Vouloir être aimé
Be With Me est un film dont le scénario tourne autour de trois thèmes : amour, espoir et destin. L'écriture du scénario a été longue et difficile et c'est la rencontre du réalisateur avec Theresa Chan, une femme sourde et aveugle au destin hors du commun, qui permettra finalement au projet de se concrétiser.
Be With Me est constitué de trois histoires qui se croisent. Le point commun à ces trois récits est que chacun des personnages rêve de vivre avec l'être aimé.
La première histoire est la chronique d'un amour adolescent entre deux jeunes lycéennes. Le traitement est moderne et fait penser au troisième segment de Three Times. On peut en effet y voir un portrait de la jeunesse et certains éléments tels que les communications à base de SMS ou de messagerie instantanée ne peuvent que rappeler le segment de Hou Hsiao Hsien. Les sentiments ne sont ici pas réciproques et cette première histoire met l'accent sur l'expression impulsive d'une certaine incompréhension résultant en grande partie de cette petite part d'innocence qu'il reste à l'adolescence. La fin, commune à celle du second segment, finit de dessiner les contours d'une jeunesse qu'il est aisé de caractériser en partie par son impulsivité mais aussi par l'intensité de ses premières passions. Ce segment est d'une amère douceur et, bien que vide de tout propos, touche par le simple regard de son personnage principal. Il convient également de se demander si ce segment ne serait pas en partie inspiré du très réussi Butterfly, film hongkongais traitant de l'homosexualité féminine avec brio, film resté malheureusement dans un certain anonymat.
La seconde histoire est celle d'un agent de sécurité à la vie bien ordinaire. Méprisé par son père et son frère, il a vécu une enfance difficile et sa principale occupation semble être de manger. Amoureux d'une jeune femme qui travaille dans le même immeuble que lui, il souffre en silence de ne pas pouvoir lui déclarer son amour. Le contraste est fort: une femme cadre supérieure, belle et pleine d'ambition aimée par un homme anonyme au physique peu avantageux et méprisé par ses proches. Malgré cela, cette seconde histoire est montrée avec une rare subtilité. Au lieu d'accentuer le contraste afin de faire ressentir au spectateur la cruauté de cette situation, le réalisateur fait au contraire tout son possible pour montrer le plus naturellement possible toute l'humanité de son personnage. Celui-ci devient particulièrement attachant et l'émotion ne résulte pas tant de la ridicule probabilité qu'un tel amour se concrétise que du comportement plein de respect, de doutes et de révolte de cet homme perdu dans une ville où tout semble peu à peu s'effacer autour de lui et de cette femme qu'il observe en cachette. Finalement décidé à lui déclarer son amour, il choisira de poser ses mots sur le papier. Là encore, fort contraste : la femme qui choisit ses vêtements avec soin dans les boutiques les plus luxueuses et l'homme qui écrit sur un papier à motifs ringards sur la table de sa minuscule cuisine aux murs jaunis. Les contrastes s'effacent pourtant si vite qu'on ne les distingue plus. Il ne reste qu'un homme amoureux, plus humain que tous ceux qu'il côtoie, un homme qui décide de s'affranchir de toutes les barrières qui l'entourent, celles de son passé, celles de sa société. La fin de ce segment est injuste, obligatoirement. Injuste mais loin de tout cliché. On méprise la vie, les gens, la société. On admire ces instants magiques de cinéma. On confond le temps d'un instant la fiction et la réalité.
