Télé amour-réalité
Et si l’on pouvait espérer retrouver l’amour de sa vie (ou pas…) par un simple clique ? Peut-on imprimer de belles pages amoureuses sur disque dur et en faire un documentaire, à l’insu même des principaux concernés ? Voler l’image d’un jeune couple en crise pour en faire un petit évènement cinématographique « va assurément marcher » lance Gus Liem, producteur et scénariste du film qui y joue, à l’image de la plupart des protagonistes du film, son propre rôle.
L’introduction de Break Up Club est à ce stade intéressante puisqu’elle confond réalité et fiction, une opération rondement menée par une mise en scène et un sens du montage plutôt énergiques. Le tout se lie naturellement à la mise en place d’un documentaire mené par Barbara Wong et son équipe autour des ruptures. Bien qu’au départ Joe Chan s’amuse à filmer sa petite amie au réveil à l’aide de sa caméra DV (on se rappelle en 2008 des fuites sur le net d’images privées de plusieurs stars d’Hongkong), ces images toutes mimi ne vont durer qu’un an. S’en suit l’incontournable séance de rattrapage, qui là aussi n’est pas vouée à durer éternellement dans la mesure où Joe n’a aucune ambition particulière, notamment sur le plan professionnel. Il aime Flora, elle l’aime également, mais l’avenir est incertain, la jeune femme ayant besoin d’un homme capable d’assumer autre chose que de garder la maison. Mais ce que Joe ne sait pas, c’est qu’après avoir abandonné son souhait de dévoiler des images de sa vie personnelle à Barbara Wong, plusieurs caméras vont imprimer jour après jour les beaux et tristes moments de sa vie.
Sans toutefois questionner la manipulation d’un couple à leur insu pour les besoins d’un documentaire à tendance « reality show », Break Up Club est une agréable petite aventure amoureuse sous fond de mélodrame. Très souvent juste dans sa manière d’être, le naturel qui contamine le film dans à peu près toute sa longueur fait plaisir. Barbara Wong interroge l’importance de l’être en société, le rôle qu’il doit remplir au sein du couple, questionnant systématiquement l’avenir. Flora (une très juste Fiona Sit) pense régulièrement à celui de sa famille et semble ne pas pouvoir subvenir à leurs besoins avec un petit ami comme Joe. Son manque d’ambitions remet trop souvent en question l’avenir de son couple, surtout lorsque la belle Flora se rapproche de plus en plus de celui qu’elle doit assister, un artiste peintre japonais ambitieux, plutôt riche et beau gosse. Dilemme. C’est alors que l’élément crucial du film, la caméra DV, reprend le dessus. Elle est le vecteur du souvenir, celle qui pourrait le temps d’une poignée de vidéos raviver la flamme d’un couple qui se cherche constamment. Elle permet également au film de trouver un joli petit rythme de mélodrame rempli de larmes et de gros chagrins, ça, c’est pour sa dernière demi-heure qui brisera le cœur des plus cotons d’entre nous. Dommage que les situations tristounettes manquent de force (furieux, Joe se blesse à la jambe en voulant cogner le japonais, gros ralenti sur sa copine en panique, gros chagrin, tout ça), mais la solitude qui émane de ces êtres perdus est plutôt touchant au final. Et lorsque Joe Chan n’en fait pas des tonnes, il est très juste, tout comme son acolyte Sunny, geekos joué par un Patrick Tang en totale roue libre, donc génial.
Avec un twist final plutôt bien négocié et ce qu’il faut de retours dans le temps pour expliquer le pourquoi du comment, Break Up Club assume ce qu’il est et ce qu’il développe : une logique d’observation permanente, le côté voyeuriste de la chose étant renforcé par la mise en scène de Barbara Wong usant souvent des prises de vue très lointaines, de cadrages plutôt amateurs sans être toutefois hasardeux. En résulte alors une mise en abime de l’image intéressante, mais Break Up Club ne cherche pas à s’éloigner des sentiers battus de la comédie romantique bien ancrée dans l’air du temps, et il faut bien quelques scènes hilarantes (impliquant la plupart du temps Patrick Tang) pour rattraper quelques vilains tics pleurnichards. Reste qu’il émeut puisqu’il ne déçoit, de caméras en caméras, Barbara Wong convainc.