Recueil des extrêmes
Le recueil de courts et moyens métrages semble être à la mode ces dernières années : September 9/11, Jam Films, Three, About Love,… Si cet artifice redore le blason trop longtemps délaissé des œuvres inférieures à l’heure, il instaure en contrepartie une sorte de concours entre les films réunis plutôt malsain pour la cohérence et l’intérêt de l’ensemble. Eros, comme son nom l’indique, est une réunion inégale et bancale de variations sur le thème de l’érotisme, dont les transitions hideuses composées d’estampes mal filmées sont heureusement accompagnées d’une mélodie déjà entendue chez Wong Kar-Wai :
Le premier court est signé Antonioni, le vieux maître italien, qui à 90 ans n’a malheureusement plus rien à apporter au Cinéma au regard de cette croûte auteuriste qui diffère d’un téléfilm érotique de M6 uniquement par ses dialogues prétentieux et ses 2 plans contemplatifs du paysage. J’avais pourtant adoré la fraîcheur de Par Delà les nuages tourné 8 ans auparavant, mais quand on constate que le seul élément vaguement érotique – malgré les filles à poil – est une bagnole décapotable, on a envie de lui susurrer à l’oreille (quoique, vu son âge, il vaudrait mieux sérieusement élever la voix…) une des répliques de son actrice : « pourquoi ne pas admettre que tout est fini ? » - Note : 0,5 / 5
Le second chapitre, signé Soderbergh, laisse sceptique : un rêve érotique vaseux qui finit en une interminable séance de psychanalyse dans un noir et blanc crasseux, est-ce un indice significatif du puritanisme ambiant aux USA ou au contraire un plaidoyer pour l’entretien de ses fantasmes en tant que partie intégrante de la vie ? A vrai dire, on s’en fout pas mal et on est bien content que cet exercice de style vain et laborieux se termine – Note : 0 / 5
Nous voici arrivés au meilleur morceau, le Wong Kar-Wai. Et là, c’est heureusement l’enchantement promis. L’histoire est simple mais belle (un tailleur éprouve une admiration et une fascination pour sa cliente, star locale, au point d’en faire une obsession et de lui coudre des robes à foison, mais la belle joue avec lui et le renie avant de revenir vers lui), et l’érotisme, la sensualité font enfin leur apparition sur l’écran (à l’origine, on était là pour çà…) : maîtrise formelle hallucinante où une main passée sur une épaule, posée sur un ventre ou glissée entre des cuisses provoque un trouble indéniable, continuité d’un univers propre à son auteur avec une photo magnifique signée Doyle et des personnages faisant écho à d’autres personnages de ses films précédents et suivants, étincelles provoquées par le couple, mélodies collant à la peau des images, bref il n’y a pas grand-chose à dire d’autre que « bravo ». Note : 4,25 / 5
Avis partiel et partial.
Partiel car je n'ai guère envie de m'étendre sur Equilibrium de Soderbergh ou sur "the Dangerous Thread of Things" d'Antonioni et partial car la cause de cela est simplement M. Wong-Kar Wai. Je rachète tout de même rapidement la fable sympatique sans plus de Soderbergh pour sa vision grimaçante de l'amour et pour deux scènes: celle où le divan fait symétrie entre les deux personnages et celle des avions en papiers. Le cas d'Antonioni est plus délicat. Même en cherchant bien, il est difficile de trouver un sens caché à ce qu'il nous montre. Peut-être faut-il atteindre un âge avancé pour trouver la sagesse qui donnera la clef de tout cela. En attendant, le spectateur s'ennuie faute de trouver un sens. Le point commun de ces deux films reste leur inadéquation au titre global.
Qu'importe finalement puisque d'un point de vue personnel il me suffit d'un peu plus de 30 minutes de Wong-Kar Wai pour ne plus même penser qu'un autre cinéma puisse encore exister en dehors de lui. L'impression globale après la première vision est que rien ici n'est en trop, chaque plan a non seulement sa raison d'être par rapport à l'histoire, mais se justifie aussi pleinement pour lui-même. Wong-Kar Wai nous découvre l'érotisme à sa source, dans ce qu'il a d'instantané, dans le vécu immédiat d'une relation à l'autre que ce soit directement ou à travers l'objet. Car l'érotisme selon Wong-Kar Wai n'est pas quelque chose que l'on peut montrer, c'est une relation vivante où tous les sens sont appelés à se rassembler pour laisser apparaître cette union primordiale à l'autre. Tout cela nous est rendu par une construction d'une précision presque inconcevable. Là il est clair que Wong-Kar Wai appartient à un autre univers cinématographique. Ici le froissement des tissus est lumière, les couleurs sont musique et les sens s'immèrgent dans la profondeur de l'image déployée. Wong-Kar Wai est et reste l'artiste de la sensualité, une sensualité non pas exposée mais interrogée, devant laquelle on reste en écoute perceptif aux échos qu'elle nous renvoie de notre propre inimité. Après le montage, les angles, la photo de Christopher Doyle, Gong Li et Chang Chen, bien sûr tout cela est preqsque parfait, mais surtout rien n'est gratuit, tout est au service de la tâche dont Wong-Kar Wai ne s'est jamais éloigné: faire partager les émotions. Après analyse on pourra trouver pas mal à dire sur ce film, à chaud que qui m'apparaît le plus clairement c'est le lien qu'il peut avoir avec les Cendres du Temps. CHANG CHEN, qui dans 2046 venait combler le vide laissé par l'absence de Leslie, transpose ici le rôle Malicious West. Là où Leslie agissait à travers les autres, Chang Chen agit par l'intermédiaire de la matière. La perte de l'être aimé qui se tourne vers la certitude martérielle est la même, le souvenir et son oubli impossible aussi et si les retrouvailles deviennent ici possibles, la fin ne peut être différente.
