Pas Médusé...
Une petite précision d'abord: la version dans laquelle nous avons visionné le film est d'au moins vingt minutes supérieure à celle montrée au Festival de Cannes. Vu les défauts déjà présents dans cette version, il devient facile de comprendre pourquoi la projection cannoise d'un film dont l'auteur très culte auprès de la critique française et très prisé des amateurs de cinéma asiatique était attendu au tournant suite à la réussite de Kaïro a exaspéré pas mal de festivaliers.
En l'état, le film souffre déjà d'un problème de montage provenant des intentions du cinéaste. Certes, l'ellipse fait partie des éléments caractéristiques d'un certain versant du cinéma japonais, celui de Kitano par exemple. Mais son usage dans le film vire à la caricature d'un certain cinéma japonais pour festival. A ceux qui me répondront par "l'ellipse narrative caractéristique de tout un pan du cinéma japonais" et "la force de ce choix de montage notamment chez Kitano", je réponds: que penser d'un film comme Bright Future qui pousse l'ellipse tellement loin dans le récit qu'il oblige le spectateur à faire tout le travail de réflexion et de reconstitution du récit, qui met tellement de choses dans le hors champ que ce qui est montré à l'écran finit par ressembler à une coquille vide ? On devine bien sur par moments le "message" du cinéaste grace à certaines métaphores kurosawaiennes habituelles à la légèreté d'un tank: le jeu d'arcades dont le but est de tirer sur des canettes symboles de la société de consommation, les split screens concernant l'avant d'une voiture pour symboliser les difficultés de communication entre les générations (reservis plusieurs fois avec un des deux personnages dans la voiture, un seul dedans, les deux dehors, les deux dedans comme si on n'avait pas compris...), "l'assault" des gamins à masques clignotants et T Shirts de Che Guevara, SPOILER la fin avec les memes gamins donnant des coups de pieds dans des cartons d'emballage tandis qu'un salaryman va au boulot FIN DU SPOILER, la méduse lumineuse incarnant les lendemains qui chantent du titre.
Après coup, en me repassant le film dans ma tête -et en "reconstruisant" le récit-, je me suis rendu compte que Kurosawa ne faisait au final que redire dans le film des choses déjà présentes dans ses autres films: le rapport aux morts et les dangers de la technologie (Kaïro), la question des liens entre les générations (License To Live) et l'idée afférente d'un Japon amnésique de son passé (Cure). Comme si la suppression du caractère habituellement très rectiligne et très peu elliptique de la narration chez le cinéaste donnait une impression de dispersion là où il n'y a que surplace thématique. Cela masque en outre un défaut récurrent chez le cinéaste et toujours présent ici: à l'instar de Lars Von Trier, Kurosawa ne filme pas des personnages mais des individus qui ne sont que des concepts philosophiques, des pantins d'une démonstration là où chez d'autres cinéastes "conceptuels" (Kubrick, Cronenberg) on a de vrais personnages. Passons alors au point un peu nébuleux, la nature du futur du Japon selon Kurosawa: si l'on se réfère aux interviews du cinéaste, le futur radieux du titre se situe non au niveau du monde et d'une nation mais au niveau de l'individu. Bref rien de bien nouveau là encore par rapport aux précédents films du cinéaste.
