Avec Café Lumière, Hou Hsiao Hsien abandonne la splendeur stylisée de Millenium Mambo pour ce qui serait en apparence un film du retour à sa première manière plus modeste, plus naturaliste. Rendre hommage à Ozu, c'est ici en partie retourner en arrière pour le cinéaste, tourner le dos à ses fresques des années 90 en forme de bilan du passé de sa nation comme à sa volonté de se plonger dans le Taïwan urbain contemporain de ses derniers films. Le sol japonais aurait alors entraîné un espèce de repli sur les bases, comme si HHH cinéaste naturaliste faisait un premier film, mais un premier film où il poserait son regard sur le Japon contemporain. Point ici de cliché de carte postale comme chez Sofia Coppola mais un film qui rend compte en utilisant l'héritage formel ozuien réapproprié par le cinéaste et avec une certaine douceur d'un pays où les valeurs traditionnelles n'ont plus totalement de sens pour sa jeunesse. En ce sens, ce constat d'éclatement n'est pas si éloigné de celui d'un Millenium Mambo.
Certes, on a cette impression attendue de déjà vu chez Ozu que ce soit d'un point de vue formel, de situations comme de décors. Mais derrière ce vernis de calme on trouve deux êtres qui ont peur de s'avouer leurs sentiments, une famille recomposée. Mais aussi une jeune femme enceinte d'un Taïwanais qui va devoir choisir entre élever son futur bébé avec celui qui l'a mise enceinte et revendiquer son indépendance. La cellule familiale chère à Ozu est toujours là mais elle n'est plus cette zone immuable qu'elle était chez le Japonais, elle est en changement perpétuel. Quant à la mise en scène, même si elle allie lenteur et travail hypnotique sur le son habituels au cinéaste, elle évite souvent les fameux plans à hauteur de tatami chers à Ozu et a surtout une grande singularité: les cadrages n'y ont pas la plupart du temps le côté très distant, nostalgique des HHH naturalistes mais sont relativement plus près des acteurs. Comme autre changement discret, on trouve l'emploi de la focale dans certains arrière-plans.
Mais malgré cette réappropriation réussie, le film ne décollerait jamais s'il se limitait à reprendre les figures imposées du cinéma d'Ozu en les modifiant légèrement. C'est ce point-là qui fait que malgré toutes ses qualités l'ennui commence à pointer progressivement le bout de son nez durant la première demi-heure. C'est justement lorsque un peu de modernité visible apparaît dans ce décor à l'apparence ozuienne trop parfaite que le film trouve un peu de second souffle: SPOILERS un ordinateur portable où Hajime a fait un dessin inspiré du motif ferroviaire et de la grossesse de Yoko. Ou encore par exemple lorsque deux wagons où chacun d'eux se trouve se croisent sans que les deux protagonistes se voient. C'est quand après avoir posé longuement son intrigue le film passe à l'action qu'il fascine un peu. Volonté de créer du lien entre Tokyo et Taïwan au travers de la femme japonaise du compositeur taïwanais favori d'Hajime. Enregistrement par Hajime des sons de trains montré en action. Et puis ce beau plan final où le cliché visuel ozuien du plan de train entre en collision avec un morceau pop nippon. FIN SPOILERS Reste que cela ne fait malgré tout pas du film un HHH majeur car si la direction d'acteurs est de bon niveau, le cinéaste n'a pas réussi cette fois à tirer de ses acteurs les prestations extraordinaires qui faisaient le prix de ses chefs d'oeuvre passés.
Au vu du niveau global de la sélection officielle, Café Lumière ne méritait pas son recalage cannois. Mais reste que s'il représente un projet de cinéma intéréssant les limites mentionnées plus haut en font un HHH mineur.
