Baka !
Les rats en rut râleurs se ramassent à la ruelle ! Voilà un incontournable qui m'avait jusqu'ici joliment contourné, me draguant de temps à autre avec sa réputation non usurpée de bijou du genre. Violence dingue, femmes qui le sont aussi – dingues et violentes -, magnifique Meiko Kaji aux si jolis contours, mise en scène sacrément inspirée et superbe chanson - dont le culte s'est vu entériné grâce à son incorporation au Kill Bill de QT -, justifient cet enviable statut.
Pièce majeure du WIP, a.k.a « Women in Prison », ce glorieux opus de la saga consacrée à la femme Scorpion fait davantage qu'honneur à ce sous-genre qu'on peut à peu près objectivement – si, si - qualifier de putassier. Sous couvert de dénoncer l'asservissement de la femme, on y déballe usuellement tétons, violence, relations dominants / dominés / dominique-nique-nique avec entrain.
En se servant avec grand talent d'une surenchère stylistique joliment poétique dans la plupart des rebondissements de cette histoire absconse, les artistes font passer en force l'ellipse gonflée qu'est l'évasion tout sauf accessoire de Sasori de sa cage aux corbeaux, l'incohérence de cette arrivée absurde de cette même Sasori en prison, qui se fait arrêter volontairement afin de se venger d'une tolarde alors qu'elle-même est recherchée pour une tripotée de meurtres gratinés ; hasards un peu trop convergents le temps d'une poursuite où la ville ne semble se résumer qu'à une seule rue ; réactions machistes figurées à l'excès lorsque des policiers revêtent une tenue de kendo pour mieux exploser une malheureuse à coups de bâtons au commissariat (et de s'évanouir sur un tas de casques de CRS, symbole phallocrate évident), j'en passe et des meilleurs. Mais comme on dispose là, justement, du meilleur, ça passe comme une lettre de dénonciation à la Poste.
Dans ce univers délirant, ces salauds d'hommes ne voient les femmes que comme de la viande. A Sasori, délicieux steak plus barbare que tartare de se faufiler sans soucis dans les méandres de bitume malgré sa trombine affichée partout dans la ville. Son buste attire les porcs ! Et moi son visage, tellement beau. Seules les femmes entre elles se reconnaissent, seul l'homme au membre coupé (son bras) sait reconnaître sa castratrice ! L'introduction démentielle pendant laquelle un policier se fait trancher le bras droit par notre héroïne donne le ton. Menottée à ce morceau de chair et d'os, elle s'enfuit en pleine ville avec cet affreux bagage au poignet. De jour, elle transperce une foule de piétons à peine concernés. Toute sa vie se voit ainsi résumée. On sait dès lors qu'elle aura beau vouloir se venger sans cesse des hommes, faire couler leur sang encore et encore, cela n'empêchera en rien ce membre qui en est gorgé, symbole du vit, de la harceler comme un énorme doberman en rut se frotterait à sa jambe ad vitam eternam. A un chien, d'ailleurs, plus tard, de récupérer ce bras en décomposition et de se promener dans cette même ville bondée sans que personne ne remarque la putréfaction ambulante. Des rats ; voilà ce que sont ces petits êtres courbés dans leur médiocrité, victimes et satyres mis dans le même panier aux yeux des dits respectables, dont les têtes oisives, perchées dans les gratte-ciels, s'étonneront un jour de se chopper la peste. Membres d'un fléau dans le déni qui s'ignorent ! Les rats se bouffent entre eux, se torturent entre eux. Ils ne coexistent et ne se font du mal que parce qu'ils ont accepté de faire partie de cette corporation de « ratés » régie par des règles souterraines. Une partie du film se passe dans un égout, un endroit où toutes les ordures qui hantent ce film ont leur place. A cette ville fantasmée d'apparaître alors comme un gigantesque égout puant, une prison géante en béton où la femme n'en finit pas de se faire humilier, maltraiter. Et de ce cloaque nauséabond jaillit une nouvelle fois la beauté incarnée, couteau à la main et regard inoubliable de folie vengeresse ! Lis du Zola, Sasori, ça te dégoûtera aussi de la campagne.
