Condition cruelle
Désespéré et portrait pourtant réaliste de la femme au cours des années d'après-guerre, Les femme de la nuit est l'un des films les plus pessimistes de Mizoguchi. Le ton est donné dès les premières minutes et le spectateur est déjà mis au courant de la pauvreté du quartier d'Osaka avec une femme condamnée à vendre ses biens pour survivre. De plus, le thème de la prostitution est clairement évoqué même si l'ensemble est nuancé, la patronne du petit bazar improvisé parle de ce métier sans pour autant prononcer "prostitution" ou autres termes "dégradants" pour la femme de bonne éducation sans pour autant être de bonne condition. Le thème de l'amour est aussi vaguement vu, sous-jacent à celui de la guerre puisque la jeune femme parle de son mari en espérant le voir revenir au plus vite, mais seule sa dépouille reviendra en Osaka. Seule et sans le sous malgré les ressources de son beau-frère, elle décide donc de se rallier aux femmes de mauvaise vie, comme sa soeur devenue riche et coquette depuis qu'elle fréquente les quartiers malfamés d'Abeno.
Mais le premier contact avec le métier n'est qu'un pur attrape nigaud, séduite par un jeune étudiant inconnu, elle tombe alors dans les mailles infernales de la prostitution, de l'exploitation et de l'humiliation, incapable de s'en sortir. Le cercle des prostituées, infranchissable est représenté et imagé par cet hôpital encerclé d'un mur de 5m de haut, rehaussé par des fils de fer barbelés. A la fois impénétrable (des femmes redoutables) et infranchissable (on ne sort pas si facilement d'un tel cercle), l'endroit n'est qu'un refuge où les libertés sont tout simplement privées, et en voulant quitter ce cercle, Fusako subira les pires souffrances. Cruel portrait d'une société laissant les femmes sur la touche ou les laissant "s'entre-dévorer", Mizoguchi dépeint un Osaka pessimiste et crade, non sans rappeler ses futurs travaux sur La Rue de la Honte, là aussi un pamphlet absurde et violent sur le pouvoir de l'argent. Déprimant mais tellement réaliste...
Sombre
Visionner Les femmes de la nuit, c’est tourner une page d’Histoire, c’est assister comme devant Le Cimetière de la morale à la renaissance apocalyptique d’un Japon d’après-guerre meurtri et désenchanté. Comme souvent, Mizoguchi se place du côté des femmes et décrit leurs souffrances, leurs difficultés face à un monde qui ne leur offre que peu d’espaces d’épanouissement. Ainsi, pour se libérer du machisme, de la lâcheté et de l’égoïsme de certains hommes, et devant le peu de perspectives professionnelles qui se présentent à elles, la prostitution est malheureusement pour elles l’un des seuls « refuges » leur permettant de rester libres malgré la dureté du quotidien, poussé à son paroxysme lors de la scène finale, quasi-christique, où une femme voulant sortir de ce cercle infernal se fait passer à tabac par ses congénères dans un terrain vague. Un grand film sombre et poignant qui annonce des incontournables du Cinéma nippon comme La Vie d'Oharu femme galante ou La Rue de la Honte.
une vision brutale du monde de la prostitution
L'ouverture des Femmes de la nuit est un modèle d'exposition classique : après un long travelling aérien sur Osaka, la caméra s'immobilise sur une rue et zoome; on voit un panneau interdisant aux femmes de se promener de nuit avant que la caméra se déplace vers celle qui sera entrainée sur la voie de la prostitution. En très peu de temps, le sujet est déjà posé. Puis on aura droit à un tableau sans concessions de la misère et de la désolation du Japon d'après-guerre qui n'a rien à envier au versant social du Kurosawa de l'époque. Mais lorsqu'il s'agit de filmer les scènes de cabaret, Mizoguchi opte pour de longs plans séquences désespérés et nostalgiques là où Kurosawa cherchait à rendre compte du bouillonnement d'une jeunesse avide d'évasion. Le film met en évidence la fascination suscitée par l'argent facile de la prostitution qui permet de se payer des vetements couteux, l'effet d'entrainement dans la famille de la veuve qui en est la conséquence, la société qui ne répond au problème qu'en invoquant la morale traditionnelle.
