La flûte se taille
Voilà un film funambule – un filmambule ? - qui se balade sur une corde raide en menaçant pratiquement tout du long de se gaufrer d’un côté ou de l’autre. Hop ! Chapeau l’artiste : il atteint vaille que vaille le building d’en face. Il y a de ces péloches qui vous donnent un bon degré de satisfaction malgré tout un tas de points négatifs. La pluie coréenne – ze Korain ? - commence à tomber quand sonne l’heure, trop longtemps attendue, de la vengeance. 1h55, c’est beaucoup trop long sur ce type de schéma ; cela se déclinait très bien sur 1h20 – c’était mieux – avant, au Japon. Coucou Sasori ! La voilà, ta campagne ! L’humiliation que l’on partage, la haine qui s’accroit, des méchants très méchants, tous ces salauds d’hommes et une horrible petite vieille mémorable conduisent à l’explosion de rage. Pas de surprise, on connait le truc. C’est roublard comme du Lars Von Trier, trop appuyé mais psychologiquement moins troublant qu’un Kim Ki-Duk, avec lequel le réalisateur commença sa carrière et auquel on pense à travers sa sienne, d’île. Mais non, elle ne coule pas cette Blood Island, on reste à bonne distance des Maldives. La pluie ? Elle commence juste puis s’arrête, comme si l’on s’était dit au montage « n’abusons pas des bonnes choses ». Faux départ. Idem pour l’usuel flashback qui nous expliquerait un trauma, constante du ciné coréen balourd ; « pléonasme » diraient même certains. On en a bien un petit sur la fin mais c’est un malin, il évite in extremis l’envolée de violons qui, on le sent, aurait pourtant bien aimé accompagner notre dernière bobine. Comme dans Blood Rain, tiens, oui. « N’abusons pas des bonnes choses, j'ai dit. On donnerait là un coup de coude trop visible à Deux sœurs ». Déjà que. Ne tergiversons pas, le bilan emballe – le bilemballe ? - pour quatre bonnes raisons que les voici les voilà : 1 - la boucherie terminale reste un morceau sympatoche de joyeux découpage sanglant ; 2 - un humour noir distant mais bien présent permet au saltimbanque de conserver un bel équilibre et d’éviter la chute à plusieurs reprises ; 3 – les images, malgré une mise en scène qui recherche un peu trop le beau plan pour le beau plan, sont de toute beauté ; et 4 - ce personnage pivot, Hae-Won, qui partage le premier rôle avec celui de Seo Young-Hee, incarne à la perfection l’oisiveté du citadin, sa lâcheté intrinsèque et une forme de prise de conscience qui, comme la cavalerie et l’OTAN (c'est d'actualité), arrive toujours trop tard. Ca me parle, me fait cogiter, m’implique : bien vu.
ça slashe bien et ça démarre bien.
Révélé à la Semaine de la Critique de Cannes, Bedevilled (2010), premier film, avait été un peu survendu pour justifier sa sélection cannoise (on m’avait sorti un « Kim Ki-duk première période filmé comme du Immura »), mais cela reste pas mal, peut être l’exemple de film d’horreur coréen le plus convaincant depuis des lustres. Et mieux que ça parce que ce n’est pas qu’un « slasher », ça c’est la dernière demi-heure du film : une fille furax slashe tout le monde. Comme le film fait une heure et demie, le mérite du réalisateur est de raconter bien autre chose avant, et de rendre justifiée le slashage. Il filme bien une île somptueuse (c’est pas Immamura, le style se cherche, mais n’est pas dégeu), fait le portrait de dégénérés assez savoureux et offre à son actrice un grand rôle de fille de la campagne qu’il fallait pas prendre à ce point pour une conne (sinon : slash).
Bedevilled est surtout encore plus intéressant pour sa première demi-heure à Seoul, très réaliste, faisant le portrait d’une working girl froide, employée de banque, qui rappelle un peu la postière de This Charming Girl (2004) , sauf que cette employée là a perdu tout son charme et sa capacité d’émotion. La confrontation entre les deux personnages est intéressante théoriquement, seulement elle rate en principe : la première est délaissée au profit de la deuxième, le film réaliste part en cliché slasher, le film de Seoul va sur une île et ces deux films ont du mal à exister ensemble. Cette tentative de mélanger deux tons, deux genres, est typiquement coréenne, mais il n’est jamais facile de confronter un genre balisé (le slasher vengeance) avec d’autres. Bien tenté tout de même.
Tuerie!
Bien réalisé, une vraie descente aux enfers digne d'un cat3 de la grande époque sur cet îlot coupé du monde. C'est glauque et ça va en s'empirant. On serre les dents de rage en voyant tout ce que Bok-nam endure!
On à hâte que le pétage de plombs arrive, et c'est le cas! Un bain de sang (petit bémol: les meurtres aurait pu être un chouia plus brutaux et violents): égorgements, décapitations, éventrations etc...
Le rythme est très soutenu tout au long du film et perso, j'ai été littéralement happé.
Young-hee Seo est stupéfiante, tour à tour victime puis bourreau. Jouant remarquablement bien, elle donne vie à son personnage, traversant un véritable enfer avant de sombrer dans la démence.
