Rien à voir avec Friends
... dont les titres des épisodes commençaient toujours par
"Celui qui". Là on est dans de l'adaptation de nouvelles de Lovecraft par un mangaka passionné pour ses écrits... et qui a su se positionner comme référent bankable. Vieux fana de Lovy, cela faisait un bout de temps que je zieutais les couv' de ces mangas et parcourais les pages sans vraiment passer le pas, en mode snobisme engaged (et pauvre, c'est cher tout ça).
Ayé, lu. La première impression est la suivante : "difficile de faire mieux". En effet, le maître de Providence est réputé pour l'impossible adaptation de ses écrits. Comme un cinéaste sans le sou - c'était un écrivain sans le sou - il décrit souvent l'horreur de façon contournée, avec les adjectifs désormais (trop) cultes que sont "indicibles" et "innommables". Et quand c'est grand et fort comme un kaiju, cela devient "cyclopéen". Le héros ferme les paupières, refuse de voir l'horreur, quand Gou Tanabe, lui, la montre. Sans la montrer vraiment. Il crame de l'encre noire à mort pour jouer des ombres et de la nuit, évidemment. Il dessine très bien décors torturés, personnages blafards et monstres "innommables et cyclopéens" tout au long de cases bien agencées. Pour ma part, voilà de magnifiques bandes annonces pour les bouquins. C'est dit. Les BD sont bien foutues et suffisamment inquiétantes, mais restent encore trop confortables. Reste que Lovecraft savait optimiser son média, nous emmener dans le gouffre et nous immerger aux côtés de ses héros maudits. Héros maudit, HP Lovecraft l'était aussi. Ses œuvres libres de droit rapportent désormais un max de blé à qui sait les exploiter, alors que lui-même, de son vivant, a vu un seul de ses bouquins édité. Ses autres histoires figuraient "seulement" dans des périodiques. De quoi rendre très humble dans la course à l'édition à tout prix de nos propres scribouillis, n'est-ce pas. Côté BD, le vertige, je l'ai parfois ressenti en lisant les œuvres de ses émules, telles les chouettes planches d'Andréas ou de Foerster. Ne jamais sous-estimer l'école belge en la matière, ses talents savent jouer de la perspective et "distordre le réel" comme très peu.