Le troisième segment se base sur des faits réels. Il est en effet ici question de Theresa Chan, une femme devenue sourde puis aveugle lors de son enfance. Malgré un tel handicap, cette femme a trouvé la force de vivre et a poursuivi de longues études. Elle est même parvenue à apprendre une nouvelle langue : l'anglais. La rencontre du réalisateur avec cette femme si particulière a été déterminante pour ce projet. Elle lui a en effet suggéré de réaliser un film sur l'espoir, ce que Eric Khoo tentait justement désespérément de faire. Touché par son goût de vivre, le réalisateur lui a proposé un rôle dans son film et elle l'a immédiatement accepté. Ainsi, ce troisième segment raconte l'histoire d'un vieux commerçant souffrant de la solitude et dont le fils est chargé de la traduction de l'autobiographie de Theresa Chan. Après avoir lu le livre en question, le vieil homme se met à cuisiner pour Theresa. Ce segment, encore plus que les deux autres, est particulièrement touchant. Il y a tout d'abord le récit de la vie de cette femme. Comment ne pas être ébloui par une telle volonté de vivre et, mieux que cela, d'aimer la vie malgré toutes les tragédies ? Voir le sourire de cette femme de 61 ans, sourde, aveugle, ayant perdu l'homme de sa vie très jeune, est bouleversant. Sa vie méritait en effet un film. Car Theresa Chan donne à la fois une grande leçon de vie mais également beaucoup d'espoir. D'autre part, la justesse et la finesse du jeu du vieux commerçant font de ce segment une magnifique conclusion à un film qui, sans avoir la moindre prétention, s'avère être un chef-d'oeuvre de subtilité et arrive sans aucune difficulté au but qu'il s'était fixé : parler d'espoir. Car, oui, malgré toutes les tragédies et toutes les injustices que l'on peut trouver dans ce film et dans nos vies, la rencontre d'un vieil homme et d'une femme handicapée de 61 ans constitue l'ultime séquence d'un film qui nous fera sortir de la salle le sourire aux lèvres et les larmes aux yeux.
Puzzle non abouti
Enchevêtrement de 3 histoires d’amour aux 3 âges de la vie (ado, adulte, senior), Be with me fait le pari d’en dire le plus possible avec le moins de dialogues possibles, en s’appuyant sur une partition musicale au piano quasi omniprésente et sur divers moyens de communication remplaçant la parole (machine à écrire, lettre, SMS, regards, gestes, attitudes,…), pour exprimer toute la joie et la douleur d’aimer. Construit comme un puzzle dont on raccroche petit à petit les morceaux, le film d’Eric Khoo se focalise soudainement, au bout de 45 minutes et pendant environ 1 demi-heure, sur la vie de Theresa Chan, la Helen Keller singapourienne à la prononciation anglaise très particulière, devenue sourde et aveugle étant adolescente mais dont la volonté et la joie de vivre lui ont permis d’étudier avec des professeurs spécialisés et finalement d’écrire un ouvrage sur sa vie. Racontée non pas en voix-off mais par le biais des sous-titres, son histoire touchante est censée éclairer sous un autre jour les 3 petites intrigues de la première partie du film, non seulement en les relativisant, mais aussi en leur redonnant un nouveau souffle d’espoir : si cette vieille femme qui a subi tant de malheurs physiques et sentimentaux (son prétendant est mort le jour de Noël) parvient à conserver le désir de profiter de la vie, ses congénères le peuvent également, quelques soient leurs problèmes. Pourtant, Be with me n’emprunte pas franchement cette voie (ou alors à un 3ème degré qui m'a dépassé…) : après cet interlude sur Theresa Chan, les 3 intrigues amoureuses ne se voient pas illuminées par son exemple et finissent même tragiquement pour certaines. Du coup, le propos du réalisateur s’avère quelque peu flou et nous laisse sur une note de déception.
Sans moi...
On est personnellement très sceptiques vis à vis de ce Be with me. Ce n'est pas que le film soit dénué de quelques éléments potentiellement intéressants. Le fait de montrer le SMS comme un lieu d'intimité et de blessure amoureuse en est un et n'est pas sans évoquer (avec beaucoup moins de brio il est vrai) le dernier volet du superbe Three Times. Sauf qu'à force de la décliner tout le long du film en filmant ces SMS de façon très plate tout ceci finit par virer au procédé lassant. Là où chez Hou Hsiao-hsien ceci le dépassait à cause des correspondances avec les lettres des parties précédentes: les SMS devenaient la version sous emballage technologique des correspondances épistolaires d'antan, ceci aidant à faire ressentir la part de la changement et de stabilité des choses au cours du temps qui passe. Si elle déséquilibre le dispositif de croisement de destinées du film, l’intrusion d’un documentaire sur la vraie Theresa Chan (personnage du film), équivalent sexagénaire singapourien d'Helen Keller, vaut par un autre choix potentiellement intéressant. On pourrait en effet trouver poseur le fait de faire parler cette dernière par des sous-titres mais ce choix fait écho aux SMS du reste du film. Sauf que là encore à trop tirer sur la corde cela vire au procédé lassant.
