Lourd et peu inspiré
Ce n’est pas que les Filles du Pharmacien Kim soit véritablement un naufrage cinématographique. Yu Hyunmok déploie du début à la fin du film une mise en scène faisant dans un classicisme pas transcendant, à la limite du beau plan pour le beau plan mais supportable. Il aurait simplement fallu un peu plus que cela pour tirer vers le haut un tel scénario. Il faut dire que l’enchaînement des malheurs frappant la famille pour cause d’une prétendue malédiction ancestrale semble des plus mécaniques et des plus artificiels. Le scénario semble ne faire pas grand chose d’autre que d’empiler les malheurs de ses personnages. Sans que le film soit vraiment mal interprété, il manque de la fraîcheur néoréaliste d’un Obaltan. Qui plus est, la dramatisation est appuyée lourdement par un score de sous-Bernard Hermann. Tout ça pour quoi? Pour montrer la classe moyenne coréenne décliner pendant l’occupation japonaise avant de relever la tête. Avoir quelque chose à dire n’est pas un intérêt cinématographique en soi. Surtout quand le «message» est asséné avec autant de légèreté…
Mauvais sort
"Obaltan" spolié (toutes les copies avaient été saisies et détruites à l'époque, sauf une, miraculeusement envoyée au Festival de San Francisco), Yu Hyun-mok se devait de se remttre au diapason sous le gouvernement coréen répressif de l'époque - ce qui n'a pas pour autant calmé ses "ardeurs" revendicatives.
Toujours placé sous sa première période des films dénonçant l'absurdité de la société (contre sa seconde, s'intéressant davantage à l'homme) il signe une étonnante comédie dramatique de moeurs. Il y aborde tous ses thèmes favoris, dont l'anti-communisme et - surtout - la religion. Revenant aux racines même du peuple chinois, il oppose les croyances chamanes à celles - plus officielles - religieuses (dont l'intervention d'une chrétienne française).
Côté technique, il continue à expérimenter des nouveaux cadrages totalement inédits au sein du cinéma coréen, dont certains directement empreints de l'expressionnisme allemand (notamment "Le Cabinet du Dr. Caligari" avec l'escalier en premier plan).
L'histoire, assez classique, trouve un revirement de ton incroyable vers la fin, lorsque l'un des personnages pète littéralement els plombs et décime une bonne partie du casting à la hache. L'entier ton bascule dans de l'horreur pure et laisse un profond arrière-goût amer. Revendicative, cette fin représente une nouvelle fois le profond désoeuvrement de la propre condition d'artiste de Yun, mais également de celui du peuple coréen en soi.
A noter, que la fin diffère énormément de celle du livre original, suite à la pression des producteurs pensant le film trop pessimiste, mais également de celle des autorités officielles de l'île, qui avaient peur à ce que les coréens ne viennent plus passer leurs vacances, si jamais le film allait représenter leur île de façon trop négative.