Hiroshima Godfather
Combat sans code d'honneur se voulait une réponse du cinéma japonais au succès du Parrain. Avec ce film qui est à juste titre un de ses plus connus, Fukasaku démontre que la réinterprétation d'Hollywood par le cinéma asiatique peut donner naissance à des séries B de catégorie A étourdissantes d'inventivité visuelle et non dénuées d'une dimension de commentaire social qui n'ont rien à envier à ce qui se faisait en Italie à la meme époque. Le film s'ouvre sur une photo de l'explosion d'Hiroshima comme pour nous dire que seul le chaos peut naitre de cette situation : le début du film tend à le confirmer ; le marché noir règne en maitre à Hiroshima, une japonaise se fait violer par des GIs, des futurs yakuzas sont arretés par la police alors qu'ils essaient de la défendre, un personnage se fait couper le bras et gicle des geysers à la Babycart. En peu de plans, un décor -marché noir, occupation américaine et ses exçès, pays vaincu et en ruines- est posé. Le film décrit ensuite la longue guerre des gangs qui a réellement existé à Hiroshima, dans un monde où le code d'honneur des yakuzas a été remplacé par la loi du plus fort. L'une des forces du film est de réussir à créer une vraie ampleur de saga mafieuse sur une durée très courte grace à une vraie ampleur classique et un vrai sens du cadre en scope hors des scènes d'action.
Les éléments parodiques sont également bien intégrés au récit car le rire qu'ils suscitent n'atténue pas l'aspect désespéré du récit : les yakuzas cherchant de partout un doigt coupé et le trouvant finalement dans un poulailler -le genre d'idées incontestablement délirante mais dont un Miike a cru qu'elles pouvaient faire office de long métrage-, le gangster faisant mine de sortir un flingue de son costard pour impressionner ses adversaires alors qu'il ne s'agit le plus souvent que d'un paquet de cigarettes, les personnages tirent sur la cible devant eux jusqu'à ce que le chargeur soit vide. Le film montre également les anciens mafieux essayant de se reconvertir en entrepreneurs comme si Fukasaku voulait dénoncer les bases malsaines de la reprise économique japonaise. Cet aspect est d'ailleurs renforcé par les scènes montrant les forts liens entre les yakuzas et le milieu politique. Meme si la Fukasaku's touch avec ses délirants téléobjectifs est utilisée de façon moins incandescente que dans le Cimetière de la Morale, les mouvements brusques de caméra, les caméras portées, les arrets sur image, les cadrages penchés contribuent à donner un équivalent visuel au monde bestial décrit par le film, celui d'un Japon de l'immédiat après-guerre où la survie est plus importante que la morale et que des codes d'honneur du monde des yakuzas tombés en désuétude.
Le film doit également beaucoup à son festival de gueules grotesques, ridicules mais incontestablement marquantes et au charisme d'un Sugawara Bunta alors grande star du Box Office nippon. Le tout donne une des vraies réussites de Fukasaku pas loin derrière le Cimmetière de la Morale et une réussite du cinéma populaire japonais tout court.
Le documentaire «Fukasaku par Tarantino» contient des anecdotes amusantes sur la réception du film en Occident. Morceaux choisis :
Fukasaku : «Lorsque le film a été montré à Toronto, beaucoup de femmes ont quitté la salle lors de la scène du bras tranché. Quelques années plus tard, des festivaliers de Los Angeles et de Rotterdam ont insisté pour passer le film en ouverture de rétrospectives me concernant. Au début j'ai refusé. Ils ont insisté. J'ai accepté. Dans les deux cas, tout le public est resté et a applaudi. Les Américaines et les Hollandaises sont moins trouillardes que les Canadiennes.»
Tarantino: «Le seul point négatif dans cette rétrospective est d'avoir retitré le film en anglais Combat sans honneur et humanité alors que le mot jingi n'a pas ce sens. Le jingi, c'est quelque chose entre l'honneur et la fidélité. Pour expliquer ça aux gens, je leur dis que quand dans reservoir dogs orange dit à white «c'est moi l'indic tue moi si tu en as envie avant l'arrivée des flics» c'est de cet ordre. Il passe entre eux quelque chose de plus que l'honneur et la fidélité, c'est le jingi.».