Pour le reste, le film sombre dans un certain académisme auteurisant. Le dispositif fait de croisement d’individus aux destinées en apparences différentes mais ayant beaucoup en commun dans leurs aspirations (échapper à la solitude) n’y dépasse jamais l’artifice scénaristique mille fois trop vu au cinéma, en particulier lors du très artificiel «croisement» final des personnages. La partie sur Theresa Chan brouille elle inutilement la frontière fiction/documentaire: après que les interactions entre personnages aient été mises en place par le film, elle se met à raconter l'histoire de sa vie. La structure du film s'en trouve déséquilibrée mais le caractère émotionnellement un peu plus incarné de cette partie met en relief l'artificialité du reste du film. Surtout, le film ressert le poncif vieux comme Antonioni de l’incommunicabilité entre les êtres dans nos sociétés modernes. Clou thématique enfoncé d’ailleurs par un dispositif faisant intervenir machines à écrire, ordinateurs et SMS montrant que plus vieux est le moyen de communication, plus il aide à rapprocher les êtres. Qui plus est, les propos lus sur la machine à écrire sentent une philosophie de comptoir sur l’amour et la vie digne de Lelouch. Et le film de finir par crouler sous le poids de sa surenchère de bons sentiments voire d’une certaine poésie de film publicitaire… Le travail sur la photographie, le cadre et la composition des plans hésite lui entre esthétisme publicitaire et influence mal digérée du cinéma d'auteur européen.
Le fait que le film soit rythmiquement lent sans endormir, sa retenue, son caractère peu bavard le rendent certes plus supportable que ses équivalents occidentaux. Mais les travers de Be with me sont à nos yeux trop importants pour y voir le film qui placerait avec panache Singapour sur la mappemonde cinéphile.
be with(in) me
Be with me m'a appris à voir. Voir ce que j'ai toujours vu, mais avec autant de regards différents et d'organes qu'il me serait permis d'imaginer. Voir ce que l'on voit toujours: les images. Voir le monde. Et voir que nous sommes les propres images que nous contemplons. Et que quand bien même il est impossible de voir, le regard prend les détours les plus fous, les plus sublimes pour nous hanter, de tout son être, de tout l'être dont il est le désir.
L'image sensuelle, l'image pixel, tout cela contribue à tisser une même granulosité, un même réseau d'affects, à nous faire vivre dans l'ivresse de ces images, à être les personnages d'un film de Bresson, des autistes pantins qui se jouent la comédie, demeurés à vivre sur un écran non sans tenter de percer cet écran, fissurer les murailles qui forgent le silence assourdissant du film, écrire, chercher les mots, faire encore passer un mince filet de voix, asymptotique horizon vers lequel nous convergeons tous inévitablement. Les mots, autant dire la mort où se rejoignent les 2 pauvres victimes de l'amour. Les mots ou encore les larmes, qui se révèlent lorsque l'on aura mesuré à force d'expériences, à force de solitude la toute puissance de nos images. Des larmes magnifiques, belles à en pleurer, à notre tour.
La magie du silence
Portrait fabuleux d'une femme sourde et aveugle dont le rayonnement touche les êtres et les fait changer. Le film touche à l'amour, à la mélancolie et au rêve. Après une première demi-heure un peu laborieuse, il touche, dans sa deuxième partie, à la grâce.
Chef-d'oeuvre.
L'Amour invisible
Après son second, "12 Storeys", Erik Khoo prit du recul sur ses propres réalisations pour se consacrer à la production. Après le populaire "Liang Po Po" (avec Jack Neo), il allait produire le premier film digital, le film à segments "Stories about love" par Cheek (Chicken Rice War), James Toh et Abdul Nizam. Puis vint la (malheureuse) co-réalisation "One Leg Kicking", en collaboration avec Wei Koh, comédie qu'il s'efforce à faire rayer jusqu'aux publications de ses filmographies officielles.
