Animation Illimitée
Vu en 3D stéréoscopique à Annecy, déjà sorti en Chine en début d'année, dans nos salles "prochainement" (mais pas cette année, mais ça sort).
Une expérience sensorielle que j'irai revoir en Imax si possible. Du mélo fantasy honnête (j'ai "larmé" comme une pov' merdouille, j'avoue) et une richesse visuelle folle - des couches et des couches d'informations - avec une animation si généreuse, à tel point "pleine et entière" que je me suis dit, pendant le visionnage, qu'ils avaient probablement poussé les images/sec au plus haut taquet, avec uniquement des poses clés en guise d'intervalles... Ou comme me le disait Catsuka pendant la projection : "ils bougent super réalistes mais en mieux que nous". Même sur les séquences plus calmes ou contemplatives il y a une profusion de détails à l'image, de petites animations, de sfx, de shaders, de particules et sources lumineuses que ça pourra certainement saturer les sens de certains. Le studio a développé des algo maisons pour plein d'effets après deux années de R&D, notamment le rendu style "peintures traditionnelles" impressionnant, ensuite mis a dispo après la sortie du film en Chine pour le reste de l'industrie. Le son, probablement en 15.1 ou Pi.1 et dynamique et tout, peut parfois être agressif bien que je soupçonne le manque de canaux de la salle où je l'ai vu d'être coupable de balances toutes pétées : ça ressemble à chez moi quand je veux forcer du son high fidelity sur mon pauvre système de prolo. Il peut donc y avoir des moments où on se sent un peu dépassé, étouffé ; la vision est exécutée "through & through", sans fléchir, et les moyens - la 3D/CGI comme la 3D stéréoscopique - "flexés" à leur maximum. Un film "high tech" fait pour le format Imax.
Deep Sea est un film important pour l'animation chinoise : la vision d'un auteur qui a eu le budget - 28M de $ - pour faire son film comme il l'entendait. Malgré des recettes de près de 130M de $ pour son exploitation salles dans le pays, plus de trois fois l'investissement, le réalisateur Tian Xiaopeng s'était néanmoins senti obligé, peu après la sortie, de s'excuser auprès de ses investisseurs qui espéraient visiblement plus, et de leur assurer que son prochain projet viserait à reproduire son succès précédent, Monkey King: Hero Is Back avec 156M de $ pour un budget de 16M de $. Un modèle de film plus commercial, léger et plus rapide à produire très certainement. Pour le contexte de ce que vise idéalement probablement tout gros producteur d'animation chinoise dans le business du gros hit : le film d'animation chinois le plus rentable est Nezha (2019) qui a rapporté 740M de $ de recettes pour un budget de 20M de $. Comme me le disait un ami animateur français de gros seins assez populaire, avec son sens de la répartie légendaire, lorsque je lui faisais ce topo : "on est mort." (i.e les autres industries).
Sans être aussi comico-dramatique dans le constat, Deep Sea avec sa production longue de 7 années (deux inondations ont également touché leurs locaux et détérioré une partie des équipements durant ces années) fruit du travail de 1478 personnes, est le témoin par son existence de ce qui est en gestation pour l'industrie de l'animation chinoise, avec un public local très réceptif : les chinois aiment l'animation, elle y est populaire et ils se déplacent par millions (près de 16 pour Suzume cette année !) pour voir des films dans les salles, qu'ils soient chinois, japonais, ou américains ; les plateformes en ligne puissantes se tirent la bourre pour remplir leurs grilles des programmes, un site dédié uniquement à l'animation avec plus de 300M d'utilisateurs actifs mensuels (tjrs en croissance) permet à une flopée d'indés de se faire les dents et à de nouveaux projets de s'exposer (Fog Hill of Five Elements ou Scissor Seven n'en sont que quelques exemples).
Dans ce contexte "socio-culturel" chinois, dans celui de sa production et de son exploitation, mais aussi celui du medium animé en général, dans sa proposition formelle originale réalisée jusqu'au bout, Deep Sea est, je crois, un film important. Et un sacré spectacle.