Note Globale d'estime de la série: 4.75/5
Notes séparées de chaque volet:
Combat sans code d'honneur: 4.5/5
Deadly Fight: 4/5
Proxy war: 3.5/5
Police Tactics: 3.75/5
Final Episode: 3.75/5
Portrait sans concessions
Avec le style et la virulence qu’on lui connaît, Fukasaku excelle à brosser le portrait d’un chaos social complet, celui des années 40 et 50 dans l’archipel nippon, et plus précisément à Hiroshima où le champignon atomique a donné naissance à une véritable jungle, dominée par des militaires américains et des clans de yakuza dont le seul code d’honneur est le « chacun pour soi » et « le plus fort a toujours raison ». D’une confusion totale au début, avec ces grands mouvements de foule dont peine à émerger des individus que l’on retrouve dans Le Cimetière de la morale, l’intrigue fait se télescoper plusieurs figures marquantes de l’époque avant qu’elles se désintègrent à grands coups de règlements de compte dans un décompte macabre qui n’est pas sans rappeler Battle Royale, 30 ans avant. Et si les guerres intestines que se livrent des yakuza avides de pouvoir ne sont pas toujours faciles à suivre, elles s’éclaircissent et se resserrent au fur et à mesure pour ne plus mettre en scène que 3 ou 4 personnages ; le charisme de Sugawara Bunta prend alors sa pleine mesure et irradie l’écran comme dans cette scène finale où sa rage et sa colère font surface.
« Le patron est le patron. Dommage que j’en ai choisi un nul »… Avec ce film, Fukasaku livre également une facette peu reluisante de la réussite économique de son pays, due en partie à des voyous reconvertis dans les affaires afin de tirer leur épingle du jeu et de trouver une place honorable dans cette nouvelle société en marche. Mise en scène inventive à l’image de ce roman-photo narré par une voix-off, ou ces plans caméra à l’épaule, Combat sans code d’honneur est un film de genre important qui a marqué les seventies. Quant à la mélodie fil rouge, elle reste gravée longtemps dans la mémoire et colle à la peau de cette œuvre au vitriol.
Sobre et efficace
Difficile de redire quoi que ce soit a ce film. L'exposition et le développement du film sont irréprochables, chacun peut apprécier ou non les mouvements de caméra de Fukasaku, mais il faut reconnaitre que la maitrise technique est là. Reste la linéarité du film qui peut géner, mais ca reste bien minime. Un grand classique qui ne souffre pas du poids des ans.
Zizanie chez les Yakuza
Un excellent polar, ultra violent, sur la pègre japonaise dans les années 40 et 50. Fukusaku présente ses personnages comme de vulgaires pantins juste aptes à servir les plus haut gradés et à fermer leur tronche. Grand sens des valeurs et des traditions, alchimie fantastique entre respect et violence. Une réalisation nerveuse (beaucoup de passage en scope embarqué) et une musique jazzy donnent une certaine personnalité à cette oeuvre noire de Fukusaku (sûrement un de ses trois meilleurs films), riche et débordante de messages. Un des films cultes de Quentin Tarantino qui reprit la musique du remake pour Kill Bill vol.1. Film clé et charnière du cinéma nippon.
Esthétique : 3.5/5
Musique : 3.5/5
Interprétation : 4/5
Scénario : 3.75/5
Du grand Fukasaku, à la croisée du documentarisme sans concession de "Jingi No Hakaba" et de la démythification du yakuza à la "Guerre de Gangs..."
Comparer ce film, un des meilleurs de Fukasaku-sensei, au "Godfather" de Coppola revient à comparer Star Treck à 2001, sans établir d'analogie qualitative: tandis que le premier film de la trilogie met en scène une phase majeure dans l'existence d'une famille mafieuse de la côte est (avec tout ce que cela comporte de mise en avant des valeurs, de dilemmes cornéliens etc), l'autre met en scène la perte de valeur totale résultant d'un chaos culturel et humain. Si le film de Coppola lui est sensiblement supérieur pour des raisons d'écriture ou de casting (et celle, absolument subjective, que c'est plus joli à voir!), celui de Fukasaku est un film d'auteur brassant bien plus de choses, embrassant avec toujours plus de frénésie toutes les causes perdues d'un cinéaste à l'époque bien plus affirmé que Coppola.