La fin s'avère émouvante en même temps et soulève quelques questions sur l'individualisme et l'aide aux autres.
Génial!
9/10.
My dear ennemy
"Bedevilled" est une nouvelle preuve de la belle vitalité du cinéma coréen – et surtout de la vraie tendance à renouveler son vivier de jeunes talents après quelques années de disette, suite à la mainmise des majors sur le secteur et sa fragilisation par l'abolissement des fameux quotas.
"Bedevilled" est – à l'origine – un énième revenge movie, comme il en sort des dizaines par an depuis le succès international de "Old Boy"…mais là, où les exemples les plus récents – à commencer pa "I saw the devil", que Kim Ji-woon aurait bien vu en "ultime" film du genre – donnent dans une surenchère bête et gratuite des scènes de violence, "Bedevilled" injecte un peu de sang neuf en mélangeant les genres. Drame psychologique se muant en revenge movie avant de se dénouer en une sorte de survival…C'est un peu tiré par les cheveux, mais le côté bricolé fonctionne plutôt bien, en réservant des nombreux rebondissements et surprises…
Ce mélange des genres constitue également sa limite: le drame humain de la première partie est malheureusement superficiellement traité et l'on s'étonne de ce curieux choix de se focaliser en première partie sur une femme passive et antipathique, qui va quasiment "disparaître" au cours d'une seconde partie beaucoup plus intense pour laisser place à un personnage haut en couleurs, qui va donner toute l'essence au film avant que le premier personnage redevient la figure centrale – impossible, dès lors, de s'attacher à cette femme, dont on ne se sent absolument plus concerné par son sort.
La seconde partie est également la plus dense et décidera vite son public quant à aimer ou non cette œuvre: une fois n'est pas coutume, les coréens en rajoutent des tonnes dans l'exagération des personnages, sentiments et explosions de violence – c'est à prendre ou à laisser.
Quant à la comparaison avec un "Profond désir des dieux", on est très, très, très loin, puisque l aplupart des personnages du fameux réalisateur ont tous été animés par le plus bas instinct humain: celui de la survie, et donc à penser à bouffer et à baiser pour se reproduire…Ici, on a droit à un ramassis de déchets humains, qui ne pensent finalement qu'à leur propre satisfaction, mais pas du tout dans un souci de survie. Là encore, tout est loin d'être abouti; on assiste à une surenchère d'humiliations, sans toujours comprendre les motivations des uns et des autres et les personnages des anciens (dont notamment du grand-père, dont le mystérieux passé n'est fait qu'effleurer, sans que cela n'ait la moindre incidence sur la suite de l'histoire) totalement sacrifiés.
Enfin, arrive la toute dernière partie, finalement très peu nécessaire, du "survival", là encore aux motivations troubles, notamment par le revirement final inattendu de la "seconde" héroïne…Il aurait été beaucoup plus intéressant de la voir se fondre dans la société, éventuellement même dans une suite, plutôt que de jouer la carte du "survival" bête et méchant.
MAIS l'ensemble tient quand même sacrément la route et les futurs pas de ce jeune réalisateur seront à guetter de très, très près. Trop imprégné de nombreuses références et trop disparate dans son apparente volonté d'aborder tous les genres, son éventuelle maturation sera très intéressante à suivre.
Flower Island
En quelque sorte,
Bedevilled est ce que
Rough Cut (les deux sortent de l'"écurie" Kim Ki-Duk) n'a jamais su être : un film franc du collier, sans consessions et surtout sans l'arrière gout de Taiti douche caractérisitique de ces films coréens noyant leur prétendue crudité dans une esthétisation asseptisante. Alors, quand bien même on pourra y voir un nouveau film dans la lignée de
Old Boy,
A bitterseweet Life, ou
The Chaser,
Bedevilled est un grand bol d'air frais pour les amateurs de cinéma vénère. Un peu à la manière de
Breathless (mais sans le final foireux de drama télé),
Bedevilled est de ces films malheureusement rares qui parviennent à éviter à la fois les dérives du cinoche commercial, "indépendant" ou d'auteur, tout en faisant une utilisation perspicace des mécanisme du film de genre.
Le genre, parlons-en, puisqu'observée sous cet angle la construction de
Bedevilled est particulière. Pendant les premières minutes il laisse penser à un film policier, pour en fait emprunter un genre plus neutre, en tout cas qui n'a pas d'aura "exploitation" (presque du drame social). Puis le film bascule dans une optique beaucoup plus "genresque", tout d'abord rape-revenge puis survival. Tout cela pourrait n'être qu'anecdotique (la Corée, pays du mélange des genres, tout ça). Cela pourrait même être agaçant si comme parfois le changement de genre n'avait pour seule fonction que de maintenir en vie un film qui patauge dans la semoule. Là non, chaque changement de genre s'intègre parfaitement dans le récit, épousant à chaque fois un changement d'idée et de point de vue.
Une écriture futée donc, bien servie par une mise en scène qu'on pouvait attendre un peu rigoriste à la vue des premières minutes mais qui trouve vite son rythme : puissante et évocatrice, mais surtout sans fausses manières. Bref, une bonne surprise, en particulier de la part d'un premier film. Reste plus qu'à transformer l'essai.