Il est donc question de crise du modèle capitaliste japonais, de difficulté de communiquer entre les générations ou entre jeunes -la méduse étant aussi une forme d'héritage d'espoir légué à une personne du meme age-, de dénonciation de la condition ouvrière. Mais en mettant dans le hors champ la violence réelle du travail à l'usine, Kurosawa fait perdre au film un vrai fil conducteur narratif, une forme de liant entre les scènes qui permettrait de croire à ce que l'on voit. Du coup, le film donne une impression de scènes s'enchainant sans but réel, partant dans tous les sens, d'une compilation incohérente des thèmes favoris du cinéaste. Quant aux apparitions fantomatiques d'Asano Tadanobu, elles ont loin d'avoir la force d'un Kairo. Passons maintenant à la forme: là, on a l'impression du désir de Kurosawa de renouveler sa mise en scène par l'usage de la haute définition. La forme du film est du coup plus variée que d'habitude chez le cinéaste: instants de virtuosité classique, usage parfois léger et parfois écoeurant d'épate Dogma du filmage caméra à l'épaule, moments distants et contemplatifs plus attendus, cadrages penchés. Qui plus est, la style de l'image varie entre superbe haute définition, style caméra digitale, image plus granuleuse suivant les scènes. Sauf que cette variété n'aboutit jamais à un style visuel cohérent et à un vrai projet de mise en scène. Prises individuellement, les scènes ne sont pas mal fimées dans l'ensemble mais c'est l'assemblage qui crée l'impression de désordre sans nom. Niveau direction d'acteurs, Odagiri Joe est potable et Asano Tadanobu décevant dans le style "somnambule" habituel chez le cinéaste. Le seul qui détonne, c'est Fuji Tatsuya à la palette de jeu bien plus variée, celle d'un acteur assez charismatique et talentueux pour ne pas se faire éclabousser par la médiocrité du projet et qui ballade dans chaque plan sa classe pure. Certes, les dialogues du film sont moins prétentieux qu'à l'habitude chez Kurosawa mais rayon Kurosawa sans philosophie de comptoir son précédent film fonctionnait mieux. Sans parler d'un score complètement insignifiant...
Un peu à l'image d'un Charisma, il s'agit d'un Kurosawa atypique se voulant hors de ses habituels films de genre. Entre liberté narrative et film décousu, la frontière ténue a été franchie ici par le cinéaste, ce qui pourrait refroidir bien des enthousiasmes inconsidérés le concernant: son statut ultrausurpé de "Nouveau Kitano" alors qu'il est loin d'avoir autant d'oeuvres un minimum marquantes à son actif par exemple. En interview, il a déclaré cette année "Je préfère réaliser dix films moyens plutôt qu'un seul très bon.": on ne pourra pas lui reprocher de manquer de lucidité...
Relents nauséabonds
La jeunesse est le temps du rejet du système, d'une nouvelle ambition pour la société, d'une démarcation avec les générations précédentes permettant d'exister, nous dit K. Kurosawa.
Fort bien.
Mais que cette jeunesse rebelle soit représentée à l'écran par les branleurs qu'il a choisi de mettre en scène, de la vermine nihiliste qui assassine une famille uniquement parce que le père est un petit patron pourtant loin d'être un exploiteur kapitaliste, qui cambriole une entreprise de nuit, qui crache à la gueule de la société en rêvant du Grand soir et en fanfaronnant dans la rue affublé d'un Tee-Shirt du Che, c'est grotesque. Et que ces types soient finalement décrits avec une certaine tendresse, une certaine nostalgie, un certain relativisme qui ferait presque passer le personnage d'Asano pour le nouveau Jésus, transmettant à ses ouailles un message subliminal matérialisé par une méduse rouge qui envahit bientôt les canaux de Tokyo pour se répandre sur le monde, ce serait risible si ça n'était pas aussi consternant.
Une bonne chronique sociale
On était habitués avec Kyoshi Kurosawa à des thrillers etouffants ou alors à des films fantastiques. Avec
Jellyfish, il nous montre un autre visage, celui de chroniqueur social d'un Japon loin des clichés que nous sommes habitués à recevoir de notre bonne vieille Europe. En effet, il nous dépeint la vie de jeunes gens au quotidien morose, avec un boulot à la gomme pas vraiment en phase avec l'image de salaryman à l'avenir assuré. Lorsque l'un d'entre eux fait une bétise pour changer de vie, il demande à son pote de s'occuper de sa méduse pendant son incarcération. Tout le film tourne autour de ce thème, prendre soin de la méduse. Pourtant, à travers elle, Kurosawa nous parle aussi des conflits de genération et de la quète d'identité que de nombreux jeunes Japonais semblent connaitre.