Il réside dans chaque film de Fukasaku ce fatalisme mélancolique, cette impuissance romantique, cette violence mêlée à la tendresse la plus humaines possibles, qui en font un chef d'oeuvre. Encore une fois, "Combat sans code d'honneur", porté par tout le talent artistique et les figures de style techniques (ainsi que ses tics attachant pour le cinéphile) du maître, montre l'humanité, en quelque sorte la souillure grouillante de laquelle jaillit de temps à autre une lumière si vive et proche qu'elle en devient terrifiante; et dans cette comédie humaine se rejoignent donc toujours les thèmes préférés de Fukasaku: la perte des valeurs, la démythification des yakuza, le mal causé par l'occupation yankee (qu'il n'aimait visiblement pas beaucoup), le rôle de la femme en tant que femme (et non corps, du moins pas trop) auprès de l'homme, la nécessité d'intégrité...
Toute cette intelligence furieuse et sale donne ainsi un relief authentique à chaque personnage, surtout son héros, Sugarawa Bunta, muni de son éternel dégaine d'incorruptible, joue à merveille son rôle d'icône de l'honneur, profitant de quelques scènes pour mettre en valeur son sens du second degré allant comme un gant à celui de Fukasaku; avec Matsukata Hiroki, superbe en ambitieux désespérément conscient et superbement classe (Fukasaku aimait les lunettes de soleil), ils forment une putain d'amitié peu mise en avant, mais sachant en très peu de temps faire comprendre au gaijin ce que signifie le mot "Jingi".
Je parlais du rôle de la femme dans le cinéma du sensei; il est pour moi une inconnue confondante tant elles y représentent à la fois quelque chose de clichéen au possible dans d'autres films (la faire-valoir fidèle au mâle viril) et de superbement crucial, nécessaire à l'équilibre de l'homme, si rônin soit-il. Chaque séquence les mettant en scène font ressentir subitement une sensation de fragilité, d'injustice, que ce soit dans des scènes "dignes", ou d'autres d'amour, crûes (faut voir l'avance qu'il avait sur Melville ou Clément, le vieux!), en harmonie TOTALE avec la représentation de l'homme par Fukasaku.
Ou: l'antithèse totale de celle par un John Woo, ou du Hero movie en général. Ici, quiconque peut mourir, malgré toute l'intelligence et la force qu'il mettra à son service; ici, la vie vaut la peine d'être vécue, pratiquement, violemment, à l'image de Sugarawa faisant mal à la fille qu'il saute parce que dans quelques heures, il sera en prison. Et de cette peur constante de la mort de chaque personnage naît cette sorte d'ivresse que procure le final, montrant le héros "triomphant", ainsi que l'honneur qu'il porte à bout de bras; "Combat sans code d'honneur" est à mon avis un des rares films optimistes du réalisateur.
En anecdote je reprendrais une phrase dans la critique de Florent: "seul le chaos peut naitre de cette situation"; je tournerai la chose différemment: seul du chaos pouvait naître cette situation.
La bombe atomique a fait perdre à toute une génération d'hommes d'honneur le sens des valeurs, et pendant un temps à un empire orgueilleux son identité culturelle affirmée (la défaite n'était pas une option, et la déclaration radio de l'Empereur à propos de sa nature déïque provoqua une stupeur considérable), mais qui sait ce que le Japon serait devenu s'il avait gagné? pour sûr, les esprits critiques et artistes de génies se seraient moins révélés...
fukasaku dans sa grande periode.....
comparer ce film au "parrain" n'est pas dénué de sens,mais l'optique de ce film est bien différent....
chef d'oeuvre nihiliste et brutal.....un film de genre pour faire un instantané de la terrible vie au Japon après-guerre, un pays sinistré
Hiroshima Goodfellas
S'il est historiquement vrai que la série Jingi naki tatakai fait suite aux films de Coppola, stylistiquement, il faut reconnaitre qu'on est bien plus près de Friedkin ou de Scorcese. Thématiquement, Fukasaku se situe entre les deux.
Coppola résolvait l'ambiguité du cinéma de gangsters en sublimant l'image du malfrat, infâme mais finalement aimable: le charisme du tout jeune Pacino était pour une grande part dans cette identification. Si la distance critique existe dans les Parrains, la dimension de fascination (amplifiée par l'utilsation d'une réalisation classique sublime) n'en était jamais loin. Par contraste, les films de Scorcese ont été d'emblée une tentative extrème de démythifier la mafia: les affranchis en sont le premier aboutissement parfait, car dans ce film tous les personnages sont présentés comme des ordures. Ce qui faisait que le film était autre chose qu'un étalage de dégueulasseries est la virtuosité et la puissance animale qui monte de la réalisation de Scorcese et de la performance des acteurs (De Niro et Liotta, mais surtout Joe Pecci, qui est le personnage scorcesien par excellence pourrait-on dire).
