Anima
Si au Japon Keiicha HARA s'est fait un nom dans le milieu de l'animation grâce à son travail sur les films de
Crayon Shin-Chan (où un autre grand animateur a également brillé, son ami Yuasa Masaaki), personnage ultra populaire, il restait encore un parfait inconnu chez nous au moment de la sortie de son précédent long,
Un été avec Coo (2007) . De quoi penser que nous avions là un "jeune" réalisateur alors qu'en réalité le bonhomme avait déjà tout du baroudeur expérimenté (20 ans de carrière à l'époque).
Colorful n'est donc pas le film de la confirmation, ça c'était
Coo : la confirmation que cet animateur devenu réalisateur qui avait su hisser une licence, au cinéma, à un degré de popularité insoupçonné, était tout aussi talentueux quand il s'agissait de mettre en boite ses propres histoires, ses projets personnels, quand il n'était pas adossé à un univers déjà défini ni pris en charge par un studio où il avait ses habitudes. Le public français ne pouvait pas le savoir à cette époque, mais le patron de la puissante Sunrise, studio de production de
Colorful, le savait depuis bien avant, lui qui était allé chercher HARA une première fois sans succès, avec déjà l'idée de lui confier l'adaptation de
Colorful (tiré d'un roman d'Eto Mori). Keiichi HARA rappelle (1) ainsi que "
c'est en voyant mes films de Shin-Chan qu'il a eu l'idée de me confier cette adaptation. Il était déjà venu me solliciter en 2003, alors que Coo était seulement en projet et comme je ne voulais pas repousser la réalisation de ce dernier, il a donc décidé d'attendre car il ne voulait personne d'autre que moi."
Colorful n'est donc pas la film de la confirmation mais celui de la maturité, un film à la mise en scène maitrisée de bout en bout, un film qui se construit sur ses détails, ses silences, ses cadrages. Un film très écrit/préparé (
Coo était bien plus "bordélique" à ce niveau) qui laisse la place à l'inspiration (2) pour une séquence (celle de la ligne du tramway) d'une nostalgie poignante.
Colorful n’aura aucun mal à vous faire monter la larme à l’oeil, tout en évitant guimauverie et sentimentalisme facile. Le film ne se distingue pas tant par son point de départ, déjà décliné à de nombreuses reprises (que feriez-vous si après votre mort vous était donné une chance de recommencer ?), mais bien par son regard sincère, subtil et clairvoyant sur une famille en décomposition. Procédant par petites touches en captant ici un regard, là un haussement d’épaule, ou alors toute une gestuelle en guise de caractérisation psychologique (Shoko et son « acting » hyper expressif), Keiichi Hara suit des personnages en perdition, dans une famille malade de ses silences, sans jamais verser dans les complaintes adolescentes nombrilistes d’un certain Makoto SHINKAI. Pas de style pour le style chez Hara, pas de "posture". Dans
Colorful tout semble couler de source, naturellement. Il y a bien des faiblesses techniques parfois, quelques choix de design discutables peut-être, mais rien qui ne vous "sorte" de la narration et surtout pas le travail très réaliste sur les décors et la lumière.
Une hypothèse : sans la présence d’un certain
Chat du Rabbin alors en pleine promo,
Colorful aurait sans doute raflé le grand prix du dernier festival d’Annecy. C’est ce que nous suggère son prix du public, c’est ce qui a sans doute motivé sa « mention spéciale » du jury…
Notes :
1) Propos recueillis en juin 2011.
2) Toujours dans le même entretien, sur cette scène en particulier :
" C'est en faisant les repérages pour les décors (je voulais quelque chose de très réaliste à ce niveau) que l'idée m'est venue, en découvrant l'histoire – réelle - de cette ligne de tramway qui avait existé. Ç'était porteur d'une telle nostalgie..."
16 novembre 2011
par
Astec
A Mère
Quand on est papa, on devient gâteux.
Comment résister à cette merveille qu'est COLORFUL, qui raconte autant le mal-être adolescent, que la profonde incompréhension entre parents (une mère – encore plus déchirant) et fils.
COLORFUL est effectivement l'œuvre de la maturité de HARA – beaucoup plus personnel, maîtrisé et abouti que son précédent COO (ne serait-ce que dans sa durée), qui se permet d'appréhender parfaitement le roman original, d'en écarter des larges parties (notamment toute celle dédiée au père) pour la réduire au plus essentiel en se permettant de rajouter une toute petite séquence de son propre crû – mais qui résume le tout si bien, tant dans le fond, que la forme. Chapeau l' (vrai) artiste !!
Une œuvre, qui peut donc se lire à différents niveaux, à différents âges, à différents degrés (d'implication). Du grand anime – à moins d'être un anime pour grands (sans stigmatisations aucune) ?!!
Déçu :(
Au vu du pitch et du thème, je m'attendais à quelques chose de plus aboutie, de plus profond.
Finalement, le film aborde "simplement" les thèmes tout ce qui a de plus classique dans le cinéma japonais: le mal-être adolescent,... (pour pas les dévoiler, mais c'est facile très à deviner)
Le film ne m'a à aucun moment emporté, en grande partie à cause de son rythme (trop lent, trop long, démarrage poussif; j'aime pourtant bien les atmosphères nostalgiques et contemplatives, mais malheureusement ce n'est même pas le cas ici) et aussi à cause des tics de langage trop "manga"/"gnangnan" (je ne parle même pas ici des mimiques de Shoko qui sont encore assez sympa).
J'ai été surtout déçu peut-être parce que je l'ai mis en comparaison (à tort?) avec le film "absolue" (pour moi) qui aborde le mal-être adolescent japonais, et qui m'avais bouleversé pendant plusieurs jours après sa vision: "All about Lily Chou-Chou", la claque.