Alors même si Wong-Kar Wai continue de se réciter lui-même, c'est pour notre plus grand plaisir, un plaisir unique, sensuel, érotique...
Griffes fatiguées...
Projet autour de l'érotisme réunissant Antonioni et deux de ses admirateurs les plus célèbres, Eros est un film à sketches dans l'ensemble dispensable. Si le Wong Kar Wai se détache du lot, c'est plus par défaut et il demeure très loin de ses meilleurs films.
Le périlleux enchainement des choses : De la part d'une figure qui fut dans les années 60 à la pointe du renouveau du cinéma, ce sketch est une immense déception. La thématique antonionienne de l'incommunicabilité et ses expérimentations formelles ont eu une descendance abondante mais pas toujours brillante. Pour deux chefs d'oeuvre sous influence antonionienne (le Mépris, Eyes Wide Shut) et quelques figures notables du cinéma contemporain (Tsai, Suwa, Wong Kar Wai, Wenders, Sofia Coppola...) combien de 29 Palms où son héritage fut transformé en simple façade auteurisante. Mais Antonioni parvient ici à se hisser au niveau de ses pires suiveurs. Avec un pitch que lui et le cinéma d'auteur ont mille fois traité: le couple en vacances qui s'ennuie et l'homme attiré par une femme beaucoup plus jeune qui lui. S'ils tombaient épisodiquement dans le symbolisme lourd (le plan large pour montrer la solitude), ses classiques brillaient le plus souvent par leurs non-dits. Mais ces travers qui étaient autrefois l'exception semblent être ici devenus la règle. Scénario comme dialogue surlignent ainsi à gros traits ses fameuses thématiques de l'ennui du couple et de l'incommunicabilité. Thématique ici livrée en version light, caricaturée. L'Antonioni's touch devient alors un simple vernis derrière lequel transpire la prétention puante du projet. Et très vite le film sombre dans du cinéma d'auteur érotico-arty qu'on croyait disparu avec les années 80, se met à sentir le simple prétexte pour filmer nues ses actrices. Dans le genre vieux maître lubrique, on préfère un Imamura vraiment jouissif. Navrant. Mieux vaut voir ou revoir ses classiques (Blow Up, l'Eclipse, l'Avventura) disponibles dans d'excellentes éditions DVD. 0/5
Equilibre: Après une explosion grâce à des oeuvres auteurisantes, Soderbergh avait su se montrer plutôt convaincant comme simple artisan hollywoodien (l'excellent Hors d'atteinte par exemple). Mais ici ses vieux démons auteurisants semblent l'avoir repris. Lors des scènes rêvées, la caméra gesticule ainsi vainement. Et -idée clinquante- les passages chez le psychiatre à l'ambiance très film noir classique sont en noir et blanc tandis que le reste est en couleur. Le comique autour des tentatives du psychiatre de s'occuper de son patient tout en lançant des cocottes en papier à un individu qu'il voit par la fenêtre est lourd, répétitif. De même que l'usage du hors champ d'ailleurs... Et ce n'est finalement que du concept vite usé: un patient qui a "perdu l'équilibre" à cause de ses rêves, un psy qui veut "garder l'équilibre" entre son patient et le personnage de la fenetre. Les révélations finales n'apportent strictement rien et tout ceci se révèle assez vain. 1.5/5
la Main: Ou Wong Kar Wai se détachant par défaut. La forme a les mêmes travers que celle d'In the mood for love: elle sent la maîtrise trop froide, le cinéaste trop conscient de ses effets. Si l'idée d'un film sur le toucher et la fin évoquent le SRAS sévissant à Hong Kong lors de sa conception, le film ne fait globalement que dérouler des thèmes évoqués dans In the mood for love. Reste qu'il s'agit du seul sketch avec un vrai effort de construction narrative: une répétition théâtrale de situations en forme de structure à la In the mood for love version courte. Ensuite, l'alchimie Chang Chen/Gong Li prend très bien tandis que le romantisme des situations fait son petit effet sur la longueur. Sans compter un superbe score signé Peer Raben. Griffe In the mood for love? Certes. Mais cette question renouveau ou pas renouveau pose-t-elle vraiment problème? C'est moins ici le renouveau qui manque que la grâce et les accidents faisant le sel des meilleurs films du cinéaste. Ce charme de l'imprévu que Wong Kar Wai retrouvera dans un 2046 controversé au charme plus malade mais aussi plus fascinant. Et la Main reste qui plus est très au-dessus des autres sketches comme du tout-venant asiatique contemporain. 3.5/5
Le film va donc crescendo mais le problème est qu'il faut subir un navet et un sketch médiocre avant un dernier tiers meilleur. A voir si l'on peut rentrer en salles au début du dernier tiers ou à regarder en DVD pour sauter directement au dernier sketch.