Fukasaku se situe entre les deux: portés sur les personnages de Sugawara, Matsukata et Kobayashi, les films de la série oscillent entre une nausée devant la saloperie du monde des yakuzas et la valorisation de ces figures pleine d'une énergie qui ne sont pas loin de l'idéal du Ninkyô. La performance des acteurs y est pour beaucoup: le charisme d'un Sugawara Bunta ou la violence animale d'un Matsukata sont à égale distance entre les personnages de Scorcese et les héros de Coppola: à la fois honnorables et dégueulasses, ils sont avant tout des boules d'énergie à forte puissance identificatrice, qui épousent par leur performance de façon idéale la réalisation de Fukasaku.
On peut dire avec raison que Fukasaku a un peu son cul entre deux chaises, qu'il ne choisit pas vraiment: l'osmose du réalisateur et de l'acteur Sugawara Bunta laisse fréquemment transparaitre une sympathie pour le personnage d'Hirono Shozo. On objectera que l'anarchisme foncier du réalisateur l'empêche de choisir et qu'il distribue ses coups à gauche et à droite, sans qu'aucune préoccupation morale ne vienne l'empêcher de faire quoi que ce soit. Mais dans le fond je crois que cette ambiguité est assumée, et que dans le fond la question n'est pas là: il s'agit surtout de cinéma avant tout. Le cinéma de Fukasaku marche comme un bordel et peut-être est-ce parce que le monde lui-même est un bordel. Juge-t-on la pertinence morale d'une réalisation? non donc, pas plus ne devrait-on juger ce qui fait un avec le geste cinématographique: son objet. C'est pour cela que le cinéma de Fukasaku semble si amoral, malgré son fort poids de charge démystificatrice, parce qu'il s'agit avant tout d'images qui s'agitent dans tous les sens, et par conséquent de personnes qui s'agitent dans tous les sens: l'un est-il moins légitime que l'autre? Fukasaku, très honnête refuse de condamner son objet sans appel parce que justement il est indissosciable de son travail de cinéaste. Le seul acte moral de la série Jingi naki tatakai était probablement de quitter la moralisation extrème des ninkyos traditionnels. Son absence de morale ( de jingi en fait) est le seul message moral de Fukasaku: c'est déjà énorme et c'est tout le prix d'une saga sans conscession, quelle qu'elle soit.
Un film de yakuza comme on en fait plus
Dès le début quand résonne le thème principal pendant le générique, on sait qu'on a là un grand film (comme quoi ça tient à peu de chose). Et le film qui suit (presque aussi bien que le générique) nous le prouve suffisamment.
Mr Fukasaku s'amuse avec ses cadrages penchés et ça fait plaisir à tout le monde.
Royal battle
Le cinéma de Fukasaku, je l'ai découvert avec Battle royale. Et de Battle without honor or humanity à Battle royale, peu de différences; toujours cette force chaotique, instabilité perpétuelle de la mise en scène, art de la décharge et des étincelles, cinéma disruptif.
Avant de faire s'entretuer les jeunes, Fukasaku réglait les comptes de ses pairs. Même absurdité, même obsession du score (cet air macabre accompagnant chaque mort). Toujours jouer, toujours scorer. Le cinéma de Fukasaku tient dans ce principe. La vie n'est d'autant plus ludique que lorsque l'on s'affranchit, de gré ou de force, de ses règles, de ses lois pour épouser l'arbitraire et l'absurde d'un concept, argent, survie... Plaisir du jeu, de la répétition à l'infini sans variations, odyssée humaine dont on ne pourrait retenir que le point de départ, la Bombe, le trauma qui a engendré les yakusas sans foi ni loi de combats sans code d'honneur et qui dévore encore aujourd'hui les enfants du Japon.
De battle without honor or humanity à Battle royale, des différences? Dans la subversion. Elle se dérobe dans le burlesque de battle without honor or humanity et sa mythique scène du doigt coupé pour devenir frontale dans battle royale (et battle royale 2). Peut-etre une manière, au crépuscule de sa vie d'affronter ses démons.
