Pauvre en moyens comme en idées
CA commence comme 'Johnny got his gun' avec le retour d'un soldat homme-tronc au pays. La différence est triple :
-notre soldat est adulé puisqu'il combat dans les armées impériales ;
-on ne connaît pas ses sentiments d'autant qu'il est sourd et muet;
-il est accueilli par sa femme - qui lui fera quelques gâteries par devoir conjugal et impérial, aspect qui a semblé intéresser le plus Wakamatsu.
Puis éclate la bombe et le film est fini.
Si on est charitable, on mettra en évidence la peinture du fanatisme et des oeillères d'un petit village ou la brillante interprétation dans un rôle pas facile de l'actrice principale. Dans le cas contraire, on pestera contre le manque d'idées et de talent du film, le manque de moyens n'expliquant pas tout.
Ce silence vaut de l'or
Dès le départ, il faudra évacuer toute idée de (re)voir une œuvre focalisé sur un "freak", de l'ordre de "Johnny s'en va-t-en guerre", "Freaks" justement ou même de la précédente adaptation de la même nouvelle et contenue dans le film-hommage à Rampo, "Rampo Noir" (2005). Non, cette fois, le fond l'emporte carrément sur la forme en se servant uniquement de l'homme-tronc comme d'un symbole des effets dévastateurs d'une grande Guerre.
Tourné en vidéo numérique avec un budget une nouvelle fois rikiki, Wakamatsu se focalise donc entièrement à dénoncer les conséquences d'une guerre. De retour du front, un paysan devient le "héros de son village", en revenant couronné de médailles…mais sourd / muet et sans plus de bras et de jambes. En gros, il ne sert plus à RIEN, ni comme jeune époux, ni surtout comme force de labeur au champ. Tout juste, son épouse dévouée va-t-elle pouvoir tirer du bénéfice, en l'exhibant à la vue de tous, en lui enfilant son costume militaire et mettant en avant ses médailles…mais bientôt l'intérêt s'émousse, les dons deviennent moindres et l'admiration cède sa place à la lassitude…puis même le dédain, quand la fin du conflit approche et que tout le monde adopte profil bas. L'homme-tronc lui-même comprend rapidement, qu'il ne sert plus que de pantin, puis de véritable épouvantail et perd tout intérêt à la vie.
"Derrière les murs", on assiste également à l'envers de la médaille. La femme ne reconnaît quasiment plus son mari et souffre de sa frénétique envie sexuelle, comme l'accident qui a failli lui coûter la vie avait démultiplié son instinct de survie et la nécessité de devoir se "reproduire" pour perpétuer sa propre vie…Et petit à petit, on découvre d'autres facettes de ce prétendu "héros de guerre"; son horrible personnalité et les souffrances qu'il a fait endurer à une femme désormais obligée de s'occuper de lui…Avant de revenir sur le comment du pourquoi de ses blessures de guerre, qui lui enlève toute notion d'héroïsme…Rarement, réalisateur n'aura été aussi cruel envers son personnage personnel, jusqu'à véritablement le réduire en pièces pour en faire un moins-que-rien.
Dans un pays, où le nationalisme n'a cessé de gagner du terrain ces dernières années, où les films à la GLOIRE de la Mère-Patrie et de son implication au conflit de la Seconde Guerre Mondiale aura été entièrement revu par des producteurs opportunistes, qui ont carrément glorifié les fameux pilotes kamikazes et distordu toute réalité historique pour justifier les actions du Japon, un film comme "Le Soldat Dieu" est une véritable aubaine…Un film sans aucune concession, que l'on verra mal se faire tourner en Allemagne (sujet encore trop tabou) ou même en France (pays apparemment entièrement peuplé de valeureux résistants, sauf "Lucien Lacombe"… …), mais tellement nécessaire pour dénoncer la bêtise et l'horreur de n'importe quelle guerre dans n'importe quel pays…Une petite grande œuvre et sans aucun doute l'une des œuvres les plus matures d'un Wakamatsu décidemment jamais aussi bon qu'en collaborant avec le révolutionnaire Adachi.