Xavier Chanoine | 2.75 | Et le punk sauva la catastrophe |
Ordell Robbie | 1.5 | Faux "OVNI" cinématographique aux ficelles narratives de mauvais film d'auteur. |
Ce qu’il y a de très beau dans Fish Story, c’est ce qui permet au film d’exister, sans quoi il n’y aurait jamais eu d’histoire, de mécanismes sous forme de flashback, de lyrics dont les niveaux de lecture sont infinis, à la manière de certains groupes de rock majeurs de l’Histoire de la musique : en l’an 2012, une météorite est en approche et ne va pas tarder à raser tout le Japon. On laissera d’amblé les échos des récentes catastrophes du nord-est du Japon de côté pour s’intéresser à un autre point très ancré dans la culture populaire au Japon, le goût, la fascination pour le chaos.
Fish Story, ce n’est ni plus ni moins que le chaos camouflé en film grand public sous fond de musique punk. Et la musique punk, à l’époque, c’était quoi ? Du chaos en barre, un truc indigeste qu’un certain cercle de jeunes initiés pouvait blairer. Ce n’était pourtant pas faute d’avoir essayé bien avant les années 70, bien avant l’apparition des Sex Pistols et le split des Beatles. On en parle dès le début d’ailleurs : la première ère du punk est à voir du côté des Velvet Underground dont l’histoire du jeune groupe Fish Story semble trouver écho, le côté sulfureux en moins. A croire qu’encore aujourd’hui, tout le monde pense que le punk vient d’Angleterre. On ne parlera évidemment pas de drogues, encore moins de sadomasochisme, mais les nombreux dialogues faisant référence à la musique punk (ou proto-punk), à cette musique que personne ne comprenait (« d’ailleurs, ça ne se vendra pas » peut-on entendre lors des sessions d’enregistrement de Fish Story) donnent au film de Nishimura Yoshihiro des airs de film quasi documentaire. Et pourtant, les déboires et les difficultés que rencontrent le groupe pour convaincre ou tout simplement exister ne sont qu’une pirouette pour narrer une histoire à la Iñarritu. A savoir, ce « quelque chose » qui bouleversera quelqu’un dans un endroit précis du monde.
Evidemment, le film est invraisemblable, mais force est de constater que le cinéaste ne se mélange pas les pinceaux et arrive parfaitement à ses fins, retombant sur ses pattes malgré des cabrioles un peu longues dans leur exécution. Ressemblant parfois un peu trop à ces quantités de films japonais à moyen-petit budget truffés de longueurs, Fish Story se démarque heureusement par ses pointes d’humour et la fulgurance de l’intégralité des séquences mettant en scène la météorite. La vision d’une apocalypse tranquille en tout début de métrage est amenée par un simple plan en contre-plongée suivant un homme aigri en fauteuil roulant, laissant deviner cette étrange lueur dans le ciel et le chaos qui s’annonce. Et ce n’est pas le soleil. Le lien est directement établi, le chaos est aussi bien aujourd’hui dans le ciel que trente-cinq ans en arrière dans les ondes ; c’est pourtant le punk qui sauvera le Japon, ni plus ni moins. Merci à eux.