer un avatar etc etc, n’en jetez plus : c’est foiré dans les grandes largeurs.
Pourtant l’idée reste bonne. Oshii retranscrit bien l’univers du jeu vidéo et l’individualisme exacerbé de la chose. Si vous avez déjà joué ou vu jouer à WoW, ces villages plein d’individus qui n’agissent que pour eux même montrent que ces villages n’existent tout simplement pas. Le collectif n’y a pas sa place. Si sur la forme le dragon Sucker Punch écrase nos piètres Assault Girls, sur le fond le réalisateur de GITS évite, lui, l’écueil de la maltraitance en guise de justification de la fuite du réel. Il préfère la remplacer par un quotidien avec lequel il est impossible d’obtenir ces satisfactions dont nous avons tous besoin. Le quotidien – d’un japonais d'une grande ville au moins issu de la classe moyenne s’entend – est à ce point organisé par différentes institutions successives, des actions globales là pour résoudre nos besoins primaires, que la disparition de toute forme de risque fait qu’on ressent ce besoin d’aller chercher ailleurs la peur, le gouffre, pour obtenir cette grande satisfaction d’avoir su surmonter une épreuve. En milieu urbain on n’affronte plus un quotidien fait de chasse au mammouth (en province c’est toujours le cas bien évidemment), de maison à construire de ses mains etc. Alors on fait du jeu vidéo. Et, en passant, plus le jeu devient crade et réaliste, plus cela traduit un besoin grandissant de ressentir la vie. Actuellement, on baigne dans le torture porn. Mais le jeu n’est qu’une option, il y en a d’autres : les associations, le militantisme, la participation au collectif etc, des concepts bien loin il est vrai d’une cinéphilie qui, elle aussi, n’est constituée que de palliatifs, qui parfois ne veulent plus rien dire du tout à force de fuite excessive. On en vient à aimer des films qui pourtant ne sont que des compléments à d’autres, un film d’auteur lent parce qu’il compense trois péloches d’action hystériques. Ne pas voir un seul film pendant un mois puis ressentir une grande satisfaction à la vision d’un film populaire constitue la norme après tout. Et à la question « quel film emporteriez-vous sur une île déserte ? » il faut bien penser, avant de répondre, au contexte qui nous attend. Seul, sur une île déserte ! Des vidéos faites avec des potes, la famille ou un documentaire constitué de vraies tranches de vies auront alors autrement plus de valeur que nos fictions préférées. Oshii réussit du Oshii : il crée des pistes de réflexion fascinantes, il titille nos cervelles encombrées de bêtises. Mais à trop s’éloigner de la forme il s’écarte du public à qui il destine ce type de produit. Sauf s'il me parle à moi ?...
Avalons de l'Avalon
Et voilà une autre immersion dans le fabuleux monde d'"Avalon", celui révélé pour la première fois au monde en 2001 dans le film éponyme et qu'Oshii a plus ou moins implicitement re-visité dans ses courts Assault Girl: Kentucky no Hinako et Assault Girl 2, deux courts respectivement inclus dans The Women of Fast Food (2007) et Kill (2008).
En gros, il reprend des personnages développés dans ces courts pour les plonger dans une extension (f) du fameux jeu, où les personnages sont censés affronter des vers de sable géants pour accumuler des points. Sur le terrain, trois femmes mystérieuses aux aptitudes diverses et un "chasseur", Jäger, très sûr de lui, mais un véritable loser, quand il s'agit de gagner.
Parmi les points les plus faibles, les sempiternelles rhétoriques et questionnements métaphysiques à deux balles d'Oshii, étalées dès une partie introductive à rallonge (près de 8 minutes), inutilement bavarde et sans aucun fond; des proverbes et citations, qui illustrent chaque en-tête de "chapitre", qui divisent le film et des plans poseurs et posés, notamment sur la difficile avancée d'un escargot, qui va se faire maltraiter en cours d'intrigue. Poseurs également certains plans sur des personnages totalement sacrifiés, comme "Gray", qui éxécute des pas de danse de temps à autre ou Lucifer, qui ne sert absolument à rien, sauf à inclure un corbeau dans l'image pour faire joli.
Dans les points forts, cette incroyable capacité d'Oshii de faire des films avec deux bouts de ficelles, de créer des vrais moments oniriques avec trois fois rien et surtout, surtout à traduire l'ambiance particulière des jeux vidéo en général par des images somptueuses. On accrochera ou pas du tout en fonction des goûts et des couleurs, mais toujours est-il, que le lien aux jeux vidéo est franchement là et réel et bien mieux réussi que n'importe quelle adaptation d'un titre connu.
Immergez-vous dans le monde merveilleux d'Oshii – de préférence dans une salle obscure et sur grand écran, en absorbant des substances illicites pour tenter de toucher au "trip" visuel proposé par le réalisateur tordu et tortueux; je pensais détester (surtout en vue du court absolument médiocre, "Assaut Girls 2") et pourtant j'ai marché à fond en m'en allant combattre du ver de sable à côté de ces amazones.
Avalon moi ça !
Bon ok, le jeu de mot était facile et en plus il est mauvais. Mais il est à la hauteur de la déception qu'est Assault Girls. J'ai adoré Avalon et retourner dans cet univers m'enchantait. J'ai très vite déchanté. On commence par une scène explicative où une voix-off nous raconte grosso modo ce qui a amené la création du jeu Avalon. Bien trop longue, elle se révélera en fin de compte la seule digne d'intérêt. S'ensuit une petite scène d'action contre une sorte des vers des sables puis plus rien pendant pratiquement 1h jusqu'à une nouvelle scène d'action, plus longue cette fois-ci. Le film d'Oshii est aussi vide que l'immonde désert qui fait office de décor pendant 90% du film. Les acteurs errent comme des âmes en peine tant ils n'ont rien à jouer. Pas de dialogues philosophiques ou de réflexions métaphysiques, non ici on préfère s'intéresser à la vie d'un escargot.
Tout n'est pas forcément à jeter dans Assault Girls, l'héroïne principale a un joli minois ce qui n'est pas négligeable ^^, il y a quand même une ou deux idées sympa même si elles sont sous exploitées. Et le score de Kenji Kawai fait le boulot même si on l'a connu nettement plus inspiré.