Arno Ching-wan | 3.75 | Par l’hypothalamus d’Hippocrate ! |
Une légende de sirène est adaptée à la sauce Black Jack. Très subtilement, les auteurs s’en servent pour aborder les problèmes de pollution, le traitement de déchets divers et variés (amiante, radiations...) qu’une proximité avec la mer permet, en plus, de lier aux nappes de pétrole étalées sur une plage. L’espace d’un plan sur un rictus pitoyable, on nous montre le coupable, un simple « gestionnaire » assis derrière un bureau, un homme qui, par son emploi et ses obligations de résultat, aura choisi le profit plutôt qu’un traitement adéquat plus coûteux. On n’est pas là pour faire dans l’écologie ma bonne dame ! Peu importe, le mal est fait. Il va falloir réparer. D’autres s’en chargeront, évidemment puisque ce même « gestionnaire », une fois le mal identifié, entre dans une phase de déni de responsabilité, doublée d'une implication minimale dans le traitement des dommages collatéraux. Merveilleux. Black Jack intervient au sein de cette masse de malades et, pour mieux « paraboler » sur ce type de scandale, une sirène s'en mêle. Une jeune femme, atteinte d’une maladie des os aux genoux vend ses poissons contaminés à des gens qui ne les achètent que pour lui rendre service. Ils ne les mangent pas. Elle vit de ses poissons, et ne parle que d'eux. Et de la mer, qu'elle côtoie aux quotidien. L’œuvre est graphiquement superbe, quelquefois joliment érotique, l’humour décalé de la petite Pinoko y fait aussi des ravages et l’histoire nous est une nouvelle fois racontée avec un talent flagrant pour les narrations fluides, l'auteur éludant chaque difficulté avec une aisance confondante.
Dernier épisode oblige, allons-y pour une brève petite conclusion sur Black Jack et son univers(*). Hop. Il est riche, parfois trop, et multi-genre, parfois trop. Mais l’imagination y est débordante, certes foutraque et inégale (c’est du Tezuka), mais envahie de bonnes intentions perceptibles (c’est du Tezuka), ainsi que d’une absence de manichéisme bienvenue, même si parfois relative. Les réflexions y sont toujours humanistes et l’aspect froid, purement médical, est systématiquement lié à des études de mœurs ou autres situations psychologiquement torturées. Cela aboutit, par l’enchaînement des épisodes, à une sorte de sentiment sans doute proche de ce que ressent Black jack lui-même : une indifférence liée à l’expérience, auto-contrée par des principes d’humanité glorifiant forcément son âme. Et la notre. Black Jack est un homme, un vrai de vrai. Celui sachant apprécier ces OAV dans leur ensemble également, cela va sans dire.
(*) Conclusion reprise sur notre petit dossier consacré à Black Jack