Ordell Robbie | 2.5 | Ancienne Vague |
La Femme Tatouée fut présenté dans la Section Parallèle du Festival de Cannes en 1982 et distribué en France ensuite. Pas étonnant dès lors qu'il s'agissait d'un film correspondant à l'idée que le cinéphilie française se faisait alors du cinéma japonais: celle d'un cinéma "artistique". Le film n'est certes pas dénué d'intérêt mais on aurait tendance de notre côté à ne pas vraiment déplorer l'oubli dans lequel il a sombré. Wakayama Tomisaburo offre une composition surprenante de sobriété en maître tatoueur. Et l'on pourrait énoncer les thèmes intéréssants brassés par un scénario cherchant véritablement à les creuser: le plaisir et la douleur se mêlant dans la sexualité et la passion amoureuse, la quête de la peau parfaite du tatoueur, les rapports ambigüs tatoueur/tatouée, le tatouage comme une seconde peau pour la tatouée, le lien entre les êtres tissé par le tatouage... Et le personnage de la tatouée incarne une figure de femme dont le rapport passionnel à son homme fait de ce désir d'être tatouée une décision forte, un reflet de son caractère déterminé.
Mais le film de Takabayashi souffre de passer après d'illustres prédécesseurs de la Nouvelle Vague japonaise ayant déjà traité une bonne partie de ces thèmes-là: Oshima Nagisa concernant la passion et Masumura pour ce qui est de la passion et des thèmes relatifs au tatouage. Bien écrit, le script n'apporte strictement rien de neuf sur les thèmes traités. L'autre limite du film, c'est que l'émotion y est cannibalisée par sa maîtrise. Cadrages, composition des plans, coupes du montage, direction d'acteurs: presque tout semble avoir été pensé de A à Z. Au point que cette maîtrise trop sûre d'elle-même empêche les accidents qui pourraient rendre La Femme tatouée à la hauteur de son potentiel de fascination. Car si elle les parcourt assez bien la mise en scène ne fait qu'arpenter des chemins balisés s'agissant de ce type de sujet. Comme cette composition méticuleuse du cadre et des plans censée faire écho au caractère méticuleux du travail du tatoueur, à cette idée si japonaise du mélange du désir et du cérémonial. Scandé à coup de plans subjectifs, le passage où le tatoueur décrit la naissance de sa vocation sont le seul moment accidentel, le seul où le film sort de sa routine de "film de maître" à la sauce Nouvelle Vague japonaise.
En cherchant la perfection à l'image de son "héros" tatoueur, La Femme Tatouée s'éloigne de la vraie grandeur artistique. Il ne parvient qu'à reproduire de façon moins inspirée ce qui l'a précédé. Les êtres brûlent, le film jamais.