Kurosawa nous dépeint un Tokyo crade et loin de l'oppulence qui caractérise cette ville. Ce sont des entrepots rouillés et des cabanes de planches qui servent de décor. Au niveau de la réalisation, on reconnait bien son style, la caméra ne bouge pas beaucoup, l'homonyme d'Akira préférant jouer sur les effets graphiques et les cadrages mystérieux pour renforcer l'atmosphère glauque de certaines scènes.
Jellyfish est une agréable surprise, qui ravira sans doute les fans de Kurosawa ouverts d'esprit, même si certaines longueurs gâchent un peu l'ensemble.
Un peu décevant malgré l'ambiance bien ficelée...
En effet cela vient peut-être du fait que je n'ai pas compris le message "caché" ou non dans ce scénario mais le film m'apparaît un peu longuet et brouillon sur certains points. L'histoire n'est pas vraiment prenante, du coup on attend jusqu'à la fin du film que quelque chose se passe, mais rien. Si, tout de même, à la fin, l'image des 7 jeunes en chemise blanche avec le ché accompagnée de la musique du générique est bien sympa :)
Bref je ne conseillerais pas ce film, mais bon comme tout avis est personnel, je préfère vous laisser choisir.
Passé recomposé
Kurosawa on connaît. Il est devenu en quelques années une petite star du jeune cinéma japonais, et (peut-être un peu trop rapidement) on l'a rapidement mis au pilori des cinéastes à suivre. Tellement vite que le jeune homme (pas si jeune que ça) s'est retrouvé à Cannes, la plaque tournante des auteurs, cette orgie de sensibilités où l'on ne parle plus tellement de cinéma, mais surtout d'individus.
Pourtant Kurosawa on l'aimait bien. On avait vraiment eu les jetons avec Cure, cette petite merveille de série B entre peur et polar, sur fond d'amnésie collective comme métaphore d'un Japon qui oubli son histoire. On avait même été plutôt client de l'absurdité de Charisma, ou encore des fantômes de Kaïro, quoique à y réfléchir à deux fois, c'est bien là que les choses ont commencés à se guater. Depuis Kaïro, Kurosawa à commencé à mettre de coté les tenants de son histoire et d'un genre, au profit de la métaphore filé à coup d'ellipse sur la névrose galopante qui gagne le Japon. Avec Kaïro, on commence déjà à sentir que le concept gagne du terrain, qu'il n'est plus question que d'émettre un point de vue critique. En gros, qu'il s'agit de faire réfléchir le spectateur, et donc de filmer en mode théorie pratique de l'auteur international de festival.
Bright Future ce n'est plus que ça. Chaque scène, dans son caractère élliptique, dans ses creux, ses silences, ses relations entre les personnages, ne cherche que de la métaphore. Que du sens. Un trop plein de sens au détriment d'une histoire, au détriment des personnages, au détriment de quelque chose à filmer.
Mais si seulement était là son seul mal être à Bright Future. Si seulement la lourdeur pesante et naîve des métaphores déjà dites et redites ailleurs, dans ses films précédents, n'étaient que notre seul et unique beau souci. C'est que Kurosawa, visiblement obséder par son nouveau statut en or d'ôteur International, ne cherche même plus à travailler ses plans, sa mise en scène en la scupltant à coup de sensations pures et troublantes comme nous en trouvions encore des traces dans Kaïro. Même plus un film de genre où se lit en pointillés des préoccupations, un film à thèse, un point c'est tout. De la théorie dont il découle un ennuie profond et lent, où l'on a du mal à s'intéresser à cette obscure histoire de méduse, à ce conflit de génération pourtant bien palpable, aux questions que peut poser le système capitaliste Japonais face à cette obsession d'une société basé sur la collectivité. Tout ceci étant démontré avec tant de lourdeur que la sensation d'être pris pour un imbécile titille rapidement jusqu'à l'agacement.
