Xavier Chanoine | 3 | Un drame de bonne facture |
Au premier abord, The Elephant on the Bike a tout du film dramatique facile mettant en scène pour une énième fois une personne dotée d'une malformation dès la naissance. Premier film en tant que réalisateur, après avoir oeuvré sur le scénario de Interview, Kwon Yong-Guk dispose de peu d'éléments en sa faveur pour solliciter l'attention du public -tout du moins en dehors de la Corée, et malgré les belles petites qualités de sa première réalisation, The Elephant on the Bike ne bousculera pas la donne. Dong-Gyu est un jeune homme bossant dans un zoo, sa passion depuis tout jeune pour les éléphants l'ayant poussé à faire ses armes là-bas. Un beau jour, il rencontre une jeune maîtresse des écoles en sortie avec ses élèves lui demandant de prendre une photo de groupe, et malgré son handicap, la jeune femme ne semble pas choquée. Ils se rencontreront plus tard et une amitié naîtra sans pour autant être l'élément central du film. Effectivement on est bien loin des dramas de base à succès puisque ici, le cinéaste Kwon Yong-Guk évoque bien plus le mal-être des handicapés physiques et leur difficulté à évoluer dans une société qui ne s'en soucie guère plutôt que de se concentrer sur les problèmes relationnels amoureux du fait du handicap. Si certains films sur la malformation physique ou le compte à rebours contre la mort comme l'exceptionnel Lover's Concerto ou le ravissant ...ing tiraient énormément sur le larmoyant en renversant la vapeur humour/drame avec une facilité déconcertante, The Elephant on the Bike reste dépressif du début à la fin malgré ses flash-back adorables sur l'enfance de Dong-Gyu et son incapacité à "faire comme les autres". Incapable de monter à vélo, rapidement bagarreur lorsque l'on touche à la petite Eun-Jung et éduqué par un père stricte, son enfance n'a pas été de tout repos. Et par ces retours dans le temps, le film opte pour l'optimisme même s'il n'y arrive jamais. Il y a en premier lieu l'absence de rythme déchirant les rares moments de gaieté, la réalisation fadasse le rendant relativement terne, puis l'interprétation tendant vers le tirage de tronche en bonne et due forme, avec un tel cocktail de joyeuseté, difficile d'y esquisser quelconque sourire devant ce spectacle froid.
Malheureusement, l'on se demande encore comment va être vendu ce produit sur le marché, du fait de son effroyable affiche pas plus digne que la moyenne locale affichant un design horrible, absolument loin des propos voulus par le cinéaste. Où sont les symboles de l'éléphant parcourant en long et en large le film dans son ensemble? Où est donc le portrait de famille particulièrement fort portant le film vers des petits sommets du mélodrame classique, notamment dans le relation père-fils admirable prenant un véritable élan en fin de métrage (malgré sa tendance à tirer sur la corde sensible)? Non, à la place on nous sert une horrible facette caractéristique du film romantique moyen à la place d'un portrait familial digne de ce nom. Mais si le film n'est pas exempt de défaut, notamment dans son dernier tiers paradoxalement le plus intéressant malgré l'assénement de symboliques lourdes, comme celle du décès, du souvenir et de l'acharnement à rendre hommage au défunt (ou à la défunte), servis par un montage particulièrement linéaire, on ne peut que saluer les efforts du jeune cinéaste capable de démontrer que le drame coréen moderne peut, le temps de 90 minutes, éviter l'attelage de clichés larmoyants pour davantage progresser dans la critique sociale. Une réussite mineure, mais une réussite quand même.