Le ton décalé de Beyond Our Ken par rapport à ce que le cinéma hongkongais nous propose ces derniers temps est certainement le meilleur argument en faveur du film. Pang Ho-Cheung réussit le pari de livrer un film mélant à la fois douceur et amertume, et au goût unique. Grace à une entrée en matière très simple, il arrive à mettre en place ses personnages avec efficacité tout en leur gardant la part d'ombre nécessaire. Utilisant parfaitement la forme à l'appui de son propos, Pang Ho-Cheung livre une réalisation certes un peu appliquée mais terriblement bien construite. La plus belle scène est sans doute celle où Gillian Chung s'enfuit après la rupture, le rythme conféré par l'enchaînement des plans, l'angle des prises de vue, l'accompagnement musical, tout est là pour rendre le moment mémorale. Il y a pas mal d'autres bons moments dans le film comme la scène du supermarché qui est traitée de façon assez originale, d'autres sont moins heureuses comme la ballade en scooter.
Coté scénario, les multiples chassés croisés entre les deux histoires d'amour sont scénaristiquement bien maîtrisés. Un coté nteressant de l'histoire qui aurait pu être plus approfondi est le dévoilement de la personnalité de Ken au travers du regard des deux femmes qui l'aiment. Si le personnage de Daniel Wu reste un peu trop en retrait, les deux actrices se chargent avec talent de porter le film à elles deux, Gillian Chung confirmant le bien que l'on pouvait penser d'elle et Tao Hon, sous son faux air de Candy Lo, étonne par la solidité de son jeu. Si on ajoute à cela un final qui évite la facilité, il faut conclure à l'absolue nécessité de voir pour ne pas passer à coté d'un réalisateur de talent, qui sait ce qu'il veut et qui a des choses à dire, des conditions difficiles à réunir chez un réalisateur aujourd'hui.
Le film débute sur un gros boulet ; on y voit des séquences assez furtives montrant en gros un hommes ayany une double relations ; mais on nous déclare ensuite que l'une d'elle s'est finie un mois avant et que la deuxième a débuté dans ces eaux là ; puis a part maladroitement sur une histoire de vengeance de l'ex contre le mec. Heureusement, la suite devient bien plus intéressante ; une fois que l'ex a réussi à convaincre l'autre fille du mal commis par le mec, elle deviennent les meilleures amies du monde et vont s'entre-aider pour descendre le mec. Donc on finit par voir plein de vieux coups dans le dos et de saloperies en tout genre qui, pour moi contrairement à François, ai trouvé très amusant, comme le coup des clés, du supermarché, ou encore le final avec le mms. Aussi, le scénario est vraiment bien monté et les personnages sont plutôt attachants car relativement naturel (dire qu'ils sont parfaits aurait quand même été bien éxagéré) ; en tout cas, ça fait plaisir de voir Gillian Chung autre part que dans une comédie avec Charlene Choi, et elle s'en sort plutôt bien sans sa compère. Pour finir, la chute m'a fait très peur ; j'aurais personnellement préféré une chute plus simple ou après leurs histoires elles en restent là mais il a fallu une vieille explication à deux balles partiellement inutile mais qui finalement n'est pas si fouareuse que ça, et finit quand même sur un ton assez intéressant (même si certains passages sont douteux). Je n'ai pas envie de gâcher le plaisir des autres donc je vais juste dire que ça reste assez inattendu dans la chute mais j'aurais préféré la version attendue quand même ; enfin le film est quand même bien sympathique à regarder et donne une vision assez originale et pas assez souvent décrite au cinéma, qui passerait bien dans un coffret avec Closer.