Ce doux film d'Hou Hsiao-Hsien n'a d'hommage à Ozu que ses quelques thématiques abordées avec un regard suffisamment distancié pour ne pas faire du copycat -couleur- de ce que l'on a pu voir chez le grand cinéaste nippon. Humainement, le film tient la distance avec les histoires de moeurs abordées chez Ozu, avec la question du mariage qui reste d'une importance fondamentale dans la société japonaise, bien que se perdant depuis quelques temps, au même titre que de faire des enfants. Trop cher, et ne convient pas au rythme actuel. L'attitude du père de Yoko, c'est à dire son incapacité à communiquer avec sa fille d'un sujet tabou (un gosse d'un inconnu, un mariage qui n'est pas à l'ordre du jour...) est une des constantes que l'on trouvait chez Ozu. Le fait que personne ne se dit les choses en face est synonyme d'une société en repli sur elle même, logique lorsque l'on voit le Tokyo filmé par Hou Hsiao-Hsien, véritable microcosme d'une société qui évolue et qui laisse derrière elle toutes les valeurs et traditions ancestrales plus vraiment à la mode : Yoko part à Taïwan, fait un gosse à son petit ami de là-bas, revient au pays bien décidée à élever le gamin seule. C'est comme ça que ça marche, et puis si elle veut vivre en Thaïlande, qui l'en empêchera? Son père? Non, incapable de prononcer le moindre mot sur un sujet qui fâche. Sa belle-mère? Non plus, plus occupée à prendre soin de sa fille et à vouloir son bonheur plutôt que d'aborder, là aussi, quelque chose qui pourrait nuire à son futur. On se tait, on mange, on discute de tout et de rien qui ne soit pas en rapport avec les problèmes familiaux.
On discute de tout et de rien? Oui, comme le font souvent les personnages chez Ozu, lequel s'en moquera même avec Bonjour où les gosses, même jeunes, comprennent déjà tout le tralala de façade opéré par les bonnes gens en costard. Hou Hsiao-Hsien évite d'ailleurs de tomber dans le cliché de la peinture du Tokyo contemporain, en filmant simplement certains coins de rue ou passages de trains qui évoquent la vitalité du pays. La relation qu'entretiennent Yoko et Hajime est aussi à l'image de celle de Yoko et son papa : on évite de dire trop de choses qui peuvent brusquer, on fait comme si de rien n'était, on s'écoute parler et l'on s'intéresse à autrui sans pour autant extérioriser l'émotion, à peine les deux tourtereaux s'amuseront à commenter un dessin réalisé par Hajime sur ordinateur. Café lumière est une chronique comme Ozu aurait pu faire, à défaut qu'ici l'absence d'humour fait assez tache, le film gardant son statut de film d'auteur terne et très lent. La forte présence des trains, le bruit des passages à niveau, caractéristiques du Japon et de l'oeuvre d'Ozu sont ici évoqués avec le recul d'un cinéaste de Taiwan qui ne veut surtout pas verser dans la caricature facile : à l'image de ses personnages, la mise en scène d'Hou Hsiao-Hsien sait se faire discrète, pudique, presque spectrale.
Œuvre commanditée pour payer tribut au centième anniversaire du réalisateur japonais Ozu, "Café Lumière" a au moins pour mérite de ne pas s'emparer des "clichés" trop appuyés du cinéaste défunt. Plans au ras du tatami ou abrupts inserts de plans fixes restent donc discrets; au lieu de cela Hou aborde doucement le conflit intergénérationnel (mais ne le met pas au premier plan), esquisse avec beaucoup de bonheur la vie quotidienne (japonaise) et célèbre…les trains. Souvent présents dans les films de Ozu, Hou semble vouer une véritable fascination pour ce moyen de transport, démultipliant les scènes à l'intérieur, comme à l'extérieur des trains et gares ou se servant d'un point d'intersection magnifique comme métaphore des histoires entrecroisées des différents personnages.
