Entre tradition et modernité, la vie de 2 strip-teaseuses dans le Japon des années 50, et en couleurs svp !
Ce film restera dans les annales, car c'est en effet le premier film japonais en couleurs, datant de 1951. Cela n'implique évidemment pas que ce soit un grand film. D'ailleurs, ça n'en est pas un. Mais qu'importe ! L'épopée tragi-comique de ces 2 gourdes stripteaseuses qui retournent dans leur village natal est bien senti et se regarde sans déplaisir. Comme des étrangères, elles vont être confrontées à l'intolérance et aux idées reçues de certains campagnards très à cheval sur la morale. Mais par naïveté, ou par provocation involontaire, elles décident de présenter leur spectacle aux villageois. Le charme désuet du comique de situation et d'une Takamine Hideko qu'on ne connaissait pas sous cet angle-là sont bien sûr irrésistibles...
Occasion par ailleurs pour Kinoshita d'opposer de façon intéressante les 2 visages du Japon, à savoir tradition et modernité, mais pas seulement : au lendemain de la fin de la Guerre, il souligne l'influence de la civilisation occidentale et soutient en filigrane une réconciliation nationale pour la construction d'un nouveau Japon. Et rien de tel que le rire pour dédramatiser le changement !
Très dispensable
Si cette Carmen ne marque pas, c'est tout simplement parce qu'elle n'évolue pas où il faut et sous la direction d'un cinéaste alors en grand manque d'inspiration. Kinoshita ne fait pas preuve ici d'une grande originalité dans la peinture de ces deux idiotes passant leur temps à chanter des
Love Songs, gambadant dans la prairie et jouant sur leur image pour épater les paysans visiblement en manque de sensations "folles". Elles ne sont ni charismatiques ni attachantes, et paraissent même pénibles à côté de ces paysans modestes faisant tout en leur possible pour perdurer dans cette région rurale sous l'imposant Mont Asama. On y trouve un directeur d'école (en la présence de Ryu Chishu) qui joue aussi le rôle de "maire", un pianiste aveugle reconnu pour ses compositions de qualité créant sans cesse l'évènement, un chef d'orchestre qui ne se contrôle plus lorsqu'il travaille et des femmes travaillant au champs. On s'attache relativement vite à toute cette joyeuse populace et il le fallait bien puisque l'ensemble relève de l'académisme digne d'un mauvais film populaire très grand public et tout y passe : chansons d'enfants criardes ventant leur beau pays, couleurs saturées, mise en scène banale et parfois imprécise (dont un travelling d'intérieur bien instable) et bêtise des deux héroïnes plutôt détestables.
Qu'elle semble loin la Carmen résignée de Mizoguchi dans L'amour de l'actrice Sumako, qu'elle semble inatteignable la Carmen intenable de Suzuki dans Carmen de Kawachi, tout ici respire le travail trop propre, trop académique, Kinoshita ne prenant aucun risque dans la structure de son film : Carmen et son amie arrivent de Tokyo, campent deux jours à tout casser dans la campagne, font une représentation musicale le temps d'une soirée et repartent le lendemain sous d'infinis adieux. Heureusement que la peinture de deux mondes bien différents (urbain et rural) est l'un des thèmes les mieux traités dans Carmen revient au pays, à Kinoshita aussi de s'en moquer en filmant des réactions inattendues des habitants, comme Ryu Chishu s'offusquant devant un pavé malencontreusement posé sur le grand chemin, trouvant cela scandaleux tout comme le spectacle de strip-tease des deux demoiselles se tenant dans la soirée, ce début de bagarre entre Ryu Chishu et Miyake Bontaro renvoyant presque à l'époque burlesque du muet ou encore le père de "Lily Carmen" à deux doigts de tomber dans les pommes en apprenant que sa fille va s'adonner aux joies du strip-tease. Ce petit recueil de scènes amusantes empêche in extremis l'oeuvre de Kinoshita de tomber tout simplement dans l'oublie en dépit de son intérêt historique. Que le Mont Asama m'en soit témoin...
Garde (ta) robe excentrique
Premier film japonais à avoir été tourné en couleurs et premier film d'un futur réalisateur important dans l'Histoire du Cinéma Japonais par son "Tragedy of Japan", Keisuke KINOSHITA.
"Carmen..." surfe sur la vague des comédies musicales américaines et des cabarets tokyoïtes (dont le succès doit beaucoup aux soldats américains mobilisés dans la grande capitale...) en pleine vogue à l'époque. Comédie légère et pétillante, cette production à l'origine pensé pour un public plutôt féminin n'hésite pourtant pas à viser également la gente masculine, en montrant deux actrices fort peu vêtues - surtout pour les moeurs de l'époque.
Jouant de la profonde différence entre provinciaux et mondaines, le film évoque plusieurs intéressants aspects du Japon de l'après-guerre, sans toutefois en approfondir aucun : le choc campagne / ville; les nombreux départs de jeunes gens naïfs n'empruntant pas forcément de carrières bien glorieuses; les préjugés des gens entre congénères et envers l'occupant américain, ...Le sujet était riche en démultiplication d'intrigues et approfondissements possibles, à commencer par une étude de moeurs des personnages principaux. Au lieu de cela, KINOSHITA se contente de n'égratigner ses divers points qu'au passage de son scénario volatile; ce pur divertissement ne voudrait surtout pas s'éparpiller dans de profondes réflexions, mais uniquement plaire à la population. Fort dommage, car tout apparaît du coup fort superficiel et même les compositions musicales et chorégraphies ont été "pensées" en toute vitesse.
L'intrigue ne va pas chercher bien loin; l'enjeu n'est pas bien important et la conclusion laisse sur légèrement sur la faim, tant rien n'a avancé, rien ne s'est passé...
A déguster pour le charme irrémédiablement désuet, quelques amorces de gag sympathiques et le jusqu'au-boutisme du jeu des deux actrices principales, qui n'ont définitivement pas peu du ridicule.