En outre je tenais à faire une petite parenthèse sur un truc qui m'agace tendrement et passionément ces temps ci dans le ciné HK, c'est de voir les acteurs se parler dans une langue différente en se comprenant magnifiquement. En effet, ça parait un peu stupide de voir Tao Hon parler en mandarin tout le temps alors que tout le monde lui parle en cantonais (il n'y a que Gillian Chung qui parle un moment en mandarin avec les parents de Tao Hon pendant un moment) ; même si dans l'histoire on peut estimer qu'elle puisse comprendre le cantonais, je doute que tous les gens avec qui elle parle comprennent le mandarin ; enfin si seulement ce n'etait qu'un cas parmis d'autre. Voila, je ferme la parenthèse
Beyond our Ken est la drôle de surprise inégale et malsaine d’un auteur qui a clairement son mot à dire dans le paysage cinématographique Hongkongais contemporain. Par son concept narratif intéressant et ses idées de mise en scène roublardes mais maîtrisées, le film d’Edmond Pang arrive à susciter un certain intérêt dans sa démarche : l’évocation par les souvenirs et les histoires que se racontent les deux jeunes femmes, la suspicion via les nombreuses et amusantes séquences de filature, le jeu du chat et la souris donnant du rythme à l’ensemble ou encore les faux-semblants qui donneront du fil à retordre au cinéaste niveau narration en fin de métrage, lequel ne se gênera pas d’appuyer encore plus son twist final pour en pondre un autre par la suite tout aussi cohérent, réutilisant des images que le spectateur aura emmagasiné à sa manière tout au long du film. La force du film, donc, c’est de se jouer du spectateur tout en se jouant des propres protagonistes du film, en résulte un méli-mélo de situations biscornues où une ex-petite amie (Gillian Chung) d’un type selon elle peu recommandable tente de convaincre sa nouvelle conquête, Shirley (Tao Hong), qu’il n’est pas le type qu’elle croit, cette dernière lui confiant qu’il prend des photos de ses copines pour ensuite les diffuser sur un hébergeur de photos amateur pornographiques. L’ex-petite amie va alors tenter de prouver sa bonne foi en menant une enquête à plusieurs niveaux : faire un double des clés pendant qu’ils sont au cinéma, tenter d’accéder à sa chambre pour se remémorer des souvenirs et accéder à son ordinateur personnel, avec l’aide de sa nouvelle amie d’un jour. Evidemment ce ne sera pas de tout repos, et malgré quelques légers passages à vide, le film tient la barque niveau humour en traitant un sujet étrange (le film n'est en fait qu’un long moment de voyeurisme) avec un regard d’auteur –sous influences- qui montre que visuellement, Johnnie To et Wong Kar-Wai ne sont pas les seuls cinéastes hongkongais à proposer de belles choses sur le plan strictement visuel.
Filmé majoritairement caméra sur épaule, non sans quelques relents âpres rappelant le travail de Chris Doyle, Beyond our Ken jouit d’un excellent montage jouant habilement avec les retours en arrière assénés régulièrement tout au long du film, sans pour autant déstabiliser le fil conducteur : les deux nanas se racontent chacune ce qu’elles vivent –ou ont vécu- avec Ken pour tenter d’y voir plus clair sur cet homme. Edmond Pang maîtrise son sujet et l’interprétation juste des deux actrices (en particulier la sublime Tao Hong) contribue à rendre le récit particulièrement crédible. Le twist final n’en est que plus fort même si l’on peut crier à la facilité et au rentre-dedans lourdingue. Le twist, bien que correctement négocié, aura le don d’en exaspérer plus d’un, mais au moins Edmond Pang va jusqu’au bout des choses. Mais la faiblesse du film est à mettre à l’actif de quelques facilités question dialogues, dont une aberrante allusion à Ken et Barbie qu’on croirait sortie de la bouche d’une lectrice d’OK Podium. C’est aussi très prétentieux par moment, certaines séquences semblent être exécutées avec une trop grande sureté alors que le procédé est anecdotique, comme les coups répétés du hoquet par exemple. La séquence où l’ex-petite amie de Ken le regarde entrain de faire l’amour avec Shirley, tout en mangeant ce qui semble être une « relique » du passé relève aussi d’une certaine lourdeur symbolique. L’utilisation de la musique aurait pu être plus humble, les quelques envolées lyriques sans gros rapport avec les images n’ont pas autant d’impact que celles utilisées dans les bobines coréennes encore plus malsaines. Le film reste dans tous les cas un divertissement de très bonne qualité, bien écrit et captivant de bout en bout.
Annoncé comme une comédie noire, genre cher à son réalisateur, Beyond our Ken est finalement moins catégorisable que ça. Ce qui n'est pas une mauvaise chose en soi. On quitte clairement les comédies plus grand public pour s'approcher d'une réflexion assez pertinente et caustique sur les relations amoureuses. On y perd en amusement ce qu'on y gagne en fond.
