The Classic, dès ses premiers plans, démarre comme un conte en ballerines. Léger, souriant, persuadé que sa magie et ses images faussement féériques vont fonctionner : une jeune femme ouvre une fenêtre de chez elle pour apercevoir l’arc-en-ciel sur la rivière. Sur le rebord de la fenêtre, de belles colombes, trois pour être précis, même pas apeurées par la jeune femme. Mais le conte de fée s’arrête là après que cette dernière fasse gentiment jarter d’un coup sec les oiseaux. L’art de couper court, à la manière de My Sassy Girl, avec les clichés du mélodrame de base en usant des ruptures de ton et en jouant autour du burlesque. Et dans son océan de larmes, The Classic avait bien besoin de ces rares moments pour faire respirer le spectateur sensible. D’abord sa double narration sur deux époques différentes, avec l’histoire d’une mère (Ju-Hie, durant la dictature militaire en 1968) et celle de sa fille (Ji-Hae, au moment présent) dont les rouages semblent être les mêmes malgré la différence d’époque. Flanquée d’une photographie aux teintes chaudes, les années de dictature montrent une jeune femme issue d’une famille aisée désirée par deux amis, l’un, Joon-Ho, est d’origine modeste, tandis que l’autre, Tae-Su, est élevé par un père puissant mais violent. La particularité de ce dernier est d’être de grande taille et de faire régulièrement des micro-malaises. N’ayant pas une plume romantique, il confie à son ami la tâche d’écrire des mots doux à la jeune femme, sans savoir que celui-ci va également tomber amoureux. La narration au présent bénéficie quant à elle d’une photographie plus classique, et le scénario semble être sensiblement le même à défaut que c’est cette fois-ci un homme qui est au cœur de l’histoire : une étudiante en musique est amoureuse d’un metteur en scène et acteur de théâtre, déjà convoité par l’amie égoïste de cette première.
La trame se poursuit et trouve ses nombreux rebondissements par les lectures de Ji-Hae des lettres que sa mère a conservées depuis le début dans un gros coffret. Ces précieuses déclarations écrites par Joon-Ho durant l’été 68 rythment ainsi la narration et rendent crédibles les divers sauts dans le temps. Les époques sont à ce propos clairement identifiables, outre leur différence de photographie, la bande-son diffère également grandement. Un an après le summer of love, les musiques rock’n’roll parsèment le film en dépit de leur relative médiocrité : Manfred Mann par-ci, Swinging Blue Jeans par-là, ou encore Delispice et son Gobaek à peine pompé sur All Around the World d’Oasis, qui rendait déjà hommage au "seul groupe au-dessus d’eux", les inénarrables Beatles. Dommage que ces morceaux soient trop longuement associés aux images et qu’il y ait encore une fois le Canon de Pachelbel, devenu juste imbuvable au cinéma. Le score composé pour le film remplit quant à lui parfaitement son boulot de tearjaker.
Reste que, comme d’habitude avec Kwak Jae-Yong, les ficelles scénaristiques juste improbables feront rapidement déchanter celles et ceux qui attendent un mélodrame pur et dur. Toute la mythologie autour du collier est par exemple difficile à gober, mais rien de bien choquant lorsque la filmographie du cinéaste n’a plus de secrets : le mélodrame chez Kwak Jae-Yong se rapproche bien plus du conte de fées, sombre et passionné, qui aura trompé quantité d’adolescent(e)s par sa peinture d’un univers qui ne peut exister que dans la littérature ou le cinéma. La vraie vie est tout autre. Grand amoureux éternel, amateur des belles choses amples, le cinéaste troquera d’ailleurs sa précédente caméra pour un Scope qu’il ne lâchera plus, offrant ainsi des cadres larges comme pour montrer ses nouvelles ambitions, ici davantage ancrées dans une veine littéraire. Deux époques se croisent, plusieurs contextes Historiques sont traités en filigrane ou ont droit à leur propre épisode (la dictature militaire, les révoltes estudiantines, la Guerre du Vietnam), les personnages sont relativement écrits et la narration est tenue par le regard de Ji-Hae. Une narration qui accorde parfois trop d’importance aux éléments larmoyants (l’épilogue contemporain insiste bien trop), mais dont les traits d’humour parfois imprévus font mouche (Joon-Ho se trompant de porte dans la chambre d’hôpital, l’amie de Ji-Hae qui ne joue plus vraiment son rôle au théâtre suivi d'un échange de baffes hors-champ, Tae-Su se demandant si ses malaises sont dus à sa grande taille). Inégal et parfois lourd, The Classic reste tout de même une réussite de Kwak Jae-Yong, pour peu que l’on se trouve de belles affinités avec sa vision du mélodrame.
Après My Sassy Girl, Kwak Jae Yong persiste dans le film romantique mais en abandonnant à quelques blagues pétomanes près la dimension parodique du genre de son précédent film pour tenter le mélodrame pur. Comme celle d'une floppée de films romantiques coréens ( Failan, Il Mare, Ditto), la narration de the Classic tente de faire communiquer deux époques.
Le point de vue du scénario est néanmoins plus intéréssant que celui d'un Ditto: là où ce dernier montrait qu'on vivait mieux dans un pays démocratique que sous une dictature militaire, celui du film dresse un parallèle entre les difficultés sentimentales d'une mère et d'une fille, l'une du temps de la dictature militaire et des mariages arrangés, l'autre dans une Corée démocratique et censée etre plus libre niveau moeurs. Sauf que néanmoins il est plus pénible à voir que ce dernier film, faisant mentir l'adage gabinien de la "bonne histoire". On n'ira pas dire que Kwak Jae Yong fasse de la mise en scène "placement de père de famille" mais en prenant des risques il se plante aussi en beauté. Le cinéaste tente en effet d'appliquer à ses deux récits une mise en scène à la virtuosité classique: mouvements de caméra d'une grande ampleur, caméra tournoyant autour des personnages et usage récurrent des fondus enchainés. Sauf que si ces choix finissent par sombrer dans le tape à l'oeil.
