une étude de moeurs au ton léger et divertissant
Confusion chez Confucius est un film étrange et inclassable. Il se compose d'une suite de saynètes toujours précédées d'un titre ou d'une phrase-clé, un peu à la manière des meilleures nouvelles: "quand le faux semble plus vrai que le vrai", "un Confucius confus"... Ces saynètes mettent en scène tout une série de personnages au train de vie très enviable, appartenants à des métiers influents (artistes célèbres, auteurs de best sellers, patronne d'une entreprise de relations publiques, hommes d'affaires), mais malheureux car tiraillés entre le poids des traditions insulaires et leur désir d'embrasser le mode de vie occidental libéral: Molly et Akeem tuent l'ennui en attendant de conclure un mariage arrangé part leurs parents, Qi Qi attire les hommes à son corps défendant ce qui lui vaut des ennuis, une actrice arriviste couche avec un businessman qu'elle déteste, un metteur en scène de théatre essaie de séduire ses actrices. Tous se retrouvent dans des situations où ils sont ridicules.
En l'utilisant dans une comédie au ton très léger, Edward Yang donne un sens nouveau aux fameux cadrages distants made in Taïwan: ici, il ne s'agit pas de filmer de loin ce que l'on connaît trop bien mais de traduire formellement l'ironie moqueuse face au grotesque des situations (cf le metteur en scène au début du film expliquant son projet en faisant du roller dans une salle de réunion) et éviter que le film soit grotesque, les longs plans séquences traduisent plus une certaine décontraction qu'un volonté d'hypnose, dans d'autres scènes, la distance permet de montrer les personnages au milieu du trafic automobile et de l'agitation de Taipei. Outre les titres des saynètes, la bonne idée de Yang est de faire commencer le dialogue avant qu'arrive l'image: on a ainsi une impression de lever de rideau et souligne aussi que tout ce que l'on voit n'est finalement que des disputes du niveau du théatre de boulevard, donc à regarder de très loin avec un large sourire.
Il faut également féliciter Yang de ne pas avoir peur de s'attaquer à la description des milieux influents: le cinéma français a trop souvent peur de s'attaquer au show-bizness, aux médias, au monde des affaires, bref aux personnes qui construisent la société telle qu'elle est. Il montre l'écart entre des personnages en situation de se poser en modèles pour tous et le désordre de leur vie intime. Akeem va meme jusqu'à comparer ses rapports avec Molly à la coexistence entre la Chine et Taïwan dans l'hypothèse où l'île se rattacherait au continent. Dand un pays comme le Japon moderne, traditions et modernité amnésique coexistent. Ici, ils coexistent à l'intérieur de personnages incapables de choisir leur camp. Là où un Tsai Ming Liang décrit le désespoir créé par le vide d'une existence, Yang décrit le malaise de son trop plein, de l'indécision dans un monde où tout va trop vite (reflet de la croissance économique accélérée de Taïwan) et où l'avenir est incertain (à l'époque les Etats Unis étaient plus soucieux du potentiel économique de la Chine que de protéger Taïwan contre les projets d'annexion chinois).
Edward Yang poursuit ainsi son chemin singulier à l'intérieur du cinéma taïwanais en montrant qu'il peut divertir tout en donnant à réfléchir et en ne négligeant pas la recherche formelle.
Une première ébauche de Yi Yi
Vu récemment sur le VCD dont l'image était de bonne facture mais avec des sous-titres anglais illisibles la moitié du temps, A confucian confusion s'est avéré une excellente surprise. Le film était passé à Cannes puis n'est jamais sorti en salles, on se demande bien pourquoi.
Le scénario est ambitieux : les personnages se sont connus au lycée, quittés, retrouvés. Les uns sont dans les affaires, et notamment le monde de l'édition ; d'autres ont une vocation artistique, écrivent ou veulent jouer la comédie. Entre eux se déroule un marivaudage subtil: A drague B, qui aime C, à qui les parents ont arrangé un mariage avec D, qui aime A... Tous les fils seront réunis (et chacun aura trouvé chaussure à son pied) à la fin du film.
Réalisation impeccable, avec le goût que l'on sait immodéré chez Yang (le Michael Mann asiatique, de ce point de vue) pour les vitres, glaces, fenêtres ainsi que pour les intérieurs illuminés de lumières chaudes. Et comment fait-il pour trouver des actrices aussi sublimes !!!
Seul bémol : un ou deux interprètes masculins surjouent le grotesque façon farce (Akeem le fils à papa, le metteur en scène de théâtre), ce qui affaiblit plusieurs scènes.