Malheureusement, la relation platonique entre la petite Yoko et le libraire Hajime n'a pas réussi à me toucher, ni le regard posé de Hou sur la société japonaise étrangère n'a su m'envoûter. "Café Lumière" se transforme alors en long exercice de style appliqué et vain sans rien pour s'accrocher…
HHH a apparemment voulu faire se faire son film "japonais". Les acteurs nippons sont donc là, et non des moindres (ASANO Tadanobu), les décors et le lieu aussi (JR dans Tokyo), mais hélas il a manqué un scénario digne de ce nom. HHH nous avait déjà habitué à des histoires légères et des films d'ambiance, mais là il a dépassé le seuil : c'est le film vide.
Ah oui j'oubliais -> aucun rapport avec les films d'OZU (vaine tentative).
Hou Hsiao-Hsien réalise avec ce CAFE LUMIERE une oeuvre attachante et qui se démarque d'un simple travail de commande.On sait que ce projet lui a été demandé pour célébrer le centenaire de YASUJIRO OZU.On pouvait craindre un exercice de style stérile,un "à la manière de" sinistre.Surtout que le réalisateur taiwanais,chouchou des festivals internationaux,pratique un cinéma à haut risque pour le spectateur, à savoir des productions facilement hermétiques et ennuyeuses servies dans un écrin flamboyant.
Si la manière d'OZU est présente avec ces fameux cadrages au ras du sol ,cette façon de prendre son temps pour filmer,elle n'est jamais envahissante,il s'agit bien d'un film personnel de HHH,ou c'est plus la sensibilité,la façon de voir le monde, qui rapproche les deux cinéastes que la forme pure.
CAFE LUMIERE est une histoire simple,la chronique du quotidien pour une jeune femme émancipée, la description de ses rapports avec ses parents plus proches des traditions,et avec son ami libraire.En filigrane,on perçoit les doutes sur les choix à venir concernant sa future maternité.
Un sujet qui aurait parfaitement convenu à OZU lui-même,puisque la cellule familiale est au centre du film.Mais celle-ci a beaucoup évolué depuis la disparition du cinéaste...et le Japon aussi,qui pourrait être l'autre thème principal du projet,et vu par la caméra d'un étranger cette fois.
A part que HHH joue intelligemment le jeu,et filme le Japon du quotidien,loin des clichés pour touristes.Que ce soit le paysage urbain ou celui plus bucolique de la campagne,rarement images auront eu un tel accent de vérité.
Et il sait utiliser à merveille la photogénie du rail et des trains,fil rouge de ce film,le tout conférant une douce mélancolie aux déambulations de l'héroine et de son étrange partenaire qui enregistre justement des "bruits de train".
Ce personnage est interprété par le trés charismatique TADANOBU ASANO,alors que la chanteuse YO HITOTO est parfaite pour son premier grand rôle au cinéma.
Peut-être HHH retrouve-t-il un peu de sa fraîcheur en délaissant les projets plus lourds,pour se concentrer sur cette histoire d'une limpidité et d'une fluidité totale,qui nous entraîne à la suite des deux protagonistes,sans jamais nous ennuyer en adoptant un ton léger et assez détaché.
Balade contemplative et poétique doublée d'un joli portrait de femme et d'une vision aiguisée des rapports humains dans nos sociétés modernes,CAFE LUMIERE est tout cela à la fois,et longtemps aprés le mot fin,nous garderons en mémoire ces belles images nées paradoxalement de la banalité du quotidien,mais magnifiées par la caméra inspirée de Hou Hsiao-Hsien.
"Café lumière" le dernier cru du grand Hou Hsiao Hsien, j' attendais avec impatience la sortie de son nouveau film étant donné que j'avais été conquit par l'envoutant et hypnotique "millennium mambo" et par les effluves langoureuses "des fleurs de shanghai" . Malheureusement cet hommage à Ozu ne pas convaincu, l'histoire est plutôt banale et m'a fortement assomée ; et j'ai quitté la salle, au clap de fin, épuisé .