Ecriture démoniaque
Je ne sais pas si ce sous-genre existe, si non je l'invente : ce Blade of the immortal est à ranger parmi les chambara dits "akuma". Cela veut dire "démon" et j'ai cru en remarquer un tas, dans les films, de héros si torturés qu'on peut les assimiler à ça : une âme damnée. Sword of Doom, Hitokiri etc. On ne rigole pas avec ce type de chambara, et l'acteur Takuya Kimura est pour moi une révélation en dingo post Nakadai tout à fait crédible.
Miike adapte un manga de plus, L'habitant de l'infini, de Hiroaki Samura (1994), déjà animé en 2008 par Koichi Mashimo, un vétéran à qui l'on doit les oav de Dominion Tank Police, Dirty Pair : Project Eden et autre The Weathering Continent. Miike, lui, fait le job, nous gratifie de beaux plans, de belles idées. Mais il reste Miike : action turbulente, narration chaotique, trop de dialogues répétitifs, absence de fond, film trop long... Il n'arrive pas à s'affranchir de la structure feuilletonesque et un brin puérile du manga, avec ces affrontements structurés selon une épreuve sportive : éliminatoires, quarts de finale, demi-finales, finale, générique de fin.
Miike foire le mélo du premier plan parce qu'il s'en cogne (un énième héros sauve une énième gamine), et l'on sent qu'il apprécie le vilain, ses ambitions et la puissance stupide du Shogunat, ce patron qui n'a d'autre logique que la sienne : « c'est moi l'chef et je fais c'que j'veux ». Absent, au-dessus de la mêlée, il domine, comme dans tant d'autres chambara.
Miike est un Yokai farceur déguisé en être humain. Il ne vit que pour l'instant présent et semble se moquer de tout, en permanence. C'est aussi fascinant que délétère. Ce récit, retravaillé, aurait pu donner lieu à un très bon film. En mettant hors champs ce combat-ci, en plaçant celui-ci à la fin plutôt qu'au milieu (je pense au fight entre les deux immortels, en l'état proche d'une castagne à la Bud Spencer / Terence Hill), en fusionnant plusieurs personnages en un seul, etc, bref, en pensant le scénario, un art qui semble se perdre dangereusement pour cause, sans doute, de temps et d'argent perdu (cf. le dernier Star Wars en date, symptomatique), on se retrouve avec des machins jetables dans lesquels on s'efforce de trouver de quoi se sustenter.