Gaspar NOE n'a tourné que des films hors normes, et ce Enter the Void l'est carrément. On est directement plongé dans un maelstrom de caméras subjectives, effets visuels et images psychédéliques, ce qui colle assez bien à la première partie centrée sur le jeune américain. Puis, après un évenement scénaristique que je ne dévoilerai pas, tout ces effets perdurent mais leur justification est nettement plus discutable, et leur fréquence d'utilisation trop élevée. Il en résulte que passé une heure trente un sentiment de lassitude s'installe, c'est "too much", l'expérimentation ne sert plus l'histoire et mon impression globale mitigée. Enter the void aurait pu devenir le mètre étalon du film tripant mais ses excès de tics formels et sa durée lui font perdre l'efficacité que le film aurait eu sur une durée plus conventionnelle. Là j'ai frôlé l'indigestion.
Tokyo, entre l'Alpha et l'Omega
Gaspar Noé, cinéaste franco-argentin qui aime cultiver la controverse, écrit dans les années 1990 un scénario qui le suivra bon nombre d'années ;
Soudain le Vide. Le scénario prend ses racines dans le
Bardo Thödol (ou le
Livre des Morts Tibétain). Un livre qui explique les différents moments que traverse l'Âme pendant et après la Mort. Un sujet qui interesse plusieurs auteurs (les romans de Philip K. Dick,
The Wall d'Alan Parker,
L'Echelle de Jacob d'Adrian Lyne, le
Blueberry de Jan Kounen, les
manga de Keiichi Koike...). Un film que Noé souhaitait déjà réaliser à l'époque du dyptique
Carne/
Seul contre Tous. Mais les impératifs financiers lui permettront de faire son film le plus "commercial" ;
Irréversible. Maint fois repoussé, il réalise enfin son petit bijou dont la pre-production commence dés 2005 !
Le film pourrait se diviser trois parties et demie. La première est cette dernière nuit dans la vie d'Oscar, un jeune dealer américain à Tokyo.
Puis, après une longue, mais necéssaire, interlude montrant les conséquences de sa mort sur les proches, on arrive à la deuxième partie, la plus belle, on l'on découvre toute la vie de ce jeune homme, de l'amour protécteur qu'il porte à sa petite soeur Linda, de la perte tragique de leurs parents (scène hyper impressionnante), de ses premières années dans la Ville des Néons, jusqu'à cette triste nuit où il trouvera la mort.
Puis on arrive à la très longue dernière partie (
The Show must go on !, comme disait Freddie Mercury quasi-mourrant) où l'on suit les différents protagonistes essayer de faire face. De là viendra LE grand et unique défaut du film ; une durée étirée à l'éxcés ! (une vingtaine de minutes en moins ne serait pas du luxe), où l'on sent que le cinéaste (qui aura quand même mis une bonne quinzaine d'années pour le faire aboutir) ne veut absolument pas finir son film, un peu comme
Le Retour du Roi de Peter Jackson. (
ATTENTION SPOILER !!! : J'en veux pour preuve la scène quasi-finale du
Love Hôtel où la coupe de trois scènes de chambres à baiser, quelques transitions sur les sources de lumière, redondantes à force, la scène du cauchemar sur la resurrection d'Oscar et aussi la sous-intrigue sur la clochardisation d'Alex, le meilleur ami d'Oscar, auraient fait gagner au film plus d'intensité.
FIN DE SPOILER).
Des scènes chocs, il y en a. Après, cela dépend du seuil de tolérance que l'on peut avoir (si vous venez voir un film de Gaspar Noé, vous savez ce que vous allez voir). Pour l'auteur de ces lignes, un simple plan sur une femme qui avorte (c'est plus l'image en elle-même que le sens qui choque), un brutal accident de voiture, suffisent à le mettre plus mal à l'aise que d'habitude. Mais le film est une veritable performance visuelle. Des plans de Tokyo comme on avait jamais vu auparavant. Tout cinéaste qui se respecte ne peut qu'être jaloux de l'exploit réalisé ! Un exploit est aussi la reconstitution en maquettes de Tokyo. Impréssionnant !
Egalement impressionnant est le casting (pour ce que l'on en voit). La belle Paz de la Huerta est magnifique et émouvante en jeune fille perdue (avec une vraie consistence, à l'inverse de
The Limits of Control de Jim Jarmusch où elle jouait sublimement les inutilités). L'excellent Nathaniel Brown porte le film par sa présence et surtout par son absence (choix très courageux pour un jeune acteur que de n'apparaître face-caméra que 3 minutes sur un total de 2h35 de métrage), aussi excéllent est Cyril Roy en sorte de grand frère pour le jeune Oscar (c'est lui qui raconte quasiment dés le début tout ce que sera littéralement le film), le réalisateur Masato Tanno en mac-yakuza amoureux, mais aussi le jeune Olly Alexander en jeune fils-à-maman junkie et tête-à-claques. Un énorme bravo aussi pour les enfants Jesse Kuhn et surtout la petite Emily Alyn Lind, qui brillent dans un film des plus difficiles. Chapeau bas, l'artiste !
Entre les premiers épisodes de
Pokemon (ceux avec Pikachû qui lance ses éclairs dans les rétines des téléspéctateurs japonais), le tout début de
YuYu Hakushô! (où Yûsuke voit les conséquences de sa mort sur son entourage) et un scénario de Takashi Ishii où Nami et Muraki seraient frère et soeur,
Enter the Void (puisque le film sortira dans les salles sous son titre international) est une experience qui se vit pleinement dans la tronche en salles. Quiconque survit à l'épreuve du double générique de début (une grandiose idée poussée à son paroxisme sur ce film) peut s'envoler dans un maëlstrom visuel mental et visceral.
Ce film arrive à une époque où, en cette année 2010, l'on privilégie des films mentaux, des trip-movies qui essaient d'aller jusqu'au bout du Cinéma, comme le somptueux
Amer d'Hélène Cattet et Bruno Forzani,
Valhalla Rising de Nicolas Winding Refn,
Inception de Christopher Nolan et
Tron Legacy de Joseph Kosinski. Un grand bien après des années de films de plus en plus standardisés. Ce qui n'était encore, il y a quelques années, qu'une proposition de cinéma, s'amplifie avec les années (
Miami Vice de Michael Mann,
99F de Jan Kounen,
Paprika de Satoshi Kon,
Amer Béton de Michael Arias,
Martyrs de Pascal Laugier,
Vinyan de Fabrice du Welz..), et ce n'est pas plus mal.
Enter the Void ou le premier film de fantôme entièrement en caméra subjective.
PS : Ce film est purement et extrêmement déconseillé aux épiléptiques !