Astec | 4.75 | Le pont de la rivière xia |
Ordell Robbie | 4 | Avalanche de citations et énergie passée du wu xia. |
Avec ce court wu xia crépusculaire inspiré de King Hu (le pont remplaçant l'auberge dans le dispositif), en noir & blanc, animé en stop motion, sans paroles et projeté à Annecy en 2019, Liu Di signe très certainement le meilleur film wu xia de ces dernières années.
L'animation image par image est une technique familière à la Chine, avec une histoire remontant aux années 40 tandis que le premier long métrage - Le pinceaux magique - date de 1954. Bridge s'inscrit donc dans cette filiation, actualisant la technique à l'aide des outils modernes et allant puiser son inspiration aussi bien dans les vieux classiques de la stop motion que ceux du cinéma japonais et HK. Le résultat est un récit visuellement captivant de bout en bout, à l'intrigue minimaliste, confrontant l'esprit à la chair, l'idéal à la brutale réalité. Un récit de survie, sur tous les plans.
Si le court pose la question de l'esprit chevaleresque (le "xia") plutôt que de mettre l'accent sur des prouesses martiales impossibles (le "wu"), il n'en reste pas moins un récit d'action, du début à la fin : une haletante course poursuite dans la forêt dans la première moitié, un long et âpre combat à 3 sur le pont dans la seconde moitié. L'action, très réaliste, très "médiévale", bénéficie d'une chorégraphie soignée et bien au-dessus de ce que propose la grande majorité de la production chinoise récente (hors animation). Et ça tranche, et ça coupe, et ça souffre, et on le ressent, on le voit sur les visages éminemment expressifs des marionnettes, une des grandes réussites de Liu Di qui ne se prive pas de les montrer en multipliant les plans rapprochés. Un travail laborieux pour un résultat organique (c'est du "vrai", tourné sur un plateau) à raison de 3 à 6 secondes d'animation par jour pour un tournage en 12 images seconde en moyenne et qui monte à 24 images seconde dans les scènes de combat intenses : "Quelle que soit la simplicité ou la complexité de l'action, et le degré de puissance qu'elle reflète, elle ne peut être qu'ajustée manuellement, petit à petit. L'animation stop-motion n'a pas les images clés de l'animation 3D, et elle repose uniquement sur l'expérience de l'animateur." (Liu Di)
Un petit film qui devient meilleur à chaque visionnage.
Et maintenant j'attends une version 4K (je l'ai demandé) de ce Bridge, et la web série du même réalisateur, Lantern Blade (wuxia et horreur cosmique, toujours en stop mo) dont le visionnage du pilote de 6mn sur mon gros écran m'a confirmé tout le bien qu'il y avait à en attendre. J'ai deux Tsui Hark en ce moment en animation : un qui fait dans la 2D et l'autre en stop mo.
Pour voir le court en HD (visible sur le YT de Niceboat Animation).
Note : j'ai eu confirmation par le studio Niceboat (producteur) que Bridge va devenir une petite série avec d'autres épisodes à l'avenir (probablement le projet suivant Lantern Blade) !