Il est justement intéressant de voir l'influence assez néfaste de cette catégorisation sur un film comme celui-ci. Pang Ho Cheung avait déjà surpris deux fois avec ses deux premiers films, et lorsqu'on annonce son nouvel opus comme une comédie, on s'attend à rire franchement, de la même manière qu'avec les deux premiers. Sauf que le film se veut à nouveau différent, et drôle d'une autre manière, bien moins facile, bien moins outrancière. Pas de gros gags ici, ni de comique de situation, pas de parodie, l'humour est un peu plus dérangeant, vraiment noir car on hésite entre rire et s'appitoyer un peu sur les personnages. C'est peut-être la plus grande réussite du film, faire rire un peu jaune. Il est facile de comprendre sa demi-réussite commerciale une fois cet aspect intégré. Personne n'est blanc ni noir dans cette fausse comédie romantique, et le pire est bien que tout le monde le sait et s'en amuse beaucoup, et sans que jamais la narration ne juge ou ne fasse la morale. Beyond our Ken est donc bien plus adulte que les précédents films du réalisateur, il n'utilise pas d'astuce pour plaire au studio qui finance, et peut se concentrer sur son propos, même si celui-ci est moins distrayant qu'attendu.
D'un autre côté le film est plus soigné, la plupart des détails sont pensés. La fin est clairement la meilleure partie du film, même si elle se montre un peu trop "tendance" et fait qu'on pourrait mieux apprécier le film lors d'une seconde vision. Beyond our Ken est donc un peu rétroactif, ce qui est évidemment un peu rageant à la première vision. Mais comme expliqué précédemment, le film s'essaye pas vraiment de plaire au plus grand nombre non plus, il se construit pour son histoire, pas pour plaire au public avant tout. Passé le scénario, le reste du film se montre convainquant: l'interprétation est tout à fait correcte, avec une Tao Hon et un Daniel Wu à l'aise, ainsi qu'une Gillian Chung un peu en retrait, mais toujours plus capable que sa consoeur Charlene abonnée aux rôles de fofolles. Edmond Pang livre une réalisation plaisante, avec beaucoup de caméra à l'épaule comme souvent chez lui, le tout montée sur une musique moins plaisante que d'habitude avec ce réalisateur, mais néanmoins plus travaillée que la moyenne à HK. Le rythme du film est plus régulier que ses précédents opus, même s'il manque un peu d'allant parfois.
Au final il est probable que Beyond our Ken n'aura pas la même côte de sympathie que les précédents films d'Edmond Pang. Il est d'évidence moins distrayant, moins fun, moins délirant, moins plaisant. D'un autre côté il est plus dense, plus travaillé et surtout plus intègre. Auto-produit par Edmond Pang, il montre que ce réalisateur n'est pas décidé à seulement distraire, mais aussi à aller un peu plus loin que le simple divertissement.
Esthétiquement, le pari est plutôt réussi : une caméra vive et légère, un éclairage et des filtres de couleurs séduisants ou encore un montage énergique confèrent à l’ensemble un style léché dans lequel viennent s’intégrer harmonieusement 2 actrices au joli minois. Sur le fond, c’est nettement plus discutable. Cette amitié naissante entre ces 2 jeunes filles qui se sont connues grâce au même garçon surnage au beau milieu d’une intrigue décevante mêlant manipulations et jeux de dupes : le garçon est-il un véritable enfoiré qui collectionne les filles juste pour pouvoir uploader leurs photos sur le web ? L’amitié des 2 filles est-elle si sincère ? Tout cela tourne trop en rond et ne tient que grâce à son twist final. Surtout, Beyond our Ken est plombé par une prétention à toute épreuve de son auteur qui n’hésite pas à coller des dialogues pseudo-métaphoriques (cf. la théorie navrante de la raison pour laquelle Ken reste avec Barbie...), ainsi que des chœurs de l’église et des grands envolées lyriques de violon à tout bout de champ pour faire croire que les enjeux sont primordiaux alors qu’ils ne sont que très secondaires. Un petit film d’auteur de plus, au bout du compte.