Xavier Chanoine | 2.75 | Couteaux en plastique |
Tourné la même année qu’une autre adaptation de Murakami Haruki, A Girl, She is 100 Percent, Attack on the Bakery de Yamakawa Naoto démontre une toute autre facette de l’écrivain nippon dont la portée va au-delà de la simple histoire romantique entre deux personnes à priori inconnues. Ici il est question de deux loosers qui n’ont plus rien à se mettre sous la dent et qui décident un beau jour d’aller attaquer la boulangerie du coin. Mais pas n’importe laquelle, en effet celle-ci est tenue par un boulanger communiste amateur de Wagner, plus préoccupé par sa musique que par la perte de ses pains. Les deux fainéants décident donc de partir en direction de la boulangerie, armés de couteaux de cuisine censés intimider le propriétaire des lieux. Arrivés sur place ils découvrent que la boulangerie n’est pas vide, en effet une jeune femme hésite longuement quant aux choix des pâtisseries à déguster. Ils prennent donc le temps d’analyser la pièce et attendent gentiment que la jeune femme s’en aille pour menacer le propriétaire qui visiblement n’a que faire des menaces : ce dernier les autorisent à manger ce qu’ils désirent à condition qu’il passe du Wagner en même temps. Ce genre de rencontre particulière instaure une atmosphère à mi-chemin entre la crainte (la présence d’armes blanches) et la loufoquerie la plus évidente, il suffit en effet de voir la dégaine des deux lascars pour s’apercevoir de leur absence totale d’ambition dans la vie, et surtout l’allure nonchalante à la limite du faux-semblant du boulanger vautré sur son siège le regard fixé sur les deux tourtereaux au charisme d’endive sortis de nulle part. Pire, ils ne semblent eux-mêmes pas croire à cette attaque, déboussolés par l’attitude du propriétaire qui devient à son tour menaçant : « aimez Wagner et vous pourrez vous servir ». Le duel est lancé mais s’achèvera rapidement face à l’impuissance de deux voleurs d’un jour conviés à revenir le lendemain pour une même session musicale et au court-métrage de faire preuve de décalage total. Entre l’introduction sur fond blanc annonçant la rébellion d’une jeunesse nippone et la fin où personne ne laisse de plumes, le cinéaste joue de l’absence totale de suspense pour mieux étaler la loufoquerie de l’ensemble et nous prendre de revers. D'ailleurs le tirage de langue du début annonce déjà la supercherie. Enfin, comme A Girl, She is 100 Percent, le style employé est narratif, davantage encore que ce dernier, où chaque geste est analysé dans un pur souci de description et de calque avec l’œuvre originale. Pas marquant mais plutôt drôle dans sa démarche, Attack on the Bakery est un nouveau carrefour de rencontres improbables.