Fabuleux tour du monde
Documentaire, livre d'images musical, réflexion sur le rapport entre l'Homme et la Nature, grand trip visuel, Baraka est tout cela à la fois et donne autant à voir qu'à penser. En juxtaposant des plans somptueux de paysages grandioses, d'animaux, d'hommes et de femmes, de villes ultramodernes, de bidonvilles désespérants, de ciel étoilé ou de chaine industrielle implacable, Ron Fricke met en parallèle, oppose, confronte les éléments terrestres et célestes, et montre l'être humain dans toute sa complexité : simplicité de vie d'ethnies ou de communautés d'Afrique et d'Asie toutes entières dévouées aux forces (sur)naturelles à travers des célébrations de grande ampleur (stupéfiante séance de méditation braillante et mouvante, danses traditionnelles, moines zen), mais aussi horreur économique où les hommes s'entassent - vivants ou morts - dans des cages à lapins, vivent à cent à l'heure en oubliant le reste, traitent les animaux et les végétaux comme de vulgaires produits de consommation, et même les hommes eux-mêmes à l'image de ce bouleversant visage de prostituée taiwanaise sur le pas de la porte d'une maison close.
On pourrait penser le procédé caricatural, voire manichéen, mais il n'en est rien. Fricke est suffisamment subtil pour ne pas prendre position et laisser libre opinion au spectateur en lui faisant prendre de la hauteur, du recul sur les images du monde qui lui sont renvoyées. Et on peut même le trouver philosophe lorsqu'il conclue son film sur des plans de ciels crépusculaires, relativisant la petite taille de notre planète par rapport à l'immensité de l'univers. Après tout, nos petits problèmes de terriens ont-ils une quelconque importance ? Une réponse à rechercher en regardant pourquoi pas à nouveau le film, pour une longue et douce méditation sans fin...
Tout comme la terre, la chance tourne
Si les morts peuvent danser, tous s’en allant par là,
Ce sont bien ces fantômes qui font tourner la terre.
Ils gravitent et s’agitent tels de braves petits gars,
En attendant leur tour, en attendant leur mère,
Sensée leur rapporter l’existence d’un vivant,
Un retour parmi nous, un vécu chez les gens,
Qui gravitent et s’agitent tels de braves petits gars,
Sur leur terrain de jeu, heureux plancher des vaches.
Plein de fermes et de plaines pour qu’elles puissent mettre bas,
Plein d’immeubles et de toits pour qu’enfin l’homme se cache.
Le Dieu sage l’observe, le roi singe n’est pas dupe,
Depuis son lac paisible il voit sous toutes les jupes,
Sait les formes et contours qui parsèment le monde,
Vit beautés et horreurs qui, au quatre coins, abondent.
Mais cela n’empêche pas Dieu ici d’être un homme,
Qui ne peut s’empêcher de donner des leçons.
Il ajoute mysticisme et toute nuance gomme,
N’apporte à nos problèmes aucune solution.
Il effleure des sujets ailleurs mieux développés,
Rendant inoffensif un film un peu caduque.
Dans cette œuvre il y a trop de sujets abordés.
D’aucun la trouverait belle… Un peu qu’on la reluque !
Elle s’envole dans le ciel avec nous sur son dos,
Pour un trip d’une heure trente où l’on nous donne du rare,
A ce point merveilleux que l’on plait à se croire,
Perdus au beau milieu du Seigneur des Anneaux.
Mais à trop voyager sans penser s’arrêter,
On peut parfois juger sans pour autant connaître,
Admirer paysans rugueux et fatigués,
Sans savoir la branlée qu’à leurs femmes ils vont mettre ;
Aimer ces quelques prêtres et leurs jolis chapeaux,
Uniforme tout trouvé pour pouvoir mieux mendier ;
Puis se scandaliser du sort des animaux,
Que l’homme martyrise dans le but de manger.
Agnostique convaincu j’eusse aimé pouvoir dire,
Qu’alcooliques fourvoyés aimant ce Baraka,
N’ont qu’à aller s’noyer dans leur sale bar à cas.
Mais l’ayant apprécié c’eût été mal mentir,
Car si la caméra parfois grandiloquise,
J’avoue l’avoir suivie. Un autre qu’on hypnotise ?
Tout comme la terre, la chance tourne.
La chanson se fredonne et taisons-nous en somme.
Avoir la baraka, communément, revient à avoir de la chance. En Sufi, Baraka signifie «souffle de vie» paraît-il. Selon ceux qui ont écrit sur cette page de Wikipedia, en arabe, « barakah » signifie sagesse ou bénédiction envoyée par Allah, tandis qu’en hébreu une « berakha » ferait référence à une bénédiction dans une cérémonie. L’invitation au voyage de ce film n’est pas juste tellurique, elle est baignée d’une évidente et forte connotation religieuse.