Caisse de résonance
Limbo apparaissait comme un écho bienvenu de polars HK, Full Alert en tête avec cette même map HK de dédales de ruelles sales. City of Darkness reprend la map mondialement connue de la citadelle de Kowloon pour y greffer un film de triade traité en mode manga, avec comme écho évident ici le final de Long Arm of The Law. Autant dire qu'on est en terrain connu et que l'impression est hautement agréable. Trop ? Si le vent s'engouffre entre les buildings, faisant s'envoler les cerf volants, celui de la nouveauté ne se lève pas vraiment. Pour la trame, c'est du Triad Papers Fukasaké à la mode 2020's avec une petite sauce à la Shaw Brothers qui va bien. Sur le traitement on pense à des trucs désuets des débuts 2000's genre City of Violence, Invisible Target ou autre Dragon Tiger Gate, avec comme note d'intention déconneuse affichée une femme coiffée de bigoudis apparaissant juste après une séquence délirante, clin d'œil à l'un des persos cultes de Kung Fu Hustle. City of Darkness, avec tous ces jeunes "Young and Dangerous" se laisse voir avec beaucoup de plaisir, d'autant qu'on évite la mèche rebelle d'antan, merci. La tonalité est juste et malgré une baisse notable des enjeux à mi-parcours - on a 15mn de trop globalement, presque Kitamuresques, enfin j'me comprends - c'est encore une fois une belle réussite de Soi Cheung à laquelle nous assistons. Les bastons ont de la gueule, le film a de l'énergie à revendre et le réalisateur s'affirme auteur avec ses héros laissés pour compte cravachant tels des rats pour survivre dans une ville sans pitié. On se surprend même parfois à penser au ciné de DIAO Yi-Nan, c'est plutôt bon signe. Kowloon, donc, écho aguicheur pour tout un public baigné de jeux vidéos et de films qui ont déjà usé de cette map urbaine quasi organique (Black Ops, GITS...), bubon Tsukamotesque bien reconstruit ici puisque la cité avait été détruite (en partie hein) par Jackie Chan début 90's dans l'excellent Crime Story de Kirk Wong. Rasée depuis 30 ans, elle est encore dressée dans les esprits, le mien restant encore un peu parfois perché tout là-haut là-haut dans cette bulle rêvée auquel un beau générique final soudain apaisé rend hommage, tel le regard d'un vieillard jeté par dessus son épaule. En attendant un nouveau terrain de jeu en dur, à HK ou ailleurs, pour éviter cette nostalgie qui va très vite devenir par trop délétère... avant de se transformer en fantasme pour les générations à venir, tels les 20's US, l'époque victorienne UK, le western etc.
Bon moment
Sur un coup de tête, j'ai sauté sur l'occasion de voir
City of Darkness sur grand écran dans mon petit cinéma d'art et essai préféré. Ça faisait longtemps que je n'avais pas vu un film venu de Hong Kong. Je ne vais pas en faire un avis ultra construit comme pourraient le faire mes camarades cinémasiens. Je n'ai pas non plus lu le manhua d'Andy Seto et/ou le livre de Yuyi, il n'y aura donc pas d'analyse comparative. J'y suis allée pour le fun, j'ai reconnu des noms et des têtes, j'étais contente de voir Sammo et j'ai passé un bon moment.
Je crois que je n'avais jamais vraiment compris ce qu'était cette citadelle de Kowloon avant la sortie de ce film. Pourtant, elle a laissé des traces dans le cinéma de HK, mais j'étais totalement passée à côté (ou alors, j'avais déjà migré vers la section Japon de Cinémasie). Pire, je suis quasi sûre d'avoir visité le parc de la citadelle en 2006. Sauf que le lien ne se fait qu'aujourd'hui.
Quelques mots sur les scènes de baston pour commencer, puisqu'il s'agit avant tout d'un film d'action. Je les ai trouvées percutantes, sans être trop douloureuses à regarder. C'est câblé, c'est bien filmé, les codes du genre sont respectés. Et puis, il y a les vieux de la vieille qui s'y collent. Ces gens ne semblent pas connaître les lumbagos, alors qu'ils sont bien plus âgés que moi. Je regrette par contre qu'il s'agisse d'une adaptation d'un manhua. Ça justifie que l'on bascule d'un coup dans un autre univers un peu plus cartoonesque et fantastique auquel j'adhère moins et qui, à mes yeux, gâche la grosse scène finale. Surtout que je n'ai pas du tout été séduite par le méchant ultime, sans trop en dire.
Cette histoire de jeune migrant qui va se réfugier dans la citadelle pour échapper aux triades fonctionne plutôt bien, même si on aurait pu douter de son originalité sur le papier et qu'il y a quelques longueurs. Il faut reconnaître que la reconstitution qui est faite de cette enclave est assez bluffante et lui donne littéralement le statut de personnage principal. Côté humains, je ne connaissais pas Raymond Lam, je le découvre avec ce film, mais je l'ai trouvé convaincant, physiquement efficace et très attachant dans le rôle de Chan Lok-kwun. Tous les personnages qui orbitent autour de lui gagnent progressivement en sympathie à son contact et l'ensemble finit par former une petite famille un peu particulière mais très bienveillante. Je ne m'attarde pas sur les personnages féminins, ils sont inconsistants au possible. En suivant le héros dans les ruelles sombres, on apprend à aimer la vie dans la citadelle, même si, perso, il y a tellement de tôles rouillées que j'aurais chopé le tétanos au bout de cinq minutes. La cerise sur le gâteau, c'est cette magnifique image de fin sur une chanson de Yoyo Sham qui donne l'impression d'avoir vécu de bons moments, tout en regardant un monde qui s'apprête à changer pour toujours. Le sentiment de nostalgie est saisissant. Il met en lumière ce qui restera après le générique : un film d'ambiance plein d'humanité, en plus d'être un au revoir à une ville qui a perdu de son âme en retombant dans le giron de la Chine Populaire.
À noter que la musique est de Kenji Kawai (merci le générique de fin pour l'info).