Qui plus est, il essaie de donner en vain un vrai souffle romanesque à ses deux histoires d'amour: pour ce qui est de celle du passé, cela tombe à plat à cause d'un score musical très peu judicieux -lyrisme bidon, pastiches peu inspirés de Dylan et d'Oasis, slows variétoche dégoulinants- qui finit très vite par casser les pauvres oreilles du spectateur; dans celle du présent on tombe dans le cas classique dans le mélodrame coréen de la mise en exergue de personnages au destin ordinaire qui fait tout tomber à plat. Les clichés fleur bleue sont là (parapluie, lucioles, nature, adieu devant le train, retrouvailles, oiseaux) mais rien ne les magnifie. Du coup, c'est beaucoup plus mièvre et gnangnan que poignant. Sans parler de la scène de guerre au Viet Nam où le cinéaste tente de fusionner approche à la Il Faut Sauver le Soldat Ryan mal digérée et son ampleur "classique". Ou du Canon de Pachelbell qui revient en deuxième semaine pas mieux utilisé que la fois précédente. D'une Son Ye Jin dont le double role mère/fille ne fait pas oublier Nakayama Miho chez Iwai et de jeunes acteurs pas vraiments convaincants lorsqu'ils s'essaient au jeu outré.
Mais surtout avec ses plus de deux heures dix the Classic est beaucoup trop long, ajoutant à son accumulation poussive de clichés le manque de rythme. Alors que 2003 a offert quelques beaux mélodrames (Dolls, Loin du Paradis), the Classic rejoint la liste de ces films sans personnalité d'une cinématographie prisée des amateurs de cinéma asiatique orphelins de la chute de Hong Kong.
THE CLASSIC porte on ne peut mieux son titre, le réalisateur KWAK Jae-Yong s’éloignant de ses gentilles audaces de MY SASSY GIRL, son troisième film WINDSTRUCK pouvant alors être perçu comme une synthèse de ces deux tendances.
La qualité esthétique du film est incontestable : jolie photographie, couleurs chaudes pour la période 70 et plus pastel pour le présent, décors champêtres bucoliques, jeunes filles en fleur (mais souvent en pleur !) ou garçons pétant de santé, le tout servi par une musique adaptée en fonction des époques, oscillant entre pop/folk et pièces classiques pour piano. C’est même un peu trop léché, on sent la volonté d’utiliser au maximum tous les clichés propices aux situations supposées romantiques: la pluie mélancolique, le départ du train pour la guerre, le bijou souvenir, etc. Car on ne peut pas vraiment dire que THE CLASSIC renouvelle le genre, il choisit au contraire de le pousser jusqu’aux limites de la pure guimauve. Par moment, cela fonctionne malgré tout assez bien, grâce au charme de ses interprètes, et nul doute que la production a capitalisé un maximum sur un casting particulièrement photogénique, autre donnée de base de tout mélo qui se respecte. Mais parfois c’est un peu too much, ainsi cette séquence de la guerre du Vietnam. Un autre film aurait pris le parti de regarder cette guerre par le biais inédit du contingent sud-coréen, mais le cinéaste se sert de ce décor uniquement pour valoriser un peu plus son personnage principal, et du coup on a l’impression d’une séquence limite superflue.
Cette romance ne parvient donc pas à convaincre vraiment, il lui manque un clin d’œil complice, un recul sur elle-même qui aurait donné de l’air à un scénario trop prévisible. C’est d’autant plus étrange venant de la part d’un type qui a mélangé les genres avec un tel brio et une belle fraîcheur avec MY SASSY GIRL. Son film est un exercice de style appliqué qui
manque de souffle, et s’il reste largement regardable malgré sa longueur qui peut rebuter, il ne marquera pas profondément son public au contraire du premier long-métrage de son auteur.
Typiquement coréens, ce genre de films sont malheureusement parfois de piètre comédies romantiques ennuyeuses et sans aucun intérêt. C'est l'effet que m'a fait "The Classic", et qui donc porte encore une fois préjudice au bon cinéma mélo coréen qui s'en trouve mélé.
Quand j'ai vu le nom du réalisateur, KWAK Jae-Yong, je me suis dit qu'après un excellent "My Sassy Girl", je ne prennais pas beaucoup de risques. Comme quoi... le jour et la nuit !
D'un autre côté, "Windstruck" a l'air pas mal (je ne l'ai pas vu encore), j'espère donc pour KWAK Jae-Yong que "The Classic" sera son unique bide.
Les acteurs, JO In-Seong et la petite Son Ye-Jin (Lover's Concerto), sont vraiment navrants par moment, le reste avoisine du minimum syndical, bref, pas de quoi relever le niveau du film.
L'histoire est classique, normal ;) , mais c'est surtout l'enguimauvement à outrance qui m'a contraint à voir la fin du film en accéléré. J'ai d'ailleurs été surpris par quelques scènes vers la fin, où le réalisateur se permet même de nous mettre une scène de guerre très cheap, limite comique, qui ne colle pas du tout au reste. Bref, le contrat n'est vraiment pas réussi, loin de là, les fautes de goût ne font qu'amplifier mon opinion. Je suis globalement très déçu...