Si Mizoguchi a toujours été le cinéaste de la violence faite aux femmes par la société (on le voit ici lors de la scène du quasi-viol d'autant plus dégoutante que suggérée ainsi que lors des arrestations de prostituées par la police), cette violence se double ici de la violence entre femmes: traitements cruels réservés aux nouvelles arrivantes par les prostituées, multiples scènes de bagarres entre femmes, final où l'une d'elles est fouettée à coup de ceinture et tabassée. Pour ces femmes, le seul espoir est dans la conscience de la faute et le final triste dans un cimmetière en ruine semble par sa symbolique religieuse (les prostituées filmées à travers un vitrail religieux) offrir une possibilité de rédemption à ses personnages, ce que confirme la caméra qui s'élargit vers les cieux lors du dernier plan.
Huit ans avant La Rue de la Honte, Mizoguchi offrait déjà un tableau juste du monde du sexe tarifé.
Un noir joyau
La critique est impuissante pour restituer la VIOLENCE faite au spectateur des Femmes de la nuit. Les mots sont faibles et la frontière restera intangible entre ceux qui n'ont pas vu et concluront à une variation mizoguchienne de plus sur les humiliations faites aux femmes et ceux qui ont subi dans leur chair (désolé de ce cliché, tellement juste ici) cette odyssée mélodramatique, sans aucun équivalent par sa noirceur et l'abjection qu'elle dépeint.
Au delà des thèmes et images familiers, une leçon magistrale de mise en scène. Admirez ces panoramiques en plongée, ces zooms arrières ! Cherchez en vain un plan inutile, une scène fade ! Et dire que certains pensent que Mizoguchi est né après 1950... Après cela, dur de voir un autre film pendant des jours voire des semaines.
Un monde sans femmes
Se remettant difficilement de son précédent échec de "L'amour de l'actrice Sumako" face au produit concurrent "L'actrice" par Teinosuke KINUGASA, Mizoguchi réussit à débaucher le scénariste de ce dernier pour signer l'adaptation de sa propre pièce de théâtre à succès, "Seul contre dix millions d'hommes". en résulte un scénario intitulé "La fête des femmes", pur mélodrame taillé sur mesure pour un public féminin friand à l'époque des histoires tire-larmes. Mizoguchi joue un vil tour à l'auteur, en en confiant la réécriture à son fidèle scénariste Toshida Yoda sans rien dire à son précédent collaborateur; il a en tête une vision toute personnelle, inspirée des récents succès néo-réalistes italiens de l'immédiat après-guerre; films témoignages captant la réelle dimension tragique sur les décombres des villes en ruine.
Poursuivant toujours plus en avant sa thématique des femmes opprimées par le système, l'époque et le décor lui inspirent un poignant drame ultra-réaliste d'une jeune veuve de guerre obligée de se prostituer pour tenter de survivre.
Jamais encore le réalisme n'avait été poussé aussi loin dans la filmographie de son réalisateur et le mélange aussi réussi entre mélodrame et portrait de femmes. Véritablement poignant, le métrage reste un témoignage rare d'une époque - heureusement - révolue au sortir d'une pénible Seconde Guerre Mondiale.
e film a été un grand succès lors de sa sortie, sans aucun doute plus de par la mode récente des "pan-pan mono" (histoires ou romans de prostituées), produits d'exploitation dont le public en raffolait à l'époque; au-delà, il s'agit d'un véritable chef-d’œuvre, bien plus que ses futurs produits avant tout destinés à un public occidental.
un chef d'oeuvre!
ce film est le premier de Mizoguchi que j'ai vu et peut etre celui qui m'a le plus impressione.
la copie etait tres mauvaise mais ne m'a en aucun cas empeche de le voir tellement j'etais fascinee par la maniere qu'il a de filmer, avec des plans simples et une camera presque immobile cet univers sombre et sale.
un chef d'oeuvre boulversant!
Sommet cinématographique mondial
Probablement mon film préféré de Mizoguchi (avec l'Intendant Sansho) et l'un de mes films préférés tout court.
La plupart (Tous?) des films de Mizoguchi sont sombres. Celui-la est particulièrement noir (peut-etre accentué par la faible qualité de l'image).
Dans un Japon détruit par la guerre, Mizoguchi filme la misère sans pathos.
C'est incisif, brut, brutal, sans concessions comme les chefs d'oeuvre du néo-réalisme italien (c'est la même époque et l'on sent une parenté) que sont "Le Voleur de bicyclette", "Rome ville ouverte" ou encore "Allemagne année zéro".
Bref, c'est monstrueux, émouvant, violent, décisif.
A voir absolument!!!