Une idée intéressante à la base...
Mais les films présentés sont bien inégaux et n'ont pas vraiment de raison à s'y retrouver ensemble. Seul le thème de l'érotisme est insuffisant pour en assurer la cohérence.
Un par un, chaque réalisateur présente sa petite vision de la chose, mais rien de vraiment novateur. Au final, un Antonioni plutôt sympa, un Soderbergh assez vide, et un Wong Kar Wai qui fleurte avec l'auto-plagiat (In The Mood for Love)...
Déséquilibre
Belle idée au départ que de réunir le vieux maître italien et deux de ses continuateurs inspirés.
Mais ce film souffre de grosses différences qualitatives selon ses segments,et du coup y perd une homogénéité que le thème central de l'amour a bien du mal à maintenir.
Le périlleux enchainement des choses: Antonioni nous livre un sketche d'une fidélité totale à son oeuvre,mais sans aucune surprise ni beaucoup d'inspiration.Ses héros font figure de pantins sans âme déambulant dans un univers bourgeois désenchanté pas trés original,sur des dialogues insipides et creux.Pas complètement inintéressant,mais loin d'être inoubliable malgré la prestation correcte du fils Buccholz.
1,5/5.
Equilibre:Quand Soderbergh réalise des films sans se prendre pour un génie tortué,cela donne L'ANGLAIS ou HORS D'ATTEINTE,remarquables exercises de style néo-polar.Mais ses démons auteurisants n'étant jamais bien loin,il nous livre cet insupportable EQUILIBRE,se voulant plein d'un humour intelligent.Las,tout n'est ici que prétention,bavardage inepte et situation répétitive n'engendrant pas le moindre sourire et un ennui de moins en moins poli.Les effets de couleurs ne changeront rien à l'affaire:voilà une parfaite daube insipide.
0/5.
La main: Wong Kar-Wai se taille bien sûr la part du lion,mais cela n'était pas trop difficile sur ce coup-là.Trés proche des univers de In the mood.. et 2046,avec le même duo d'acteurs que pour ce dernier film,LA MAIN est donc une belle histoire romantique aux images soignées,aux costumes impeccables et au décorum sixties,bercée par une musique nostalgique et langoureuse.Un concentré de l'univers cher au cinéaste, ici la répétition des scènes entraîne vite la fascination et non la répulsion comme chez Soderbergh..On pourra reprocher à WKW de capitaliser sur une recette qui a fait sa gloire,mais sur ce court-métrage-là,la magie opère encore et le charisme du couple vedette n'est pas étranger à cette réussite.Gong Li est de plus en plus hallucinante de beauté et d'élégance,et la prestation de Chang Chen est en parfaite adéquation avec ce que son personnage éprouve face à une telle créature.
Cette troisième partie ,celle dont on attendait le plus, ne déçoit donc pas.Mais elle reste la seule véritable raison de voir ce projet finalement bancal et déséquilibré.
4/5.
A voir pour le Wong Kar Wai !
Pas d’autre choix que d’oublier que les trois films dont il est question n’ont absolument rien de commun et que leur réunion en une seule entité est d’une superficialité assez ridicule. Bien obligé donc de juger les trois oeuvres séparément :
Antonioni : Pas de grand intérêt. La seule chose qui semble intéresser Antonioni c’est de filmer des femmes à poil. Pourquoi pas ? Finalement, on connaît de plus mauvaises préoccupations artistiques et on peut se réjouir de l’absence totale de scrupules d’Antonioni... mais on peut aussi trouver ça franchement ennuyeux.
