Un bon petit recueil d'histoires courtes
Il est toujours intéressant de lire des histoires courtes de mangaka connus, cela permet parfois de leur découvrir des aspects nouveaux. Dans le cas présent, on nous propose des petites histoires de voisinage comme on n'en voit pas toujours chez Rumiko Takahashi. Certes, cela se rapproche assez fortement de Maison Hikkoku (sans être trop drôle non plus), mais en restant assez loin des séries d'aventure telles que Ranma 1/2 on encore les séries semi-horreur comme Mermaid-Saga ou Inuyasha. En revanche, le coup de crayon et le style des dessins sont toujours extrêmement caractéristiques. En final, l'occasion de découvrir une Takahashi plus sérieuse au travers d'histoires assez poignantes.
Savoureux, drôle et tendre
Une fois n'est pas coutume, ce sont des histoires courtes de Rumiko Takahashi qui sortent en France. Oust les histoires d'amour à rallonge, les seaux d'eau chaude et les extra-terrestres en bikini. Ici, au travers de 6 nouvelles, l'auteur nous invite à partager quelques instants de la vie de gens ordinaires confrontés à des situations parfois cocasses, parfois plus dramatiques. A chaque fois, il est question de rencontres ou de retrouvailles qui changent des vies. Le ton peut parfois paraître sérieux mais jamais complètement désespéré et on sent bien qu'au final on pourra dire que tout est bien qui finit bien. Rumiko Takahashi montre bien ici l'étendu de son talent de metteur en scène. Elle dépeint par petites touches des univers teintés de réalisme (comme en témoignent les nombreuses notes de lecture qui, malheureusement, n'ont pas été publiées dans ce tome), tous différents mais tous très touchants que ce soit pour nous faire rire ou pour nous émouvoir à la limite des larmes. Ainsi le héros de Il suffit que tu sois là, qui paraît bien maladroit, froid et exubérant à souhait en extérieur, est dépeint avec un regard très tendre. Et est-il possible de résister à cette histoire de chien, qui donne son titre au recueil, montrant à quel point un employé peut-être dévoué à son patron quitte à se retrouver dans une situation des plus abracadabrantes mais au combien hilarante ?
Quant au dessin, pas de doute, c'est bien du Takahashi (on aime ou n'aime pas) avec ces visages si familiers, toujours très expressifs sans pour autant être bourrés de détails. Comme d'habitude, c'est très bien dessiné, la lisibilité des scènes est toujours très claire et l'auteur maîtrise particulièrement bien l'humour qui se dégage de ses planches. Pour les allergiques aux histoires qui n'en finissent pas, voilà une très très bonne occasion de découvrir cette auteur qui est un pilier du manga depuis déjà plus de 25 ans.
Une vie de chien
Rumiko Takahashi est connue du public pour ses manga fleuves comme
Ranma ½ (38 volumes) ou encore
Inu Yasha, qui compte déjà plus de 40 volumes au Japon. Le chien de mon patron est à l’opposé de cette tendance puisqu’il s’agit d’un one-shot, c’est-à-dire d’un manga qui ne compte qu’un seul tome. Exit donc les récits interminables et place à une histoire plus courte, ou plutôt à des histoires car ce manga est en fait un recueil de 6 nouvelles dont l’une est à l’origine du titre de l’œuvre.
Dès le premier contact, on reconnaît le coup de crayon de la mangaka, notamment au niveau du chara-design. Les personnages ressemblent en effet beaucoup à ceux que l’on croise dans d’autre manga de l’auteur. Par exemple, l’héroïne de la troisième nouvelle à la même bouille que Akane dans
Ranma ½. Pas de surprise donc à ce niveau, ceux qui aiment habituellement les dessins simples mais néanmoins très expressifs de
Rumiko Takahashi seront satisfaits.
Plus surprenant semble être le contenu de ces différentes nouvelles.
Rumiko Takahashi propose souvent dans ses manga des univers décalés, peuplés de personnages tous plus farfelus les uns que les autres (
Lamu,
Ranma ½) et où le fantastique occupe une place importance (
Inu Yasha). Au contraire, dans Le chien de mon patron, les histoires sont encrées dans le réel, le lecteur étant invité à suivre le combat de japonais tout ce qu’il y a de plus ordinaire face aux difficultés de la vie. L’une des nouvelles s’attarde ainsi sur le cas d’une adolescente qui soupçonne ses parents de vouloir commettre un suicide familial. Dans une autre nouvelle, il est question d’un salaryman muté à l’autre bout du Japon mais que sa famille refuse de suivre. La mangaka s’attaque à des sujets de société, donc sérieux. Cependant, quelques pages suffisent pour nuancer ce jugement. Les situations virent en effet souvent au cocasse, le tout agrémenté de petites touches humoristiques qui apportent un véritable plus. Les personnages, dans leur malheur, en sont d’autant plus attachants et touchants. Ainsi, alors que Le chien de mon patron aurait pu être un manga ennuyeux car se prenant trop au sérieux, on obtient une œuvre rafraîchissante. C’est là tout le savoir-faire de
Rumiko Takahasi : elle sait traiter avec légèreté des sujets assez tragiques.
Ceci dit, Le chien de mon patron ne peut prétende à faire partie de ces manga qui marquent dans la mesure où les histoires proposées, bien qu’agréables à lire, n’en demeurent pas moins anecdotiques. D’autre part, la portée d’un one-shot est limité car sa lecture ne s’inscrit pas dans le temps. Kogure et les autres personnages dont on fait la rencontre sont bien sympathiques mais il leur est difficile de laisser un souvenir impérissable en seulement une trentaine de pages. Au final, si le manga est plaisant à lire, on l’oubli assez vite.