Un face-à-face entre Lee Marvin et Mifune Toshiro, 2 figures incontournables du 7ème Art, sans aucun acteur secondaire ni figurant, tourné dans des îles désertes de l’archipel de Palau avec en toile de fond la seconde Guerre mondiale, et avec John Boorman aux commandes de l’un de ses premiers films? Sur le papier, ça paraît très alléchant. Et sans réelle surprise, Boorman prend à contre-pied tout ce qu’on pouvait imaginer d’une telle intrigue à la Robinson Crusoë : longues explications sur le passé des personnages ? Vie quotidienne qui s’organise ? Amitié virile entre 2 êtres que tout oppose, à commencer par leur nationalité qui fait d’eux des ennemis ? Rien de tout ça, ou si peu… On est plongé d’entrée dans un long round d’observation entre ces 2 lieutenants qui se retrouvent par l’opération du saint esprit au beau milieu du Pacifique, et ce pendant 40 bonnes minutes par ailleurs pas forcément palpitantes où l’on se toise, où l’on se vole quelques gorgées d’eau de pluie et où l’on se capture mutuellement. Et lorsque la raison reprend le dessus sur la bêtise et que la coopération semble la voie la plus naturelle, on reste plus dans le domaine du respect que dans celle de la découverte de l’autre et de l’amitié : chacun parle sa langue sans aucun effort d’apprentissage d’un côté comme de l’autre, le pathos des scènes potentielles de contemplation et de compréhension est systématiquement évincé pour laisser place au minimum vital : la construction d’un radeau pour pouvoir s’échapper de cet enfer aux allures paradisiaques.
Avec la description de cette opposition incongrue, Boorman dresse un portrait lucide mais pessimiste de l’espèce humaine avec seulement 2 de ses représentants : alors qu’on croit entrevoir une relation amicale possible entre les 2 (quelques indices en guise de fausses pistes comme « j’ai cru que tu étais un japonais » ou comme ce dîner où chacun s’est rasé de près pour l’autre), il suffit d’une étincelle pour que tout s’embrase à nouveau. Film brut et sans concession à l’image de la conclusion, finalement assez difficile d’accès (dans le même genre, Seul au monde est beaucoup plus agréable à suivre narrativement parlant), Duel dans le Pacifique mérite le détour, ne serait-ce pour le charisme et la présence de ces 2 phénomènes que sont Toshiro et Lee.