(1/5)
Soderbergh : On retrouve à la fois les qualités et les défauts de Soderbergh cinéastes très inégal : Très bon en général quand il ne se prend pas au sérieux et reste dans le cadre du cinéma Hollywoodien classique (Hors d’atteinte, Erin Brockovitch, L’Anglais, Ocean Eleven...) et assez insupportable quand il se prend pour un auteur à l’Européenne et joue au plus malin. Ici, on a un peu le mix entre ses deux facettes pour obtenir au final un objet anecdotique, formellement assez laid, qui, c’est vrai, arrache quelques sourires mais qui est aussitôt oublié.
(2./5)
Wong Kar Wai : Voila enfin le morceau de choix de ce programme. Plusieurs remarques :
- Des trois c’est bien le seul film qui répond au cahier des charges et où l’érotisme est réellement présent. Même si soderbergh et surtout Antonioni ont montré des filles dénudés il n’y avait pas la moindre trace d’érotisme dans leur film ! WKW, lui a bien compris que nudité et érotisme n’ont rien à voir et s’il ne nous montre pas grand chose son film est d’un érotisme troublant. Chez WKW la caresse d’une robe est 100 fois plus érotiques que 10 filles nues chez Antonioni !
- J’avais été un peu déçu par le rôle de Gong Li dans 2046 qui était très en retrait par rapport à Zhang Ziyi ou Faye Wong mais ici WKW lui a vraiment concocté un de ses plus beaux rôles et son personnage est réellement bouleversant.
- On pourra sans doute faire les même reproches qu’à 2046 et se plaindre que WKW capitalise sur le succès d’In the mood for love mais n’est ce pas le propre des grands cinéastes de creuser encore et encore le même sillon ? Même si on peut préférer Chunking express ou Les anges déchus (comme c’est mon cas) on est bien obligé de constater qu’avec In the Mood for Love WKW a atteint une sorte de perfection formelle et l’aboutissement d’un style qui lui est profondément personnel et qu’il est loin d’avoir épuisé. Il est alors difficile de lui reprocher de continuer dans cette veine même s’il faudra bien qu’il passe à autre chose dans le futur.
- La scène d’amour de la fin est la plus belle qu’il m’ait été donné de voir au cinéma avec celle de Mulholland Drive.
Au final une histoire d’amour fou et impossible d’une très grande élégance avec deux acteurs magnifiques et un wong Kar Wai en pleine forme : Que demande le peuple ?!
(4.5/5)
Conclusion : Arrivez après une heure de séance !
Antonioni et Soderbergh ont perdu la main... mais pas Wong Kar Wai.
Le segment d'Antonioni est inutile, long, convenu et vraiment très très décevant de la part du metteur en scène si pudique (
l'aventura) et si provoque (
blow up), c'est simple on se croirait devant un mauvais téléfilm.
Soderbergh offre un segment déjà plus interesant au niveau esthétique, une photographie et des angles interessant (Soderbergh s'occupe toujours lui même de sa photographie sous le pseudonyme de Peter Andrew) néanmoins c'est très très lourd malgré une première scène onirique très légère et intrigante. La partie psy est vraiment longue et les effets comiques tombent à l'eau.
Wong Kar Wai reste égal à lui même (et dire qu'on est obligé de se farcir les deux segments précédents avant d'admirer celui-ci). Que ce soit la texture de l'image (Christopher Doyle), l'intensité dramatique, le rythme, les thèmes, tout reflète l'univers de l'auteur le plus marginal et talentueux de Hong-Kong. Chang Chen (
Happy Together, 2046) et Gong Li (
2046) sont tout simplement magnifiques. Avant 2046, il y avait déjà donc ce
90 - 60 - 90 avec Chang Chen en tailleur et Gong Li en prostituée.
Eros, à voir seulement pour le segment réalisé par Wong Kar Wai (qui vaut bien 4/5).
Bof bof
Trois segments sur l'amour ...
"Il filo pericolo delle coso" de Michelangelo ANTONIONI .
C'est l'histoire la plus courte, mais ce segment m'a semblé interminable . Il ne se passe rien, les acteurs sont en roue libre et manquent cruellement de charisme . Ce segment est banal, il n'y a rien " d'EROS" dans ce court si ce n'est la vulgarité .
0/5 .
"Equilibrium" de Steven SODEBERGH .
Cette histoire est plutôt cérébrale, il y a de bonnes idées, des acteurs corrects ... On sourrit de temps en temps, mais le film n'est pas transcendant ... Domage . 1.5/5 .
"The Hand" de WONG Kar-Wai .
C'est le meilleur des trois segments . L'histoire est bien menée, l'émotion est là, les acteurs sont criants de vérité : GONG li est touchante dans le rôle de cette prostituée, telle une rose écarlate et éclatante au début puis fanée par les aléas de la vie ; CHANG Chen est parfait dans son rôle de tailleur timide et d'amoureux transit . 4/5 .
Pour conclure, trois réalisateur : ANTONIONI dont la carrière est derrière lui, un SODEBERGH peu inspiré et WONG Kar-Wai fidèle à lui même .