La guerre des clans ne fait que commencer !
FUKASAKU signe enfin son premier grand Yakusa Eiga selon moi. En effet, après une montée en puissance avec "Guerre des Gangs à Okinawa" et "Okita le Pourfendeur", on reconnaît désormais le savoir faire exceptionnel de ce réalisateur.
D'autant plus que cette fois-ci, le scénario est particulièrement halletant et très mouvementé. L'histoire globale est étirée sur 5 volets, ce qui permet de voir se construire et se détruire de nombreux clans, leurs conflits internes, leurs relations inter-clan...
Cette vue globale est très intéressante et permet d'avoir une compréhension directe des évènements qui s'enchaînent à un rythme soutenu devant nos yeux. Les présentations sont d'ailleurs très courtes, affichées à l'écran durant un bref arrêt sur image, ce qui permet au réalisateur de ne pas perdre de temps à expliquer les noms et fonctions des nombreux personnages. A ce propos, j'ai été surpris par le grand nombre de personnages importants, il y a de quoi écrire un énorme organigramme sur papier à côté de soi durant le film ! Celà dit, vous verez que malgré tout peu d'entre eux resteront en vie, et c'est ça qui est bon héhéhé ;)
Un bon film donc, dont je vais m'empresser de suivre l'histoire avec le second volet : "Deadly Fight in Hiroshima" !
Entre un poliziotteschi et un remake nippon du Parrain
Sous un tableau réaliste de la pègre nippone de l'après-guerre, Fukasaku ne déroge pourtant pas à ses manies d'esthète foutraques tout autant qu'épatantes sur le plan technique, en signant une mise en scène bordélique, à grand coup de plans si serrés qu'ils font parfois naître un sentiment de claustrophobie, de mouvements de caméra virevoltants, d'arrêts sur image impromptus et de cadrages inclinés, et que dynamise un découpage nerveux à l'extrême. Le cinéaste oscille ainsi visuellement parlant entre stylisme et pseudo-documentaire, repoussant les limites des audaces du pays et de l'époque dans la manière de mettre en image. Niveau scénario et ambiance,
Combat sans code d’honneur se situe quelque part entre le poliziotteschi (polar seventies à l'italienne) et le pendant japonais du
Parrain de Coppola, dont il pique sans vergogne certains éléments et scènes-clés; où il va - encore - plus loin que ses modèles, c'est dans la représentation de la violence: il suffit de quelques coups de feu ou de couteau pour prétexter des hectolitres d'hémoglobine inondant l'écran avec crudité. Mais loin d'un Woo ou d'un Peckinpah, Fukasaku filme ses gunfights de manière brute et expéditive, non sans réalisme. Cependant, il y ajoute une légère teinte d'absurdité, en optant pour un sang presque orangeâtre et en plaquant un tintamarre de cuivres jazzy à chaque exécution. Tout ceci pourrait résumer l'originalité du style du futur auteur de
Battle Royale, pamphlet raté mais spectacle jubilatoire, fait à la fois d'inspiration
à la remorque de la mode et de créativité qui ne met pas forcément tout le monde d'accord. Si le premier tiers du récit apparaît un peu brouillon, tout se clarifie par la suite, le film bénéficiant au final d'une intrigue simple mais captivante une fois la mécanique scénaristique réellement mise en marche. Dans
Combat sans code d'honneur, plus rien n'est question de loyauté, de respect des traditions du milieu, il faut trahir et tuer pour grimper les échelons de la gloire, de la reconnaissance et de la fortune. Cette devise culminera lors d'un dénouement d'une brutalité implacable, où la plupart des membres de deux clans adverses se font massacrer dans d'impressionnants bains de sang. Le code d'honneur se voit par conséquent totalement bafoué, le patron d'un gang qui, dixit le héros du métrage, n'est pourtant pas un saint, déplore à juste titre cette ignorance des valeurs, jusqu'à perdre sa place, mais pour en gagner une plus noble encore, simplement par goût de la cupidité. Saluons par ailleurs l'excellent thème musical du film, mélodie tonitruante et glaciale qui se manifeste régulièrement, en parfaite adéquation avec le caractère nihiliste et opaque de cette œuvre en tous points remarquable, fleuron de l'école du yakuza eiga et instigatrice de ce que les ouvrages à budget de série B étaient capables de faire de mieux à l'époque.