Un bijou de cinéma d'exploitation stylisé
Sur ce troisième volet de la série Sasori, Ito Shunya a obtenu les pleins pouvoirs artistiques suite au gros succès des deux volets précédents. Mais mécontents de ce qu'il fit de cette "carte blanche", la TOEI ne lui permettra pas de réaliser l'épisode suivant, en confiant la réalisation à HASEBE Yasuharu. Au visionnage de ce troisième volet, on comprend ce qui a pu décevoir la TOEI. Le film va en effet encore plus loin dans le dynamitage du cahier des charges du revenge movie à coup d'échappées surréalistes.
Et même s'il le fait en partie au détriment de l'équilibre de la structure narrative du scénario qui a ses longueurs, le film offre un spectacle hautement recommandable à l'amateur de cinéma d'exploitation visuellement inventif. Le film se place d'ailleurs dès le début sous le signe de la fulgurance visuelle avec un superbe plan où la série d’avis de recherches de Sasori se superpose aux images du tunnel du métro. Et comme si ça ne suffisait pas, un superbe et long travelling accompagne la course de Sasori dans le wagon. Avant que la séquence en plein air offre à son tour une belle surprise visuelle et narrative. Un long travelling et des ralentis suivent Sasori portant un bras d’homme tranché à la main sous le regard de passants partagés entre étonnement et indifférence. On pourrait tenter de donner une interprétation politique de cette scène à la lumière de la série et d'autres séquences du film. Mais celle-çi n'a nullement besoin de dimension symbolique ou de commentaire social pour être pleinement ressentie dans toute sa force. La dimension politique n'est d'ailleurs pas forcément l'aspect le plus intéréssant de ce volet-là. La mise en scène s'attarde en effet un peu trop sur les passages montrant Sasori face à sa machine à coudre, exploitée à la fois en tant que prolétaire et en tant que femme. De même, pas besoin de se demander si le passage malaisant du chien bouffant le bras coupé au milieu de la rue est racolleur ou pas. Il est là, point. C'est le caractère surréaliste de la situation qui lui donne toute sa force.
Pour en revenir au menu des réjouissances formelles, Ito Shunya déploie un attirail fait de zooms, de cadrages penchés et de grand angles sans jamais sombrer dans la fausse audace. Cette inventivité visuelle se retrouve d'ailleurs lors du plan se subisituant au regard de Sasori enfermée dans les égouts montrant son amie cerclée de noir, du beau travail sur les ombres de certains passages du film, de ces plans au travers de l’eau ou d’une vitre évoquant le chaos mental de Sasori et d'un adieu final à Sasori au milieu d’avis de recherche en flammes. Au rayon des idées narratives donnant au film sa puissance visuelle, on trouve d'ailleurs la superbe idée des alumettes tombant dans les égouts et la superbe passage montrant Sasori surgissant de derrière une pierre tombale telle un zombie. Le talent et le charisme de Kaji Meiko donne de fait l'impression qu'elle surgit à chaque scène d'entre les morts. Les décors alternant saleté et façades clinquantes participent aussi du pouvoir hypnotique du film. Au rayon des scories formelles, on a la façon dont la caméra s'attarde un peu trop sur certains détails révélateurs. Le film a aussi ses morceaux de bravoure tels que la fuite dans les égouts en feu ou son final en prison. Et son score est encore une fois superbe. Quant aux bad guys du film, s'ils sont grotesques, ce grotesque n'est pas comme dans le premier volet surligné par un surjeu forcé.
La combinaison réussie de tous ces ingrédients fait de Female Convinct Scorpion: Beast Stable une réussite du cinéma d'exploitation japonais seventies et un témoignage d'une époque où innovation formelle et radicalité du propos allaient de pair. Comparés au film, beaucoup de films de genre actuels semblent datés...