Cette malheureuse expérience allait le motiver à retourner vers des productions plus personnes ("15" de Royston Tan et l'incroyable "Zombie Dogs / Eat @!#$, @!#$ and die" de Toh Hai Leong) et de réfléchir à un nouveau projet personnel. "Be with me" était né.
S'intéressant une nouvelle fois à des individus de toutes les couches sociales, il reprend l'exploration de ses thèmes de prédilection depuis ses premiers courts et moyens-métrages ("Carcass", "Symphony 92,4" et – surtout – le censuré "Pain"): la solitude de l'individu et son incapacité à communiquer (sur l'amour). A travers le portrait de trois personnages foncièrement différents, il va décrire l'état amoureux sous différentes formes et à différentes stades de la vie: recherche de son identité sexuelle à l'âge adolescent, l'amour "posé" à l'âge "adulte" et le second amour printanier à un stade bien plus avancé.
Mais depuis ses débuts enragés, Erik Khoo a mûri. Poursuivant toujours une même réflexion, il privilégie l'approche visuelle au détriment de la parole. Incapables d'exprimer leur amour, il reflète l'incapacité de communiquer par les longs silences, mais des regards pas moins appuyés. Noyant ses personnages dans un état de déprime assez poussé, il leur insuffle pourtant bien plus de chaleur humaine, qu'à ceux des ses œuvres antérieures; et l'intégration de la très sensible histoire de Theresa Chan témoigne de son sens développé de l'observation et de son fort attachement à ses personnages; jamais le personnage maladroit du gardien ne devient risible; et le ton de l'adolescente meurtrie est parfaitement rendue.
Dix ans après son premier film dérangé et dérangeant "Mee Pok Man", Erik Khoo témoigne de la maestria de ses talents et réflexions acquis au fil de sa – encore jeune – carrière. Et prouve, que l'Art peut naître partout – peu importe les difficultés d'une industrie.
Bonne surprise.
C'est le genre de film, que je sais que ce n'est pas mon genre. Je suis allé le voir juste par ce que parfois, j'ai de bonnes surprises. Et ce fut le cas, malgré l'histoire un peu à l'eau de rose (quoiqu'un peu noirci), j'ai trouvé que ce film se regardait ; que les personnages étaient attachants, particulièrement la vielle femme. Rien d'extraordinaire, ni de nouveau (les histoires de vie qui se croisent) mais ça reste un film agréable à regardé, malgré qu'il soit quand même mou dans l'ensemble.
Je rajouterais juste, qu' il y a beaucoup de sous-titres blancs sur blanc, et ça, c'est très énervant.
Le film commence sur un rythme assez lent, avec l’introduction des personnages et leurs espoirs amoureux.
Les personnages sont intéressent mais le problème c’est que le film ne décolle pas vraiment, on a l’impression de regarder un documentaire à partir de la moitié du film, sur l’histoire de
Theresa Chan, une femme au handicap peu commun. C’est sûr, le réalisateur part sur de bonne intention, et son objectif est louable, mais on s’ennuie tous de même, le jeu des acteurs n’étant pas exceptionnel même s’ils ressortent bien esthétiquement à l’écran. Je reste donc une peux sur ma faim, meme si de micro moment sont interecent mais sous-exploiter.
Un film ennuyeux sauvé par l'humanité de ces personnages.
Mon titre résume bien le souvenir général de ce film vu en salle à sa sortie. Ce n'est pas inintéressant mais ce n'est pas passionnant. Ca se laisse regarder mais ça ne se re-regarde pas. Voilà un film qui laisse indifférent malgré l'impression que le metteur à réussit à capter l'essence de l'humanité. Reste plus qu'à lui trouver un bon scénar...
Ennuyant
Ce film est mon premier film venant de Singapour. C'est donc avec une certaine curiosité que j'ai visionné ce "Be with me". Hélas je me suis plutôt ennuyé devant, trop de remue-méninges gratuits pour un film qui cherche à tout prix à être classé "d'auteur". Le contemplatif ici ne sert que la lassitude du spectateur.