Ghost Dog | 1.5 | De l'art d'enfoncer des portes ouvertes |
jeffy | 1.75 | Trop convenu pour être sauvé |
Aurélien | 2.25 | Sujet courageux et esthétisation abusive |
Disons-le tout de suite : le nouveau long-métrage de Dai Sijie est bancal. Bancal car il possède quelques atouts non négligeables mais aussi pas mal de défauts qui nuisent très fortement à ce qui aurait pu être une œuvre de qualité.
Le film raconte l’histoire de deux jeunes filles dont l’amitié se transforme peu à peu en amour. Min, jeune orpheline, part effectuer un stage d’un mois et demi chez un botaniste qui habite une île isolée à la végétation luxuriante. An, la fille de ce professeur autoritaire, se montre ravie d’avoir enfin une compagnie qui vienne briser son ennui et sa solitude. Très vite, les deux jeunes femmes deviennent complices, complicité qui deviendra amitié, puis amour. Pour ne jamais être séparées, Min et An imaginent rapidement un arrangement insensé qui marquera le début de doutes et de troubles venant briser inexorablement la tranquillité de l’île puis les vies de chacun. Les Filles du Botaniste s’inspire d’un fait divers que le réalisateur avait lu dans les journaux chinois il y a plusieurs années : l’histoire de deux femmes condamnées à mort parce qu’elles étaient homosexuelles et accusées d’avoir tué le père de l’une d’entre elles.
Très vite, on se rend compte que l’on retrouve ici les thèmes chers à l’auteur. L’histoire des Filles du Botaniste Chinois est l’occasion pour le réalisateur de condamner à nouveau la rigidité et l’autorité d’une société qui ne laisse pas la place aux libertés individuelles. Même si l’homosexualité n’est plus considérée comme une maladie mentale depuis 2001 en Chine, le sujet reste complètement tabou et difficile à aborder. C’est donc avec un certain courage que l’auteur se sert de ce thème pour montrer comment des individus ont été chaque jour brisés par une société qui impose à chacun la conduite à tenir, au point qu’il est même impossible de pouvoir espérer revendiquer ou simplement assumer sa différence. Preuve que les choses n’évoluent pas si vite qu’on aimerait le croire : le gouvernement chinois a conseillé à l’actrice Zhou Xun (la petite tailleuse du précédent film de l’auteur) de refuser le rôle qui lui a été proposé. De même, aucun producteur chinois n’a osé investir dans le film et le réalisateur s’est vu refuser toutes les autorisations de tournage sur le sol chinois, ce qui explique que Les Filles du Botaniste ait été entièrement tourné au Vietnam.
Malheureusement, le film est pourtant loin d’être exempt de défauts. Le principal reproche que l’on peut faire à Dai Sijie est d’avoir cette fois-ci mis clairement l’accent sur l’esthétique du film, une esthétique facile qui nuit très fortement à l’œuvre. Tous les moyens sont bons pour que le spectateur moyen s’extasie devant des images léchées à l’extrême. Les moyens en question sont malheureusement les mêmes que ceux qui seraient déployés dans une publicité pour un gel douche Obao. Certains plans sombrent par moments dans la contemplation vulgaire qui tend presque vers les clichés de romans fleur bleue teintés d’un pseudo érotisme. Ainsi, les scènes poseuses où les deux jeunes filles s’éclaboussent dans la rivière – les vêtements trempés et le corps quelque peu couvert de vase - et où l’on contemple les corps transpirants dans les bains de vapeur ne font que décrédibiliser le film et nuisent très fortement aux enjeux en place autres qu’un parti pris esthétique plus que contestable qui l’emporte malheureusement sur tout le reste. C’est évidemment dommage, surtout quand on voit à quel point les décors sont absolument somptueux et la réalisation parfaite si l’on fait abstraction des points négatifs ici évoqués.
Heureusement, Dai Sijie se rattrape sur la fin et fait le choix judicieux de terminer son film sans jamais jouer sur le pathos, résistant ainsi aux tentations usuelles dans ce genre de cas. Les dix dernières minutes font presque froid dans le dos tant la mise en scène sert la distanciation mise subitement en place. Contre-plongée, marches que l’on monte menottes au poignet, plongée. Les actrices sont traversées par une diagonale qui coupe en un instant leur passion et le fil de leur vie. Le jugement sera révélé dans une lettre, sans que jamais quelque effet facile ne soit employé pour susciter l’émotion.
Au final, Dai Sijie a incontestablement des choses à nous dire et doit être quelqu’un de passionnant à écouter. Dommage qu’il ne soit pas encore parvenu à établir un style personnel qui serve parfaitement son propos. Les Filles du Botaniste en souffre fortement et c’est regrettable.