Maîtrise évidente
Dans la veine du cinéma d'exploitation des seventies, ce troisième volet des aventures de la femme Scorpion ne renie en rien ses origines. Bien au contraire, il déverse son pouvoir subversif avec une arrogance digne des grands maîtres du genre, mais une bonne arrogance, justifiée et implacable puisque Ito Shunya est l'un des grands patrons de ce cinéma. Et si
Beast stable évoque par moment une certaine caricature de ce cinéma d'exploitation en recyclant sans gêne les codes inhérents au genre, notamment dans le jeu de la louve Kaji Meiko, Ito les transcendent pour mieux les maîtriser. Si les couleurs du chant de la sorcière dans
Elle s'appelait Scorpion, chef d'oeuvre, évoquent une certaine idée du kitsch et du fantastique (dans un univers réaliste donc manquant de cohérence), les nombreux jeux d'ombre et de lumière semblent ici marquer cette maîtrise, tout comme cette avalanche de solutions visuelles remarquables à base de negative color, renversements de caméra à la Fukasaku, jeux de point au premier et second plan et superposition d'images. Il faut dire que
Elle s'appelait Scorpion jouait de son onirisme pour déstabiliser son spectateur. L'ajout d'éléments fantastiques, bien que purement visuels, apportent la plue-value dont avait besoin la série pour se redonner un coup de boost : les allumettes jetées dans les bouches d'égout, les spots de lumière rivés sur le visage d'une prisonnière, Kaji Meiko courant dans la rue comme si de rien n'était avec le bras arraché de son assaillant menotté à son poignet, la subtile utilisation du score de Kikuchi Shunsuke (
Dragon Ball? C'est lui!) aussi mystérieux que chimérique, tout contribue à la réussite de
Beast Stable malgré sa narration manquant de punch, le jeu de ses acteurs particulièrement mauvais (excusable car bis), le besoin de racolage évident de tout bon film d'exploitation nippon à base de tortures variées (club de golf introduit dans un vagin, avortement à la pince...) et d'humiliations ici inoffensives (Kaji Meiko enfermé dans une cage de corbeaux). Tout de même marquant.
Encore un cran au dessus du deuxième
Dans le fond il est regrettable (personne n'en doute) que Shunya Ito ait été viré des commandes de la série dès après le troisième opus. En effet, si l'on en croit l'évolution dans ses réalisations, on peut imaginer que le quatrième volet aurait été explosif car encore mieux.
Ici le récit est mieux maitrisé et échappe un peu au coté collage des deux premiers opus, qui donnait une impression de décousu. Les recherches stylistiques s'intègrent parfaitement dans cette trame et atteignent par là-même un degré supérieur, hors cet aspect de gratuité qu'ils pouvaient avoir (même si j'étais loin de m'en plaindre alors). Le personnage créé par Kaji Meiko est ici plus fin, plus sensible, ce qui ne nuit en rien à ce qu'on vient de dire, bien au contraire. S'évanouit alors aussi cette impression de langueur dans le montage de ses devanciers: ici le rythme est irréprochable (ce qu'il n'était pas dans le deux et encore moins dans le premier) et parfaitement fluide.
Hors le fait que cet épisode quitte vraiment les rails de la production d'exploitation au sens trivial (avec son cahier des charges de sang et de femmes à poil), cette suite est presqu'en tout point supérieure à ses prédécesseurs. Peut-être pourra-t-on regretter quelques envolées surréalistes du deuxième épisode, certes, mais à l'instar du décor (une nouvelle fois innovant par rapport aux préquelles) celui-ci pourra bien être apprécié pour sa relative nouveauté et sa maîtrise plus grande.
Et puis Sasori, quelle femme!!! JE VEUX LA MÊME A LA MAISON!!!!!
Western urbain.
Troisième épisode la série des Sasori, qui se déroule cette fois-ci en milieu urbain.
Au menu, entre autres : Sasori aux prises avec des Yak (nan, pas les bestioles à cornes) et un inspecteur pas content.
Dans le ton des précédents, un climat toujours aussi froid et cru (et encore plus épuré, le film est quasi-muet), mais on renouvelle un peu le décor, et on introduit un personnage secondaire plus consistant que ceux des 2 précédents Sasori.
Jusqu'aux 10 dernières minutes, la barre est placée plus haut que les deux précédents opus, et malgrès une ou deux insistances trop prononcées pour certaines scènes, l'ensemble du film est excellent, à l'image de sa real.
Malheureusement, dans la dernière partie, au demeurant très bien, intervient un gros bug de scenario, et non des moindres, ce qui plombe pas mal le film...
Et qui, au lieu de le placer au-dessus des 2 premiers, me fera le placer juste au même niveau que le second, dommage..
Ceci dit, si on a apprécié l'univers dans les deux premiers, ça reste un très, très bon film.