Mal de mère
Fort de l'énorme succès de son précédent "Sherina's Adventure", Riri Riza se consacre à un tout petit film beaucoup plus personnel, "Eliana, Eliana". Tourné en quelques jours, en caméra numérique avec essentiellement les deux grandes comédiennes Rachel Mariyam Sayidinha et (surtout) la vedette Jajang C. Noer, Riri Riza réussit de signer un émouvant portrait de femmes esseulées, doublé d'une incroyable analyse de différent intergénérationnel (surtout depuis la fin de la dictature et l'ouverture à la démocratie) et d'une saisissante description de la grande capitale de Jakarta. Peu importe les approximations de la mise en scène (caméra sur l'épaule permettant des nombreuses "prises sur le vif" de la vie quotidienne et une meilleure performance des comédiennes principales) et du montage (le film souffre un tout petit peu de son aspect "amateur" du transfert du numérique sur pellicule 35 mm et est parfois monté à la hache en raison des nombreuses scènes improvisées et pas du tout réfléchies), on se laisse volontiers embarquer dans cette histoire extrêmement personnelle et qui reflète – comme aucun autre – une période entre chamboulement et espoir désormais révolue avec la montée d'idées extrémistes. Sans parler de l'authenticité d'une parenthèse cinématographique quasi unique au sein d'une industrie – déjà, à l'époque – bassement mercantile et formatée.
Et comment ne pas voir en l'histoire d'Eliana et de sa colocataire invisible, la quête d'un amour 100 % féminin, ce de quoi le réalisateur s'est toujours défendu, mais qu'il n'a jamais pu ressusciter, notamment dans l'amorce de son histoire homosexuelle dans "Gie" ou "incestueuse" dans "3 days to forever" et son segment inclus dans "Takut – faces of fear"…
Un vrai film d'auteur.