Xavier Chanoine | 3 | Globalement bien écrit mais souffrant d'une forme trop plate |
Adapté du roman de Takeyama Masatoshi, Departing Osaka Station at 0:00 met en avant une question presque existentielle aux yeux des paumés que nous suivrons pendant près de deux heures : est-ce qu’un voyage, quel qu’il soit, peut changer votre vie ? Certains vont l’apprendre au cours d’une excursion dans le village de Kazumachi, totalement imprévue. C’est le cas notamment de Hanako, une jeune fille suicidaire qui aura loupé de peu son action de mettre fin à ses jours et qui trouvera par la même occasion un billet de 10000 yens glissé par un pervers dans la poche arrière de son jean, Yuka, jeune femme trompée par son petit ami et qui trouva quant à elle le ticket « sans destination » sur le sol de la gare, Wakabayashi-san, récemment viré de son boulot et sans aucune utilité pour sa famille (c’est du moins ce qu’il prétend) ou encore un homme veuf se baladant avec le portrait de sa femme dans son portefeuille, errant sans véritable but. C’est aussi le cas de Michiru, une jeune femme extravertie cherchant une amitié ou pourquoi pas davantage. Tous embarquent à minuit dans ce fameux train qui organise de temps à autres une virée vers l’inconnu. Plutôt originale comme approche du sujet, un tel scénario réserve même son lot de surprises et de rencontres amusantes dans un Japon définitivement rural, celui des vieux agriculteurs et de ceux qui respectent les coutumes vieilles de deux cents ans. On conseille d’ailleurs aux personnes fatiguées d’aller se reposer à la campagne, c’est un peu le cas des héros du film, l’ouverture avec un plan aérien d’Osaka est le parfait contre-exemple du calme et de la sérénité nécessaires à la recherche de soi-même et s’il paraît un poil grossier ou encore trop en décalage avec la réalisation générale du film, d’une platitude trop évidente pour convaincre, il permet d’exprimer en un bref instant les ambitions du film : montrer qu’il ne faut pas oublier les gens qui font leur vie avec pas grand-chose (le jeune médecin, le vieux postier ou encore les propriétaires de l’auberge où mangeront et dormiront une partie des acteurs) dans un univers aux antipodes du bruit, de la vitesse et de la technologie.
Departing Osaka Station at 0:00 (il n’y a vraisemblablement pas plus clair comme titre) met aussi l’accent sur les différences entre la vie urbaine et rurale. D’un côté l’on trouve des personnes constamment agrippées à la nouvelle technologie comme le téléphone portable, un outils qui permettra à Hanako et à Wakabayashi-san de se donner rendez-vous pour se suicider (ou comment montrer que trop de nouvelles technologies peut amener à la perte de quelqu’un, un peu lourd mais notable), et de l’autre des gens qui vivent avec humilité des ressources qu’il possèdent, apportant par la même occasion un certain soutien moral aux personnes qui en ont besoin. Le cinéaste Harada Masaki semble donner davantage d’importance aux personnages et à leur destin qu’à la mise en scène trop académique. Pas un plan n’est raté mais pas un n’est original, d’où ce sentiment d’avoir affaire à un film alternant photo et luminosité correctes et formalisme banal, idem pour le montage ou l’utilisation classique de la bande-son. Mais c’est bien dans son écriture que le film arrive à être intéressant, avec une description d’une jeunesse presque autiste (Hanako et le gamin fan de baseball mettront du temps avant de prononcer le moindre mot) et du monde des adultes inquiétant (proches laissés à l’abandon, résignation, errance) donnant de la couleur et du corps à un film qui n’ose presque jamais. Certaines scènes valent le détour, comme Hanako et Wakabayashi qui n'arrivent pas à se décider pour le suicide (car reprenant peu à peu le goût à la vie) ou encore ces moments tous simples ou femmes et hommes discutent autour d'une table et tissent des liens (Yuka avec le jeune médecin). Mais lorsque le cinéaste se cantonne à faire du boulot bien fait, cela donne Departing Osaka Station at 0:00, ou comment rassembler des gens pas tout à fait sur la même longueur d’onde pour créer des liens et les remettre sur le droit chemin simplement par la force des choses, par le vent qui souffle ou encore les vagues qui s’échouent sur le sable. Un petit rien, un grand bol d’air et la vie reprend son cours.