Film plat, morne et austère, alors qu'il se voudrait une sorte de parabole audacieuse d'une certaine modernité, Bright Future n'est que la répétition thématique outrancière à grand renfort de métaphores laborieuses d'un cinéaste qui croit qu'il dort déjà dans la cour des grands.
Pour rendre heureux
Avec un travail d'écriture et de mise en scène aussi déroutant qu'indéniablement brillant, Kurosawa déforme ses acquis formels (le surcadrage de Kaïro, etc.) et thématiques (le random murder de Cure, le pessimisme jeuniste de License to Live, etc.) pour amener son film vers une esthétique inédite de fond et de forme. Le tout pour se diriger vers la clarté et le bonheur, vers un plan-séquence final grandiose comme résurgence d'un avenir lumineux envisageable que le Japon se cachait depuis trop longtemps. Un grand film, très exigeant mais grand.
12 octobre 2003
par
hendy
sympathique
sans etre un film capital, JELLYFISH est plutot agreable a voir malgré ses vides scénaristiques et son côté branchouille formaté festivals intellos occidentaux.
bons acteurs, esthétique vraiment réussie ( ce n'est generalement pas le point fort de Kurosawa si tant est qu'il en ait), montage intéressant bien que trop elliptique, bon niveau dramatique et meme un peu d'humour. enfin tout ce qu'il faut pour faire oublier les défauts du films.
tous les films passés de kurosawa sont un peu comme ca, c'est a dire que ca pédale souvent dans le vide (charisma ?!??!!) mais celui ci m'a moins décu que les autres et j'ai finalement passé un bon moment
ps: avec le recul je revoit ma note à la hausse (3 à la base) car c'est le meilleur KUROSAWA pour moi. ambiance vraiment intéressante et tendue
Le rateau de la méduse
Pamphlet pseudo-intellectuel et faussement philosophique, KUROSAWA pense réaliser son propre "Orange Mécanique" en dépeignant une nouvelle fois une jeunesse japonaise sans repères, à la rage contenue et sur le point d'exploser.
Décriant l'actuel système capitaliste ayant accouché de la génération X ultra-violente, le réalisateur cherche plus ou moins à justifier leur déviance. Sans espoirs, travaillant tels des automates au travail à la chaîne, installant le mobilier de la fille pourrie-gâtée d'un patron prolétaire, ils complotent à l'ombre pour bombarder le système par le bas. Telle le lourd symbole de la méduse mortelle s'acclimatant à un autre environnement, KUROSAWA signifie donc une jeunesse meurtrière, s'acclimatant pour mieux se fendre dans la société. Soit cela peut donner des hommes capables de tuer (de par leur venin / leur rage) - ce qui peut également symboliser les terroristes dans un climat politique actuel - soit ils arrivent à canaliser leur énergie, suivent le courant pour retrouver la mer / la liberté. Les deux option sont incarnés par l'héros principal, qui veut d'abord tuer son patron, puis se joint à un gang de jeunes (destin parallèle au sort de sa méduse) pour répandre son mal, puis retrouve la voie de la raison en acceptant sa propre condition et un boulot certes ingrat, mais ô combien plus valorisant que de croupir en prison. Soit une débile réflexion anarcho-populiste, où l'homme serait encore enchaîné au travail à la chaîne, supervisé par un patron Jean Valjean-esque prolétaire et que la vraie vie serait de revenir à un petit boulot indépendant certes difficile. Soit le portrait d'une jeunesse dépassé de plusieurs décennies et en total décalage avec leurs aspirations actuelles.
Brûlot réactionnaire puérile, KUROSAWA sera bien seul à mener sa petite révolution; en attendant de le retrouver en meilleure forme sur de sujets autrement plus fantaisistes.